Baty avait finalement réussi à mettre la main sur J. Avec une sacrée poigne. Le Joker n'était pas particulièrement délicat, mais il fallait bien admettre que sa chauve-souris préférée lui semblait légèrement à cran ses derniers temps. J pensait bien faire en le lui disant, et quoi ? Ils étaient suffisamment intimes pour que J reconnaisse les signes du surmenage, Baty devait lever le pied. En particulier celui qu'il avait posé sur sa figure.
Tout ça à cause de la défenestration d'un malheureux maire ! Qu'est-ce que ça pouvait lui, après tout ? Ils en changeaient tout le temps ! Mais le chevalier noir ne l'avait entendu de cette oreille pointue. Il avait été particulièrement désagréable. Comme toujours. Baty avait le sens de l'humour d'une chèvre neurasthénique. Pourquoi diable personne ne se donnait la peine de comprendre ses blagues ! C'était d'un frustrant ! Il avait été particulièrement casse-pieds en braillant de sa voix trafiquée, s'il savait où était Harley. Non il ne savait pas. Il avait projeté de faire exploser la mairie, pas de rechercher son ancienne thérapeute, qui avait un goût un peu trop prononcé pour l'automutilation pour être honnête. Les jolies filles ont toujours un truc à cacher, soupira le Joker dans sa tête. J sourit froidement en comptabilisant le nombre de psychiatres dérangés qui l'avaient examiné. Bartholomew devrait peut-être lui confié la gestion des tests psychotechniques avant de recruter quelqu'un... L'idée le fit rire aux larmes. Baty n'avait pas apprécié la blague. Il ne l'avait pas apprécié du tout. Et, J était maintenant de retour dans sa cabine crasseuse à Arkham. Couché au sol, il avait retrouvé la compagnie des poings de ce bon vieux Lyle à qui il semblait avoir beaucoup manqué. Se léchant la lèvre imbibée de sang, il sourit dans le noir. Lyle faisait partie de ces personnes qui n'évoluent pas d'un iota du jour de leur naissance jusqu'à celui de leur mort. Pas comme lui. Pas comme Baty. Pas comme Harley.
Le visage adorable de la petite poupée vint flotter devant ses yeux hagards. Où était-elle Harley ? Certes ils étaient fâchés, mais J savait que ce n'était pas de sa faute, il était parti se changer les idées, et quand il était revenu elle n'était toujours pas. Il l'avait attendu un bon moment mais point de psychiatre désemparée à l'horizon. Cela faisait déjà trois semaines. Non pas qu'il se formalisa de ce qu'elle préparait, mais un tel manque de ponctualité l'agaçait. Non il ne s'en formalisait pas. Pas lui. Impossible. Il avait juste voulu satisfaire sa curiosité en scrutant les alentours de l'hôpital et en errant dans les rues en marmonnant « Harley, Harley, Harley ». Un Joker n'est jamais inquiet. Indubitablement. Le Joker hurlait de rire dans sa tête, tandis que J tentait de justifier ce soudain élan d'intérêt pour la jolie thérapeute. Elle avait quelque chose d'exaltant, de fascinant. Quand il l'avait malmené dans la cuisine, il avait été bouleversé par la beauté de ce visage délicat qui peu à peu se tordait, se déchirait en un masque de terreur douloureuse. C'était grandiose à voir. Sa peur l'enivrait comme personne. Harleen rendait la peur incroyablement esthétique. Personne ne se tordait comme Harleen. Pas même Harley. Il en était certain. Indubitablement.
Il voulait la voir. Il voulait l'avoir. Il s'ennuyait ferme sans elle. Se tortillant dans sa camisole, il réussit à grand peine à sortir de son col, l'objet de tous les délices. Le ruban. Il l'avait dissimulé quand Lyle l'avait « habillé pour la nuit » au moment où Baty l'avait envoyé valdingué tête la première dans le bureau des admissions. Il tiqua à l'évocation de ce souvenir. Le orange ne lui sciait pas au teint, c'était d'un mauvais goût affreux, lui qui n'aimait rien tant que le sur-mesure.
A force de roulades et après maintes contorsions et gémissements d'agacements, il finit par saisir le joli ruban entre ses dents. J souffla légèrement pour qu'il retombe sur ses lèvres. Il le goûta avec passion et le huma, son esprit s'embrumant dans la torpeur de ses rêves tendres sur Harley. Son cœur se mit à battre une chamade langoureuse, à mesure que les images se précisaient dans son esprit. Fermant ses yeux noirs, il se laissa aller à ses chimères. Il avait des projets...des tas de projets pour Harley...ils allaient passer de merveilleux moments ensemble, souriant dans le noir J berça le Joker impatient en énumérant mentalement les images de ces châteaux en Espagne. Il suffisait juste d'une légère pression et l'oscillation deviendrait plus ample, plus instable. La jolie petite avait besoin d'amplitude, d'une valse au temps capricieux. Il allait trouver le moyen, il voulait la faire virevolter violemment vers le vide. Verser les cendres de sa candeur d'âme innocente et inquiète dans le sens des vents mauvais. Alors et seulement alors, Harleen vacillerait sur son axe, elle pencherait, pencherait, pencherait jusqu'à ce qu'Harley puisse l'attraper.
Mais soudain, tout s'arrêta. Il ouvrit des yeux exorbités qui contemplèrent éperdu l'obscurité totale de sa cellule capitonnée. Le ruban...le ruban rouge d'Harley...il n'avait plus aucun parfum. Sa respiration s'accéléra et le sang battit violemment contre ses tempes. Il le renifla bruyamment, l'enfonça dans sa bouche et le goûta frénétiquement. Rien. J ne sentait rien. Dans sa tête, le Joker entonna le chant de la victoire. J n'était pas inquiet cependant. Non, il n'était pas inquiet, il n'était pas inquiet, pas inquiet, pas inquiet...Il se figea dans le noir. Harleen. Elle s'estompait. Il en était sûr, il pouvait le sentir. Elle s'éparpillait. Non pas que cela le toucha, mais il ne pût réprimer un frisson de plaisir en voyant que tous ses efforts avaient fini par payer. Harleen Quinzel se disloquait, là dehors quelque part. Harley Quinn était en train de sortir des Ténèbres où la jeune psychiatre l'avait enfermée. Son cœur se mit à battre une cadence folle, tandis qu'il imaginait la créature qu'il n'avait jusqu'à présent qu'entraperçu. Il ne la voyait qu'en rouge et noir cependant. L'amour et la mort. Les deux moteurs les plus forts de l'histoire de l'art. Le rouge et le noir...il passa sa langue machinalement sur ses lèvres. Rouge et noir, elle serait parfaite, elle serait son chef d'œuvre. Elle serait enfin elle-même, celle qu'elle aurait dû être depuis toujours. Elle serait...son double.
Quelque chose pourtant le taraudait. Le Joker confessa à J son incertitude quant à la possibilité qu'Harley soit incontrôlable. Mais plus l'accouchement était douloureux, plus fort était le nouveau-né. En matière de douleur, avec Hard Candy, la psychiatre qui raffolait des tortures médiévales dont J désavouait la théâtralité douteuse, elle allait être servie. Mais elle s'en sortirait. J le savait et dès lors qui qu'elle soit à ce moment- là, elle viendrait le trouver. Il la guiderait, il mènerait ses pas, il la conduirait vers l'antre de la folie. J ne put s'empêcher de pousser un cri de surprise ravie. Non pas qu'il n'appréciait pas Harleen. Bien sûr, elle était merveilleusement divertissante avec ses boutades et sa maîtrise du sarcasme, il savait apprécier sa vanité, comme on appréciait la beauté fugitive d'un bijou brisé. Mais c'était Harley qui le fascinait. Harleen n'était que douceur, écoute, patience et compréhension. Harley était différente. Il voulait cette différence. Avec l'intelligence d'Harley tout changerait. L'intelligence d'une psychiatre amoureuse, si elle est bien utilisée, peut être une arme redoutable. J était fou, pas stupide.
Figé, l'oreille aux aguets, il pouvait presque entendre craquer les pans de la raison de son ancienne thérapeute. Il connaissait ce moment. C'était celui qu'il préférait. Le moment où tout s'effondrait dans un fracas grandiose, le Joker piaffa d'impatience. L'oscillation était terminée, du ruban pourpre qu'il chérissait jalousement n'émanait le parfum acidulé de la petite poupée fragile, de la petite fille rangée qui obéissait. Ce parfum tendre et adorable s'était évaporé, et pendant un instant, un bref instant, J eut presque de la peine pour Harleen. Plus rien ne serait comme avant, il trembla d'impatience, enivré rien qu'à l'idée. Il partit soudain dans un rire nerveux incontrôlable. Ce n'était plus Harleen, mais pas encore tout à fait Harley. Elle était une chrysalide.
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Syndrom
FanfictionAlors je veut juste vous prévenir , cette histoire n'est pas de moi mais d'une écrivaine très talentueuse , sa fiction étant publiée uniquement sur fanfic.fr, je trouve ça dommage donc j'ai eu envie de la partager avec vous . Voilà voilà , bonne lec...