Il les regardait, bouche bée devant le spectacle qui s'offrait à ses yeux. La lumière de la lune inondait sa chambre, ce qui lui permit de distinguer les deux amoureux qui s'embrassaient fougueusement.
Cette chevelure blonde... Il la reconnut entre mille. C'était celle de Cille, la fille mystérieuse aux yeux verts. Et le garçon au quel elle souriait ne pouvait être qu'autre que Matiass.
Il s'assit, sous le choc. Non pas qu'il était jaloux, mais il savait que Matiass et Cille n'avaient pas le droit de sortir la nuit. Ce que les deux tourtereaux entreprenaient était tout simplement illégal. En sortant la nuit, ils manquaient de Soumission. Cela était passible de renvoi immédiat.
Il se prit la tête dans les mains. Que devait-il faire ? Les dénoncer ? Non, Matiass était devenu son ami et il appréciait Cille... Alors quoi ? Ne rien dire ? Au risque de se faire punir si quelqu'un d'autre découvrait la vérité ?
Au fond, il était un peu comme Cille. Comme elle, il hésitait souvent, ne sachant pas se décider. Comme elle, il était obéissant, se soumettant aux lois sans aucun problème. Et comme elle, ses doutes le tourmentaient au point de ne pas parvenir à fermer l'œil, la nuit.
Ses insomnies duraient depuis un an. Il avait fini par s'y habituer, même si cela n'était pas toujours facile. Peu de gens le comprenait, à son plus grand malheur. Mais il gardait néanmoins la tête haute, affrontant la journée malgré le peu d'heures qu'il avait dormi.
Il jeta un coup d'œil à sa chambre. La pièce était circulaire. Le papier peint rouge lui semblait agressif. Mais il avait conscience que c'était un privilège pour lui d'avoir sa propre chambre. Quand les garçons dépassaient le Levels 6, ils avaient le droit de ne plus dormir dans le dortoir et de choisir leur chambre. Il avait sauté sur cette occasion, pensant que la solitude lui procurerait un sentiment d'intimité et de tranquillité. A présent il regrettait son choix. Le fait d'être tout seul chaque nuit le terrifiait, comme un petit enfant.
Un éclat de rire le tira de ses pensées. C'était Cille. Il ne l'avait jamais entendu rire ainsi. On aurait dit de petits grelots qui sonnaient tous joyeusement. Il jeta un coup d'œil à la fenêtre. A présent, Matiass et Cille se roulaient dans l'herbe. Matiass maintenait Cille près de lui, mais cette dernière se débattait en cherchant à l'embrasser en même temps.
« Ils se sont bien trouvés... », songea-t-il. Il hésitait encore à les dénoncer. Le bonheur que Cille éprouvait faisait naître en lui une grande colère, mais il ne parvint pas à trouver la cause de cette dernière. S'il ne connaissait pas la jeune fille et le bel adolescent, cela aurait suffit à les dénoncer. Mais voilà, il les appréciaient... Tous les deux... Trahissait-on vraiment ses amis ?
Matiass et Cille se levèrent soudain, s'embrassèrent une centième fois et se dirigèrent en direction du dortoir. Il soupira. Et s'allongea sur son lit. Un peu de sommeil ne lui ferait pas de mal à lui non plus... Alors qu'il s'apprêtait à éteindre la lumière, quelqu'un toqua à sa porte. Sur ses gardes, il préféra ne pas répondre.
Un sentiment se soulagement se propagea dans tout son être quand il vit celle qui entrait. Espoir secoua ses cheveux bruns en souriant.
- Tu ne dors pas, toi non plus ? demanda-t-elle
- Tu vois bien que non... soupira-t-il.
- J'ai vu ta lumière allumée.
- Je m'apprêtais à l'éteindre.
Elle s'assit près de lui. Le contact de la peau pâle d'Espoir contre sa cuisse le fit trembler un peu, mais il préféra ne rien faire, de peur de vexer l'adolescente. En le voyant baisser la tête, elle enchaîna :
- On dirait que tu as vu quelque chose.
- C'est un peu ça, oui...
Les yeux bruns d'Espoir se mirent à pétiller. Sans se gêner, elle se lova contre lui et murmura dans un souffle :
- Dis-moi tout...
Il hésita. Non, non, il ne pouvait pas faire cela. Pour Matiass. Pour Cille. Mais s'il ne disait rien, qu'adviendrait-il alors... ?
- Je... Je ne peux rien dire. Je suis désolé.
- Tu ne me fais plus confiance ? interrogea Espoir, les larmes aux yeux.
- Ce n'est pas ça mais... c'est grave, lâcha-t-il.
Le visage d'Espoir s'assombrit et devint plus grave. Elle caressa sa joue avant de lancer d'une voix claire :
- Alors si c'est grave, il faut que tu me le dises.
- Non...
La voix du garçon tremblait, à présent. Face à Espoir, il était si impuissant... Depuis qu'il l'avait rencontré, il s'était senti attiré irrésistiblement par elle. Vu comme elle s'était comportée avec lui, cela avait été réciproque, visiblement. Espoir était la seule personne auquel il ne pouvait rien refuser. Pourtant, il était très populaire auprès des filles, mais il refusait toutes leurs avances. Mais Espoir, elle, s'y prenait différemment. Elle était plus intelligente, plus maline, plus sournoise...
C'est ce qui faisait son charme, après tout.
A présent, la jeune fille jouait avec une des mèches de cheveux du garçons. Ce dernier transpirait à grosses gouttes. C'était comme s'il ne pouvait se contenir parce qu'il voulait d'elle... Mais à quel prix ! Trahir ses amis n'était pas quelque chose que l'on faisait tous les jours...
- C'est à propos de Cille.
Il mit la main devant sa bouche. Les mots étaient sortis tout seul, alors qu'Espoir battait des paupières à la vitesse de la lumière devant lui.
Un sourire sadique s'afficha sur les lèvres de la jeune fille et elle murmura :
- Tiens, tiens...
Elle remit en place son décolleté, se détacha du garçon très souplement et lui fit face :
- Très bien. A présent, tu ne peux plus revenir en arrière. Dis-moi tout.
Voyant que le garçon hésitait, elle se recoucha près de lui et s'allongea contre son torse. Les mots s'envolèrent tout seuls de la bouche du garçon et il raconta à Espoir ce qu'il avait vu, sans rien oublier.
Des fois, il arrive que l'on face quelque chose sans que l'on sache ce qu'elle allait provoquer. C'est exactement ce qu'il avait fait. Il ne s'était concentré que sur le présent, et non sur le futur. Et le présent, c'était qu'il avait envie d'embrasser Espoir, là, maintenant. Cette dernière se leva en fronçant les sourcils :
- Tu as fait le bon choix. Ne t'inquiète pas, je m'occupe de tout. Je te laisse... Bonne nuit !
- Bonne nuit...
Espoir s'en alla en fermant soigneusement la porte. Ce fut à ce moment qu'il comprit qu'il n'avait été qu'un pion dans le jeu de la jeune fille. Elle l'avait utilisé, elle était allée jusqu'à user de ses charmes pour lui faire cracher le morceau. Mais après tout, est-ce-que cela était vraiment une mauvaise chose ? Maintenant, il le savais, Espoir lui appartenait.
Mais au lieu d'un sentiment de joie, ce fut un sentiment bien plus lourd et plus désagréable qui lui souleva le ventre.
C'était celui de la culpabilité.
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Les Insoumis
Science FictionCille a toujours été ce qu'on exigeait d'elle. C'est à dire une Utile (une personne entièrement soumise à la société). Mais à côté de cela, il y a les Inutiles. Les Inutiles qu'on méprise, qu'on discrimine et qu'on emprisonne. Et puis il y a le be...