Chapitre 24

1K 99 5
                                    

Louis-Henri. Louis-Henri était là. Les vêtements et le visage trempés. Il eut un rictus.

-Alors je teffraie tant que ça ?, me railla-t-il.

Je fronçai les sourcils et lui répondis par un coup sur l'épaule.

-Idiot !, répliquai-je. Que viens-tu faire ici ?

-Je suis ravi te revoir aussi, chère sur, répondit-il en retrouvant son sérieux. Ton invitation tient toujours ? J'ai atrocement froid.

Pour réponse, jouvris la porte. Louis-Henri entra sans mot dire et me suivit dans le salon, près de la cheminée. Je remarquai alors que lady Elizabeth sétait retirée. Peu importait. Je montrai un fauteuil à mon demi-frère tremblant de froid.

-Que viens-tu faire ici, demandai-je alors, et où est Werther ?

-Werther travaille en ce moment, répondit Louis-Henri, quant à moi jai pour ma part entendu des rumeurs et je suis venu afin, je l'espère, pouvoir les contredire.

-Quelles rumeurs ?

Je fronçai les sourcils.

-Celles selon lesquelles tu aurais une liaison avec Lanvais.

-Non, elles sont absolument fausses !, me récriai-je, rougissante. Enfin Oui, Lanvais ma courtisée, mais je l'ai repoussé.

Louis-Henri soupira et m'enlaça. Encore.

-Ça me soulage, murmura-t-il. Lanvais est quelqu'un de mauvaisde très mauvais, c'est un séducteur et un coureur de juponson ne compte plus ses bâtards.

-Un peu comme toi au fond, répondis-je, même si tu ne consomme pas.

Louis-Henri s'écarta et fronça les sourcils.

-Moi je le fais pour survivre, répliqua-t-il, mon but nest pas de briser des curssi bien sûrs elles en ont. Car je tassure que la plupart de mes cibles sont de vieilles harpies en quête de bonne chère et c'est uniquement leur égo que je blesse, Lanvais le fait pour le plaisir. En plus, il t'avait déjà repérée à Metz.

Jhaussai les épaules tout en observant le feu. Peu mimportait tout ça, du moment que javais la paix. Une vie paisible, voilà ce à quoi jaspirais. Je fermai les yeux et revis le manoir de mon père, les ballades à cheval, les provocations de Bertille, qui étonnamment me manquait, les moqueries de Louis-Henri. C'est alors que je sentis un doigt sur ma joue. Surprise, je rouvris les yeux.

Mon demi-frère avait son visage à quelques centimètres de moi et observait son index, sur lequel je pus voir une goutte deaunon, une larme. Avais-je pleuré ? Je ne men étais point rendue compte.

-Quas-tu, Cendrine ?, me demanda Louis-Henri.

-Je Je crois que notre Lorraine natale me manque, répondis-je. Depuis longtemps je fuis le manoir Jai dabord fui à Kervillais, afin d'échapper à tes railleries, puis maintenant jai fui à tes côtés sans vraiment savoir ce que je fuyais. Mais lai-je vraiment su un jour ? Car même quand je refusais de passer mes vacances au logis, je je ne sais plus. Car au fond tes moqueries n'étaient pas aussi méchantes que celle de Bertille.

Louis-Henri semblait consterné. Il soupira et prit mes mains.

-Ne te pose pas autant de questions, Cendrine, dit-il. Contente toi de vivre. À trop se poser de questions, on finit par en oublier de respirer. Oh, bien sûr ne deviens pas aussi idiote quAntoinette qui se contente de faire tout ce que sa maman lui dit sans réfléchir, mais ne pose pas le pour et le contre avant et après chaque choix que tu fais dans la vie, car tu risques de te la rendre impossible. Noublies pas ce que ce célèbre écrivain a dit : « Vivre, c'est la chose la plus rare en ce monde, la plupart des gens ne font quexister. »* Je taime pour cette faculté que tu as à laisser tes impulsions lemporter sur la raison si tu deviens une femme raisonnable, alors ma vie entière sera brisée car je la passerais à idolâtrer ton souvenir.

Je levai les yeux vers lui.

-Louis-Henri, répondis-je, mon frère. Je testime beaucoup, et je commence seulement à me rendre compte de lamitié que jai pour toi Tu ne peux pas savoir à quel point ton soutient me donne du baume au cur Seulement, celui-ci est déjà pris par une autre personne, et je tassure que je ne my attendais pas. Je pense très sincèrement que sil ny avait pas eu cette personne jaccepterais ton élan avec joie, mais en l'état actuel des choses, jai besoin de temps afin de taire cette passion nouvelle qui me consume et me déroute quelque peu.

-Je ne serais, de toute façon, pas digne de toi, répondit Louis-Henri. Mais cette passion, que tu dis nourrir depuis peu de temps, ne serait-elle pas adressée à Werther ?

Je secouai négativement la tête.

-Non point, jaurais, hélas!, mille fois préféré, murmurai-je.

Louis-Henri sécarta, songeur, et se leva, près à partir.

-Soit, dit-il. Tes penchants sont personnels, je ne forcerais donc pas à me révéler le nom de lheureux élu, mais sois sur tes gardes. Tu as, par ma faute et jen suis navré, énormément dennemis à Paris. Tu dois apprendre à te méfier de tous. Moi y compris. Saches enfin quau moindre problème je serais là.

-Quoi ?, mexclamai-je. Tu pars déjà ? La tempête na pas encore cessé.

-Je ne veux point abuser dune hospitalité que je ne mérite guère, fit Louis-Henri.

Alors que mon demi-frère allait sen aller, je me levai et lui pris la main.

-Es-tu sûr ?, demandai-je.

-On ne peut plus sûr.

Louis-Henri sourit tristement et partit. C'est alors que je décidai d'écrire à Werther quant aux doutes qui me tiraillaient.

CendrillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant