Chapitre 6 : Mémoire

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Insoumis. Ce mot résonnait en moi. J'avais l'étrange impression qu'il m'était familier. Pourtant, il n'y avait aucune raison. J'avais été élevé par ma mère, cette dernière m'ayant formé pour être une Utile. Pas une rebelle comme eux.

Mais...

Il y avait quelque chose. Quelque chose sur lequel je n'avais pas mis le doigt. Malgré mes principes, j'étais persuadée d'avoir un lien avec eux. Un lien puissant, contre lequel je ne pouvais pas lutter. Parce qu'il avait toujours fait parti de moi-même.

N'importe quoi.

Je secouai la tête. J'étais trop fatiguée pour penser correctement. En temps normal, j'aurai dû m'indigner. Rétorquer qu'il n'existait que les Inutiles, les Utiles et les Soumis. Que le garçon racontait n'importe quoi. Que tout cela n'était que mensonges.

Et pourtant...

Au fond de moi, je savais qu'il avait raison. Que c'était mon éducation qui me voilait la face. Que je ne voulais rien voir - que je refusais de tout voir.

Un frisson me parcourut l'échine. Ils avaient ébranlés ma soumission. De nouveau, je me mettais à réfléchir. Il ne fallait pas ! J'étais une Utile, point. Et je me retrouvais face à mes ennemis. Oui, c'était cela... ils étaient mes ennemis.

Margaux coupa court à mes pensées :

- Cille... Tu n'aurai jamais dû assister à ça. Tu n'es pas encore prête.

Ce fut alors que je remarquai la seringue qu'elle tenait. Aussitôt, je paniquai. Allait-elle m'injecter du poison ? Mon pouls s'accéléra et je murmurai d'une voix roque :

- Qu'allez-vous me faire ?...

Margaux se pencha vers moi et, sans le vouloir, je me laissai couler dans son regard envoûtant, comme hypnotisée. Elle transpirait à grosses gouttes, et, malgré son air professionnel, elle n'en menait pas large, cela se voyait. Mais elle resta confiante et reprit de son air bienveillant que je détestais :

- Dans cette seringue que je tiens, il y a du Memoria. En fait, il s'agit d'un produit qui va t'effacer la mémoire. Ne t'inquiète pas, tu n'oublieras pas toute ton existence. Tes souvenirs s'arrêteront juste après ton cours de Rapidité.

Mes yeux s'agrandirent de stupeur. Je ne voulais pas oublier ! Non !

- Vous n'avez pas le droit ! hurlai-je. C'est ma mémoire ! Ce que vous vous apprêtez à m'infliger n'est pas légal !

Quand j'eus fini de crier, les larmes commencèrent à couler. Je ne savais plus dans quel camps j'étais... Je voulais que ces souvenirs me restent en mémoire. Comme s'ils me rattachaient à une personne... Une personne chère...

- Rien de ce que nous faisons n'est légal, me répondit Margaux avec un pauvre sourire. Mais ne t'en fais pas, c'est scientifiquement prouvé, le Memoria n'affecte pas la santé. Il parait même que chez certaines personnes, cela l'améliore....

Elle me fit un clin d'œil. Elle me donnais l'impression d'être une infirmière, prête à m'ausculter. Moi, c'était comme si j'étais une gamine capricieuse. Margaux approcha la seringue de moi. De nouveau, je me mis à hurler et cherchai à me débattre. D'une poigne de fer, le garçon me maintînt immobile. Je ne voulais pas oublier ! Je ne voulais pas !

Les InsoumisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant