Cela faisait à présent un mois que j'étais au foyer. Une routine s'était installé ; je trouvais ça rassurant. Matiass et moi avions sympathisé avec Rayan, le garçon qui nous avait accueilli. C'était vraiment une personne gentille et drôle. Je l'appréciais beaucoup. Mais malheureusement, Rayan semblait très proche d'Espoir. Ils aimaient parler ensemble, et cela se voyait.
Mais je ne vais pas cacher qu'avant que je ne me sente bien au foyer comme je l'étais maintenant, ça n'allait pas du tout. Après les révélations que m'avaient fait la directrice, j'avais en quelque sorte pété un plomb. L'idée que l'on m'est injecté du Memoria dans les veines me mettait dans tous mes états. La nuit, je cherchais mes souvenirs, et ils ne revenaient jamais. Alors j'étouffais mes plaintes en mordant mes draps, j'enchaînais les insomnies.
Parfois, il arrive que l'on est cette impression désagréable, comme si on nous avait arraché un bien. Comme s'il nous manquait quelque chose mais qu'il était impossible de mettre le doigt dessus. Cette impression, je l'avais tout le temps, sans pause. Il me manquait mes souvenirs. On me les avait ôtés. Et cela me faisait souffrir.
C'était comme s'ils me ralliaient à une personne chère. Et en m'effaçant la mémoire, on avait effacé les chances de retrouver cette personne.
Mais à quoi avais-je bien pu assister pour penser à cela ? Que s'était-il passé à la fin ?
J'avais eu ces réponses. J'avais su ; j'avais compris. Et j'avais oublié. Un pincement se propageait dans mon cœur, indéfiniment. Une douleur inconsciente, mais présente.
Alors, n'en pouvant plus, j'étais allée me documenter. Tout ce que j'avais appris, c'était que le seul moyen de retrouver les souvenirs après une injection du Memoria, c'était que ces derniers reviennent par l'inconscient.
Mais la nuit, je ne rêvais pas. Hormis cette douleur qui était présente dans mon être, qui m'oppressait, il n'y avait rien. Rien qui puisse me rattacher à ma mémoire.
Personne ne me comprenait. On se contentait de me sourire, me répétant que ce n'était pas si grave. Bien sûr que si, ça l'était !
Puis le temps avait fait son effet. A lui seul, il avait réparé mes blessures, m'aidant à oublier. Alors, au lieu de me concentrer sur ce que je ressentais, j'avais décidé de m'investir dans la vie du foyer. Et c'est là que Matiass et moi avions sympathisé avec Rayan.
Je prenais des nouvelles de ma mère, aussi. Elle allait bien, mais je lui manquais. Etait-ce réciproque ? Je ne le savais pas.
Je me rappelais d'avant. Mon premier jour au foyer. Là où j'étais persuadée d'y aller pour faire plaisir à ma mère.
Ma vie d'avant...
J'étais très attachée à ma mère. Il n'y avait qu'elle qui comptait. J'étais solitaire, je n'avais pas d'amis. Je ne saurais dire si cela me convenait. Sa décision de m'inscrire dans ce foyer avait ébranlé ma vie. Dans le bon sens, je pense. Je m'étais ouverte aux autres -ou plutôt à l'autre, je me sentais moins seule. Et j'avais trouvé un but dans ma vie. Devenir Soumise.
Oui, je m'étais décidée. L'heure n'était plus aux hésitations. En allant dans ce foyer, j'avais fait le choix de me soumettre entièrement à la société. Et je comptais bien la satisfaire en devenant Soumise ! Cela faisait monter en moi un sentiment de fierté qui me berçait doucement, avant de s'en aller.
Un claquement dans les mains me fit redescendre. Il était l'heure d'aller au dortoir. J'étais épuisée. J'avais hâte de me coucher pour une nuit réparatrice !
Soudain, en voyant Margaux nous rejoindre, un sentiment de panique indescriptible me submergea. Je ne saurai expliquer pourquoi, mais je me paralysai, incapable de faire un pas de plus. Mon ventre se tordit en deux, j'eus même des nausées.
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Les Insoumis
Science FictionCille a toujours été ce qu'on exigeait d'elle. C'est à dire une Utile (une personne entièrement soumise à la société). Mais à côté de cela, il y a les Inutiles. Les Inutiles qu'on méprise, qu'on discrimine et qu'on emprisonne. Et puis il y a le be...