Sombre nouvelle

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Harleen errait dans le couloir qui la ramenait à son bureau, les yeux dans le vague

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Harleen errait dans le couloir qui la ramenait à son bureau, les yeux dans le vague. Son entretien avec le Joker avait mal tourné. Dérapé. Comment cet homme, qui était totalement irrationnel la plupart du temps, pouvait subitement, sans aucun signe avant-coureur, faire preuve d'une lucidité aigüe et terrifiante ? Comment avait-il deviné pour son père ? Harleen ne savait pas. Parler avec le Joker revenait à jouer une partie d'échecs avec la moitié des pions. Le fou, c'est là la pièce maîtresse, lui avait un jour dit Charles Quinzel.

A l'évocation de son père, la jeune femme grimaça. Elle n'avait pratiquement plus de nouvelles de lui. C'était sa mère qui l'appelait, souvent en cachette, et alors elles faisaient toutes les deux « comme si ». Depuis combien de temps n'avait-elle pas vu ses parents ? Sa mère était venue la voir à Denver, quand Harleen avait emménagé dans son appartement, son père lui était resté à Quantico, prétextant une réunion amicale des officiers de marine retraités.

D'une manière ou d'une autre, la démence du Joker lui avait permis de flairer la détresse de la petite fille qui vivait encore dans le cœur d'Harleen. Un frisson la parcourut. Etait-elle si transparente ? Etait-elle si facile à déchiffrer ? L'angoisse lui vrilla le cœur, tandis qu'elle se demandait, ce que son patient avait pu deviner d'autres.

La jeune femme s'engouffra dans son bureau et se précipita vers le petit lavabo blanc. Elle en avait besoin. Tout de suite. La morsure de l'eau bouillante sur ses mains et son visage l'apaisa. Elle regarda son reflet dans le miroir, sans parvenir à se reconnaître. Ses yeux brillaient d'une clarté qu'elle ne sut identifier, mais ils avaient quelque chose d'inquiétant étonnement fixes, étonnement grands, ils donnaient une impression de bien-être, comme s'ils passaient en ce moment même d'un émerveillement à l'autre. Les yeux sont le miroir de l'âme, avait-elle entendu une fois, mais ce miroir dans le miroir ne reflétait pas sa détresse. La lueur qui les animait semblait venir de nulle part et tournoyait dans les orbites noires. Sur son visage gracile, une expression de béatitude candide s'accommodait du rictus joyeux accroché à ses lèvres. Ce n'était pas son visage, réalisa Harleen effrayée. Ce n'était pas elle. « C'est fou non ? Tu ne trouves pas Harleen ? » Caqueta la petite voix mesquine et nasillarde qui l'insupportait depuis toujours.

A grands renforts d'eau bouillante, elle effaça ce visage joyeux, aux antipodes de son mal-être, et reprit une mine impassible. Alors qu'elle achevait sa toilette, des coups secs et rapides frappés à sa porte se firent entendre.

« - Harleen ? Interpella le docteur Bartholomew, Harleen vous êtes là ? »

- Oui, oui entrez, héla la jeune femme d'une voix précipitée.

Elle s'asseyait rapidement derrière son bureau, quand le Docteur Bartholomew entra dans la pièce, accompagné d'un homme qu'Harleen ne connaissait que par l'intermédiaire des journaux et de la télévision. Le Commissaire Gordon, lui adressa un bref signe de tête en guise de salut, auquel la jeune femme répondit par un sourire aimable, toute trace de sa détresse enfermée à double-tour dans son subconscient. Le policier semblait plus vieux, plus tassé, qu'elle ne l'aurait cru. Les tempes brunes grisonnantes, le front barré d'un pli soucieux, les yeux gris-bleus du commissaire étaient cachées sous d'imposantes lunettes carrées. Moins grand qu'elle ne l'avait imaginé, il portait un costume sombre et à sa ceinture, l'éclat de sa plaque, frappa l'œil opaque de la psychiatre qui fronça les sourcils.

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