Une mutation inattendu

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Dix années s'étaient écoulées depuis que Charles Quinzel avait envoyé sa fille étudier à l'autre bout du pays

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Dix années s'étaient écoulées depuis que Charles Quinzel avait envoyé sa fille étudier à l'autre bout du pays. Harleen avait réussi contre toute attente à imposer son choix professionnel à l'officier de marine et était devenue la plus jeune étudiante à décrocher un doctorat en psychiatrie. A vingt-deux ans, elle était membre de l'équipe du Professeur Pierce aux urgences psychiatriques du Winston General de Denver. Sa vie était parfaitement réglée et minutée, elle évoluait selon un rythme précis, loin des chimères exubérantes de son enfance. Tous les matins au réveil, elle s'astreignait au même rituel. Elle vérifiait tout, en permanence, jusqu'au moment du départ pour l'hôpital. Elle fermait chaque porte de son appartement puis se lavait les mains. Elle vérifiait sa tenue, dont la seule touche de couleur consistait en un ruban rouge qui retenait les longs cheveux d'un blond presque blanc. Une fois satisfaite, elle détournait rapidement son regard de son unique miroir puis le recouvrait. Harleen ne se regardait jamais que contrainte dans un miroir. Elle haïssait son reflet. Depuis quand ? Elle n'aurait su le dire avec précision. La seule chose qui occupait son esprit quand elle devait contempler son reflet, était que sa tenue soit correcte. Par correcte comprenez banale comme ce matin-là : un pull à col roulé beige, enserrant sa gorge fine à la peau laiteuse et moulant un buste maigre. Un pantalon noir suffisamment ample pour dissimuler ses jambes fines. Une paire de lunettes larges et carrées qu'elle chaussait son sur nez, en espérant que cela la vieillisse un peu face à des patients qui s'estomaquaient toujours d'avoir une adolescente albinos aux yeux noirs, en face d'eux alors qu'ils attendaient un thérapeute « un vrai » comme le lui avait dit un jour l'un d'eux.

Harleen avait horreur de se faire remarquer, le problème quand les autres s'apercevaient de votre existence, c'est qu'ils ne manquaient jamais une occasion de la décortiquer pour lui donner un sens. En tant que psychiatre elle savait de quoi elle parlait. Son métier consistait précisément à analyser tous les détails qui pouvaient trahir un patient. Voilà pourquoi elle passait autant de temps, et consacrait autant de soins à se faire oublier. Mais chaque jour était une source d'angoisse pour elle. C'est pour cela qu'elle s'adonnait à tous ses rituels. Tous les matins, dès le réveil, elle décapait et récurait son appartement à grand renfort d'eau bouillante et prenait ensuite une douche brûlante où elle se frottait la peau avec du crin, la seule chose sur Terre à apaiser ses crises de panique. Elle adorait la sensation de la brûlure sur sa peau, au moment où lui dégringolait dessus, la vapeur dense lui comprimant la poitrine lui donnait des vertiges mais la réconfortait d'une certaine manière. En se frottant énergiquement le corps avec ce gant abrasif, elle sentait toutes ses peurs de détacher de sa personne. Néanmoins, depuis quelque temps, elle devait se montrer plus raisonnable. Le personnel de l'hôpital s'était étonné un jour de voir sa peau rougit et gonflée. Harleen s'en était sortie par une pirouette, honteuse et paniquée à l'idée qu'ils puissent la percer à jour. Le soir même, elle avait revu l'intégralité de son emploi du temps pour établir de nouveaux rituels.

Harleen ne s'intéressait pas aux garçons. D'une part parce que les Quinzel étaient de farouches chrétiens pratiquants et que son père aurait sans doute été capable du pire si elle s'était adonnée au flirt d'autres part parce que la vision qu'elle avait de la sexualité et des relations amoureuses se basait sur ce dont elle avait été témoin à la fac, au milieu des étudiants bien plus âgés qu'elle, qui n'avaient pas comme souci premier d'épargner la jeune fille. Il lui était tout bonnement impossible de s'imaginer en couple, d'envisager un homme de cette manière-là. Elle avait choisi de s'immerger dans la connaissance. Elle avait conscience que tous ses rituels palliaient un manque, un vide qu'elle n'arrivait pourtant pas à s'expliquer. Ce besoin de tout contrôler, de nettoyer, de ranger, de classer ne s'étaient pas développer par hasard. Mais aussi brillante fût-elle, Harleen n'arrivait pas à s'aider elle-même, c'est sans doute pour cela qu'elle préféra aider les autres. Elle gardait pourtant une distance avec les autres, les observant vivre de loin, comme on regarde un film au cinéma. Mieux que personne elle savait décortiquer, analyser une manie ou une attitude anodine et était capable de l'interpréter. Son talent d'observatrice hors pair, ses excellentes notes et son quotient intellectuel largement supérieur au commun des mortels, avait attiré l'attention du Doyen de la Faculté qui l'avait orientée vers le professeur Marshall Pierce. Celui-ci fût ravi d'accueillir le plus jeune psychiatre de tout l'Etat du Colorado dans son service et prit immédiatement Harleen sous son aile. Cet homme d'une cinquantaine d'années avec des cheveux blancs coupés court, une légère tendance à l'embonpoint et de grands yeux bleus pétillants lui avait appris tout ce qu'il savait. Il lui confia la charge des jeunes enfants et des adolescents auprès desquels la jeune femme s'investissait totalement.

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