Chapitre 17

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Je venais d'arriver dans la chambre miteuse. Farfouillant dans les affaires de Louis-Henri, je n'eus aucun mal à trouver du papier, de l'encre et à me mettre au travail. Mais que dire ? Je pensais également à Werther, qui nous avait certainement accompagnés pour moi. Je sentis alors un pincement au coeur et une larme commença à couler sur ma joue. Non. Je n'avais pas pleuré la veille, lorsque Lanvais m'avait annoncé la mort de père. Je n'allais pas pleurer notre séparation. J'essuyai rageusement mes larmes et me mit à écrire.

« Louis-Henri,

J'ai finalement trouvé du travail, alors inutile de m'attendre, car je ne reviendrais pas. Paris est grand, je doute que nous nous revoyons, ceci est donc une lettre d'adieu. Je ne te regretterais pas, loin de là. En y repensant, je me demande même quel vent de folie m'a poussée à te suivre dans cette aventure grotesque. S'il n'y avait pas eu Werther, je pense que je la regretterais sûrement. Quoiqu'il en soit, je te souhaite une fin de vie heureuse, si toutefois tu ne gâche pas tout avec ton caractère mauvais. »

Je repliai la lettre, et écrivis le nom de mon demi-frère dessus. Puis, je me saisis d'une seconde feuille, et commençai la lettre destinée à Werther.

« Cher et tendre Werther,

Ta lettre est certainement la plus dure pour moi à écrire, en témoignent mes larmes - que je verse bien malgré moi. Parmi les tiens, c'est toi avec qui je me suis sentie le plus en confiance. C'est toi qui nous a aidé, L-H. et moi. Et c'est toi qui m'a fait apprécier l'aventure folle dans laquelle m'a entraînée mon demi-frère. Sache que je pars. J'ai trouvé un travail et un foyer. Si seulement tu pouvais m'accompagner ! Mais je crains fort que ce soit impossible. Je ne veux pas te dire au revoir, alors j'inscris l'adresse au dos pour que tu puisse m'écrire et me rejoindre si besoin. Prends garde à ce que Louis-Henri ne la voit pas. Je ne veux pas qu'il vienne me chercher. Enfin, voilà malheureusement ma maitresse qui m'appelle, je dois y aller. Tu me manqueras. Avec toute mon affection, C. »

Je pliai la lettre, écrivis l'adresse au dos, ainsi que le nom de mon ami, et me dépêchai de rejoindre Elizabeth et sa soeur dans le fiacre. Cette dernière me sourit.

- Quel âge avez-vous, déjà ?, me demanda Mary.

- J'ai dix-huit ans, madame.

- Ah, perdre son père ainsi..., soupira Elizabeth en s'éventant. Remarquez, le mien aussi est mort.

Sur le chemin pour aller vers l'auberge, elle m'avait demandé pourquoi je n'avais aucun effet, et pourquoi je résidais dans un endroit si mal fréquenté. J'avais donc raconté mon histoire dans les grandes lignes. Je ne répondis rien, mais soudain Lady Elizabeth posa une main sur mon bras.

- Tu devrais te changer les idées, s'exclama-t-elle. Il y a une réception ce soir chez Madame Xavier et j'exiges que tu m'y accompagne. Certes, ce n'est qu'une bourgeoise, mais qu'est-ce qu'on s'amuse chez elle ! Je te donnerais une de mes anciennes robes, et Yvette te la remettra au gout du jour.

Je me contentai de hocher la tête en silence. Après tout, je n'avais pas mon mot à dire.

- Sais-tu parler anglais ?, demanda Elizabeth.

- Non, j'ai seulement appris l'allemand à Kervillais, répondis-je.

- Alors il te faudra l'apprendre, la plupart de mes domestiques sont anglais.

- Mais... Si vous parlez français, je n'en ai pas besoin, si ?, demandai-je.

Elizabeth soupira.

- Tu sais, je n'ai pas l'intention de vivre éternellement ici, un jour je retournerais dans mon pays, et tu m'accompagneras. Autant t'y préparer, non ?, m'expliqua-t-elle.

Je baissai la tête. Moi, quitter la France ? Cela me paraissait si...étrange. Si effrayant. Bientôt le fiacre s'arrêta devant un manoir, m'empêchant de répondre. Je descendis, accompagnée de Lady Pringsley et de sa soeur, et vis que nous étions entourées de verdure. Où étions-nous ? Sûrement pas à Paris. Mais pas très loin de la ville, puisque le trajet n'avait pas duré longtemps.

- Nous y voilà !, s'exclama Elizabeth. Créteil !

CendrillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant