Chapitre 22 : Prison

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Matiass m'avait trahi.

Il avait sacrifié ma vie pour son rang d'Utile. En fait, mon sort lui était complètement égal à présent. Ma vie ne se résumait qu'à des gens qui m'aimaient, me soutenaient puis me détruisaient en me faisant du mal. Voilà. Ça me tuait de le dire, mais à présent je n'avais plus aucune raison de m'accrocher à la vie.

Pourtant, je n'avais pas non plus envie de mourir. Car oui, malgré tout ce que j'avais subi, il me restait encore une toute petite lueur d'espoir. L'espoir que tout finirait par s'arranger... Même si j'étais tellement détruite que j'avais vraiment du mal à y croire.

Et puis surtout, j'avais peur. Oui. Moi, Cille, la fille qui avait bravé les dangers, j'étais totalement terrifiée à l'idée de partir vers l'inconnu. C'était complètement contradictoire avec ce que je ressentais en ce moment à cause de la trahison de Matiass, et pourtant ce sentiment de peur était bel et bien là.

Je me sentais si seule, dans cette cellule toute noire dans lequel j'avais été plongée depuis environ un ou deux jours. Le moindre mouvement m'était extrêmement douloureux à cause de mes chaînes, ces longs serpents qui me contraignaient de rester plaquée contre le mur, et qui, lors de mon sommeil, me murmuraient des paroles terrifiantes.

Au début, évidemment, j'avais résisté. J'avais hurlé le nom de Matiass, l'insultant de tous les noms, seule dans noir, je m'étais débattue, j'avais tiré sur mes chaînes, pleuré, crié à l'aide, gémi.

Rien ne s'était passé.

Alors, désemparée, je m'étais enfermée dans le silence assourdissant de mes pensées, attendant que les Autorités viennent me chercher pour me tuer.

Je me posais des questions, aussi. Comment allait se passer cette exécution ? Sera-t-elle publique ou privée ? De quelle façon me tura-t-on ? En m'administrant un poison, en me tirant dessus ?

De quelle façon allait mourir une jeune fille de bientôt seize ans pour avoir osé accepter un pacte consistant à rester Utile illégalement, sans qu'elle n'ai été mise au courant de cela avant d'accepter ?

Je détestais la Société. Je la haïssais au plus au point pour ce qu'elle nous faisait subir.

Mes pensées allèrent jusqu'au jeune Aksil. S'en était-il sorti ? Avait-il retrouvé ses parents ? Ou bien avait-il été arrêté, comme moi ?
Non, non. Il m'avait semblé assez débrouillard, en tout cas suffisamment pour éviter de se faire prendre par les Autorités.
Pourvu qu'il s'en soit sorti...

Je plongeai alors dans un lourd océan de cauchemars.

« Nous sommes les Insoumis ». Margaux, Tina, Mo. L'enlèvement de la directrice. Les hackeurs. La mission. Le Mémoria.

Je me réveillai en poussant un cri. Mes souvenirs volés ! Il étaient revenus pendant mon sommeil ! D'un mouvement de tête, j'écartai une de mes mèches de cheveux. Alors c'était cela que tu me cachais, Margaux...
Un léger soulagement m'envahit. Je me souvenais, à présent. Et il y avait, sur cette planète, des gens qui se révoltaient contre la Société, qui menaient des activités illégales. Pour avoir voulu m'enlever, il devait y avoir un lien avec moi. Quel lien alors ? Je ne le saurai jamais.

Au moins, je mourrai en ayant l'intégralité de ma mémoire.

J'eus une pensée pour ma mère. Comment réagirait-elle quand elle apprendrait que sa fille a été tuée ? Je luttai pour ne pas craquer. Adieu, maman. Nous ne nous reverrons peut-être dans l'au delà.

Des larmes coulèrent sur mes joues. Je pleurai silencieusement. Je crois que j'avais jamais eu aussi mal de toute ma vie.

Les chaînes râpaient ma peau, me faisant saigner abondamment. Je pinçai des lèvres pour lutter contre la douleur.

Soudain, j'entendis du bruit. Les battements de mon cœur s'affolèrent. Venait-on me chercher maintenant ? Était-ce les dernières minutes de ma vie ? Je respirai de plus en plus vite. C'était la dernière fois que j'allais pouvoir respirer, toucher, sentir, voir, entendre. Dans quelques minutes, toutes ces sensations me seront inconnues.

Mes poings se serrèrent à l'intérieur de mes chaînes. J'étais morte de peur. C'était le cas de le dire, d'ailleurs...

Soudain, on ouvrit la porte de ma cellule. La lumière pénétra à l'intérieur. Je poussai un petit cri. En effet, j'avais été plongée pendant plusieurs jours dans l'obscurité, et revoir la lumière du jour me faisait mal aux yeux.

Néanmoins, je pus apercevoir la silhouette masculine qui s'approchait de moi. Ma poitrine montait et descendait de plus en plus vite, suivant le rythme de mes inspirations. La silhouette brandit alors un couteau et le pointa vers moi.

Ah.

Je m'étais attendue à une exécution... publique.

Alors que je m'apprêtai à hurler de toutes mes forces (j'avais vraiment un besoin urgent d'extérioriser mon angoisse), une main gantée se plaqua contre ma bouche, étouffant mon cri.

Mes yeux s'ouvrirent en grand et je pus distinguer un jeune homme mesurant une bonne tête de plus que moi. Sa main était toujours plaquée contre ma bouche et yeux bleus marines me détaillaient. Quoiqu'après réflexion, je vis que ce n'était pas moi qu'il regardait, mais mes chaînes.
Soudain, il se pencha vers moi sans prévenir. Je poussai un cri, qui fut vite etouffé par sa main. Il se rapprocha de moi.
Mais que cherchait-il à faire à la fin ?
Son contact provoquait en moi de grands frissons. J'eus le réflex de fermer les yeux, avant de les rouvrir quand j'entendis un bruit de cisaillement.

Ah, d'accord.

Il était en train de scier mes chaînes. Tout ça en silence, car son autre main était toujours plaquée contre ma bouche. Son parfum me faisait un peu tourner la tête. Mais visiblement, j'étais là seule à ressentir ces sensations car lui était trop occupé à me libérer. Son torse allait et venait au rythme des mouvements de son couteau contre mes chaînes.
Au bout de quelques secondes, il retira sa main de ma bouche en chuchotant : « Pas un mot, compris ? ». J'hochai la tête et me laissai faire sans rien dire. Les questions viendront plus tard.

Quand il eut enfin terminé, il s'épongea le front et me dit :
- OK, c'est le moment d'y aller ou jamais. Viens.

J'hochai la tête, je n'avais pas le temps de réfléchir, il fallait agir. En l'occurrence, fuir. Je ne voulais pas rester une seconde de plus dans cette affreuse cellule. Et visiblement, ce garçon était en train de me sauver la vie.

Oui, Cille. Il te sauve la vie exactement comme Matiass l'a fait en t'empêchant de tomber, à la gare. Et il te trahira sans aucun doute de la même façon que lui.

Je secouai la tête pour refouler ces pensées négatives. Il fallait que je fasse confiance à mon sauveur, coûte que coûte.

Soudain je m'arrêtai. Je cherchais à faire quoi, au juste ? Je n'avais plus aucune raison de vivre, alors dans ce cas, pourquoi est-ce-que je me battais encore ?

Le garçon me dévisagea alors, surpris par mon brusque arrêt. Ce fut dans ses yeux bleu nuit que je compris : toutes les réponses à mes questions arriveraient si je le suivais.

Allez, Cille.

Je repris ma marche, arrachant un sourire au garçon, et, ensemble, nous quittâmes ma cellule. Mes jambes étaient engourdies, et courir fut pour moi une tâche difficile. Mais je m'efforçai de bien faire, car, bizarrement, je ne voulais pas décevoir de mystérieux inconnu.

Soudain, nous entendîmes du bruit. E' voyant mon sauveur serrer les mâchoires, je m'interrogeai sur ce qui se passait.

- Les Autorités, m'expliqua-t-il, elles nous ont trouvé.

Oh, non...

Les InsoumisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant