Chapitre 4

2.9K 218 4
                                        

« Cette nuit...dans le jardin...vers minuit...»

Je me mordis la lèvre tout en me demandant ce que Louis-Henri pouvait bien avoir à me dire.

- Vous semblez soucieuse, y aurait-il un problème ?, me demanda Antoinette.

Je lui souris et dissimulai de mon mieux le billet de mon beau-frère.

- Non, aucun, répondis-je. Seulement, j'aimerais me reposer, un peu.

Puis, pour appuyer mon propos, je me mis à bailler. Je me levai, m'inclinai, puis m'approchai de la porte. Non, je n'était point fatiguée. Je voulais seulement me détendre un peu, et m'occuper de ma bonne vieille Fiona. Or, la voix de Clarisse m'arrêta.

- Non, point, Cendrine. Demeure, dit-elle. Je sais que tu vas aux écuries. Mais j'ai à te parler. Antoinette, Bertille, vous pouvez disposer.

Si Antoinette s'exécuta de bonne grâce, Bertille partit en me fusillant du regard. Quand nous fûmes seules, Clarisse tourna la tête vers moi.

- Ferme la porte, Cendrine.

Je m'exécutai. Clarisse, alors, se leva et me tourna autour tel un marchand devant du bétail. Muette. Le silence de la pièce était seulement brisé par le cliquetis de ses talons et le bruit sourd de son éventail.

- Chétive...une belle poitrine...un bon port de tête...une peau de porcelaine...quoiqu'une mauvaise posture... Je pourrais faire de toi une femme, dit-elle.

- Mère, je ne suis là que...

- Parce que je t'ai fait mandée, acheva Clarisse avec autorité. Je sais que la mort bientôt proche de ton père te mine, ajouta-t-elle, mais il faut songer à ton avenir. Non, ne dis rien. Ne crois pas que je suis insensible au trépas de Guillaume, mais il faut songer à l'avenir.

J'acquiesçai en silence.

- Est-ce pour cela que vous m'avez demander de venir ?, demandai-je. Pour me trouver un parti ?

Clarisse retourna s'assoir.

- Non, bien sûr. Ce n'est qu'un détail qui aurait pu attendre tes vingt-et-un ans, répondit-elle. Non. Je t'ai fait mandée car ton père tient à ce que tu hérite de chacun de ses biens. Y comprit ses appartements à Paris.

- Ah, dis-je, surprise.

- Avec Antoinette, nous pensons nous installer là-bas, après l'enterrement, poursuivit Clarisse. Il me faut ton accord, et je voulais te proposer également de nous suivre.

Je ne répondis rien. Evidemment : c'était l'endroit rêvé pour trouver un bon parti à Antoinette. Est-ce que je leur donnais mon accord ? Bien sûr. Est-ce que je les suivais ? Cela restait à voir. Je souhaitais seulement vivre tranquillement. Je ne recherchais ni gloire, ni richesses, ni mari, ni rien. Si, il restait une chose que je souhaitais : revoir Anne.

- Alors ? Tu es muette, s'emporta Clarisse.

- Je vous donne mon accord, quant à vous accompagner, cela reste à voir.

J'avais tempéré ma voix. Mon père allait mourir et Clarisse songeait déjà à s'en aller ? Elle songeait déjà à un après ? Et depuis combien de temps avait-elle ces projets en tête ? Tant de questions me pressaient.

- Réfléchis-y, me dit Clarisse.

J'acquiesçai et partis, abandonnant mon projet de me promener à cheval. Que pouvais-je faire, sinon veiller sur mon père, aller voir Henriette, ou me morfondre seule ? Aussi, je choisis d'aller voir Henriette et de peut-être l'aider à faire les repas.

Je descendis les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée. Cela me rappelait tant de souvenirs ! Je fus tout de suite envahie par l'odeur de soupe de mon enfance...décidément à part les personnes, rien n'avait changé.

Je trouvai Henriette affairée aux fourneaux. Quand elle me vit, elle sourit.

- Ah ! Cendrine ! Tu es là !, s'exclama-t-elle. Alors, tu as vu tout le monde, pas vrai ?

- En effet.

Henriette essuya ses mains sur son tablier.

- Alors tu as pu remarqué certains...changements, dit-elle.

- Oui, surtout chez Louis-Henri !, m'exclamai-je.

- Certes, il est beaucoup plus aimable...il me dit même bonjour !, répondit Henriette.

J'allais répliquer quand je vis une silhouette dans l'embrasure de la porte.

CendrillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant