Chapitre 20

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J'étais près de la table de buffet, trop peu à l'aise pour me mêler aux autres personnes invitées à cette réception. Il y avait de la musique, jouée par une femme d'âge mur aux cheveux bruns et aux traits hispaniques. Je soupirai. Soudain, un inconnu bien vêtu -sans doute une personne haut placée- prit ma main et y déposa un baiser. Je la retirai aussitôt avec dégout et m'apprêtais à gifler l'inconnu dont le visage m'était caché quand il leva les yeux vers moi. Lanvais. C'était Lanvais. Était-ce une malédiction, qui voulait que je tombe sans cesse sur lui ? Je fronçai les sourcils.

- Que cherchez-vous, au juste ?, demandai-je sévèrement.

Lanvais s'inclina, souriant.

- Moi aussi je suis heureux de vous revoir, très chère Cendrine.

Je soupirai et allais faire volte-face quand Lanvais me prit le bras.

- Attendez, me dit-t-il. Ne prenez pas la mouche, comme il semble que vous ayez pris l'habitude.

Je dégageai violemment mon bras.

- Au revoir, monsieur, répondis-je sans me retourner. Ma soeur sera sûrement plus apte à recevoir vos bontés. C'est à Antoinette, qui semble se languir de vous, qu'il faut témoigner de l'attention. Pas à moi.

Je laissai Lanvais seul. Déconcerté, sans doute, par ma réponse, mais peu m'importait. Soudain, un bras me tira sur le côté. Lou...Louis-Henri ?! Surprise, je ne pus rien dire, ni même partir. Mon demi-frère affichait un air dur. Froid. Si loin de ce que j'avais connu.

- Toi !, dit-il entre ses dents.

- Moi aussi, je suis heureuse de te revoir, répondis-je, remise de mon choc. A présent, j'ai des choses à faire, tu m'excuseras...

J'essayais de dégager mon bras, mais la poigne de Louis-Henri était forte, tellement que j'en avais mal. Il y avait une lueur meurtrière dans son regard. Je commençais à vraiment le craindre. Mon coeur tambourinait dans ma poitrine.

- Tu restes ici, on a des choses à se dire, fit mon demi-frère.

Il sortit une lettre. Ma lettre. Celle que je lui avais écrit le matin même afin de lui annoncer mon départ. Je pâlis. L'encre avait coulé par endroit... Étrange. Cela ne serait pas arrivé, à moins que le papier n'ait été mouillé. Mais quel intérêt pour Louis-Henri...à moins que cela n'ait été des larmes. Mais cela ressemblait peu à mon demi-frère.

- Pourquoi es-tu partie ?, me demanda Louis-Henri.

- En quoi ça te regarde ?, répliquai-je.

Louis-Henri leva les yeux au ciel.

- Ça me regarde parce que si tu te mets en danger, dit Louis-Henri en détachant chaque mot, ce que tu es parfaitement capable de faire, je ne saurais pas où tu es et je ne pourrais pas t'aider.

- Et pourquoi serais-je en danger ? Et même si c'était le cas, tu me juges trop faible pour savoir me défendre seule ? Dois-je te rappeler qui nous a défendu dans la forêt ?

Louis-Henri soupira.

- Peut-être, dit-il. Mais tu reste une femme. Il y a certaines attaques contre lesquelles tu ne peux rien. D'autant plus qu'il vaut mieux ne pas te faire remarquer. C'est pour ça que tu reviens avec nous. Tant pis pour le travail.

Louis-Henri s'apprêtait à m'emmener je ne sais où, mais je me dégageai violemment et frottai mon bras devenu douloureux.

- Je n'irais nulle part avec toi, dis-je. Je suis encore en droit de décider ce que je veux faire ou pas.

Louis-Henri saisit mes deux épaules. Je le craignais sérieusement. Je le savais passionné. Même s'il n'avait jamais vraiment usé de violence avec moi. Peut-être allait-il commencer. Peut-être allait-il m'enlever contre mon gré.

- Mais tu ne comprends pas ?, s'exclama-t-il. Si jamais il t'arrivait quelque chose je crois bien que j'en mourrais de chagrin et de remord.

- Mais pourquoi devrait-il m'arriver du mal ?, demandai-je, inquiète.

Louis-Henri me serra fortement contre lui, geste qu'il n'avait encore jamais eu.

- Parce que je crois bien t'avoir emmenée tout droit dans un guêpier, murmura-t-il. Cendrine, ton nom est malheureusement connu à Paris.

- Pardon ?!

J'étais sans voix, et surtout je n'étais pas sûre de comprendre.

- J'ai séduit pas mal de femmes haut-placées afin de pouvoir survivre ici sans mal, m'expliqua mon demi-frère. Cependant, je ne suis jamais allé jusqu'à l'acte. Mon coeur étant déjà pris, je ne pouvais pas le faire. Par contre, pour survivre je les faisais espérer, puis au dernier moment, je les laissais pour une autre dame plus fortunée encore.

- Et quel rapport avec moi, dans tout ça ?, demandai-je, perdue.

- Je leur glissais à l'oreille : « Je ne puis, madame, trahir la seule et unique maitresse de mon coeur, Cendrine de Tréville ». Parce que, tu vois, je t'ai aimé dès le premier jour, lorsque nous étions enfant et que tu es arrivée de ton pensionnat.

Surprise, je sus que dire. Louis-Henri, m'aimer ? Après toutes ses mauvaise blagues, après toutes ses sautes d'humeurs ? Louis-Henri sourit tristement et mit la main dans ma nuque.

- Je doute qu'elles ne te laissent en paix alors que par ta fautes elles ont perdu un amant, dit-il. Pas toutes mes conquêtes ont mal pris ma passion pour toi, mais beaucoup se sont senties offensées.

- Tu aurais pu m'en parler plus tôt, le réprimandai-je. J'aurais été plus sur mes gardes. Peut-être que je travaille pour l'une de tes conquêtes sans le savoir, et ce par ta faute.

- Louis-Henri ?, appela une femme au loin, perdue dans la foule d'invités.

- J'arrive !, fit Louis-Henri. Je dois y aller, ajouta-t-il à mon adresse, envoie moi vite de tes nouvelles, sans quoi je me languirai de toi et je viendrais te chercher par moi-même.

Il partit dans la hâte et disparut dans la masse, me laissant toute retournée. Bientôt, je fis volte-face et vis Werther. Lui aussi était présent ? Il sourit et s'inclina.

- Bonjour, Cendrine, dit-il. J'ai reçu ta lettre.

- Oui, répondis-je, ne sachant quoi dire d'autre.

Werther regarda à droite puis à gauche, avant de se pencher vers mon oreille.

- Prends garde à ce que Louis-Henri ne te voie pas.

Puis il partit. Je soupirai, et décidai de me rendre à nouveau près du buffet quand on prit mon poignet. Je me tournai et vis Lanvais. A nouveau. Il s'inclina et me fit à nouveau un baise main. Je baissai les épaules, renonçant à m'enfuir.

CendrillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant