La première chose qui me frappa lorsque je sortis du bureau de la directrice fut le visage apeuré de Rayan. Non, apeuré n'était pas le mot : en croisant mon regard, il avait juste paniqué.
Etonnée, je m'apprêtai à lui demander s'il allait bien, mais à ma grande surprise il s'enfuit avant que je n'ai pu l'aborder.
Je ne préférai ne pas m'attarder là-dessus et je poursuivis ma marche. Il fallait que je fasse une dernière chose avant de quitter définitivement le foyer. C'était important.
Je traversai le couloir sous le regard des élèves médusés. Ils devaient se demander pourquoi j'étais au bureau de la directrice. Je les ignorai superbement et poursuivis ma marche.
Et puis soudain j'eus mal au cœur. Je m'éloignai donc des élèves pour reprendre mon souffle en m'appuyant contre un mur.
Renvoyée. J'étais renvoyée. C'était quelque chose que je parvenais petit à petit à réaliser. Les larmes coulèrent toutes seules, et je me cachai le visage avec mon écharpe pour masquer ma souffrance aux visages curieux qui m'observaient.
- Je peux t'aider ?
Margaux se tenait devant moi. Ses boucles brunes ornaient son joli petit visage blanc, et ses yeux bleus me regardaient avec une douceur infinie.
D'un revers de main, je séchai mes larmes et je balbutiai d'une voix coupée par les sanglots :
- Euh oui... Euh... Je... J'aimerai appeler ma... ma mère.
Elle hocha la tête et me fit signe de la suivre.
Nous traversâmes le couloir. Je me demandais quel effet nous faisions aux autres élèves : elle, superbe créature aux yeux océans et moi, fille à l'allure complètement déprimée.
Soudain, le même sentiment de panique que j'avais éprouvé la dernière fois devant elle se propagea dans tout mon corps. Mais qu'est-ce-qui m'arrivait ? Pourquoi mon cœur battait si vite en sa présence ? Pourquoi ma gorge se nouait-elle ? Pourquoi mon ventre me faisait mal ?
J'essayai de me calmer en respirant.
Nous arrivâmes enfin dans une pièce circulaire. Elle était peinte en grise, et il n'y avait qu'une seule fenêtre pour faire pénétrer les rayons du soleil à l'intérieur. Mais ce qui me heurtai fut une sorte de cabine en verre placée tout au fond.
Margaux me fit signe de me diriger vers cette étrange cabine. Elle m'expliqua : « C'est ici que tu peux appeler ta mère. C'est l'un des avantages du foyer : nous pouvons contacter notre famille comme bon nous semble ».
Elle m'ouvrit la porte gentiment. Je lui adressai un léger sourire en guise de remerciement.
Dès que je posai le pied sur le verre, un étrange son se répercuta dans toute la cabine. Je me bouchai les oreilles en attendant qu'il ne s'arrête. Quand ce fut fait, une voix masculine surgit de nulle part :
- Bonjour. Bienvenue dans l'Evanarum 2000, qui vous permet de contacter qui bon vous semble. Donnez-moi votre identité je vous prie.
J'eus le réflex idiot de sursauter et de chercher qui m'avait parlé. Avant de lever les yeux au ciel. Evidemment, il ne pouvait s'agir que d'une voix artificielle.
Je répondis, d'une voix mal à l'aise :
- Cille Dwight.
Il y eu un silence. Un silence si long que je crus qu'il y avait un disfonctionnement dans l'Evanarum 2000. Enfin, la voix reprit :
- Cille Dwight. Enregistré. Qui souhaitez-vous appeler ?
- Ma mère... Lovane Dwight.
Prononcer le prénom et le nom de ma mère me procura une impression bizarre. Cela faisait si longtemps que je ne lui avais pas parlé...
Nouveau silence. Au bout de quelques secondes, je vis le visage de ma mère apparaître devant moi. Ses cheveux dorés étaient noués en queue de cheval. Dès qu'elle me vit, des larmes perlèrent sur ses beaux yeux verts. Mais ce qui me marqua le plus fut les marques sur son visage. Une trace rouge sur sa joue. Que lui était-il arrivé ?
- Maman ! criai-je, et je me précipitai vers elle sans réfléchir.
Mais, au lieu des caresses et baisers que je m'attendais à recevoir, ce fut un courant d'air froid qui me traversa. Je me pris la paroi de verre en pleine figure, et, sous le choc, je tombai à la renverse.
Je me relevai, éberluée. Mais quelle idiote ! L'image de ma mère n'était qu'un hologramme, pas étonnant que je me sois ramassée !
Ma mère ne cilla pas. Elle souriait. Mais d'un sourire triste.
- Comment vas-tu, Cille ? me demanda-t-elle enfin.
- Je vais bien. Et toi ? mentis-je. Je ne pouvais pas lui dire ce qui m'étais arrivé. Pas maintenant. C'était trop tôt.
- Ca va.
Silence gêné. A quoi servait-il de l'appeler, si nous n'avions rien à nous dire ? Mais il y avait quelque chose qui me dérangeai, alors je demandai :
- Maman... C'est quoi ces traces sur ton visage ?
- Ce n'est rien, coupa ma mère d'une voix sèche, avant de reprendre plus doucement : m'as-tu appelée pour une raison particulière ?
Un lourd poids m'oppressa alors. Je pensais que j'aurais à dire la vérité plus tard. Mais là, c'était l'occasion. Je devais saisir la perche que ma mère m'avait tendu. Alors, je dis tout. Tout, de mon escapade amoureuse avec Matiass, jusqu'à mon renvoi. Mais le plus difficile fut de mentir à ma mère pour lui dire que j'étais Inutile. Les mots avaient du mal à sortir de ma gorge, mais je me concentrais si fort que je parvenais tout de même à aligner plusieurs phrases.
Quand j'eus tout dit, je me sentis libérée. Mais ce sentiment s'évapora quand je vis toute la douleur dans son regard. Je m'apprêtai à dire quelque chose, mais elle me coupa :
- Tu es renvoyée...
Et elle se mit à pleurer. J'étais complètement impuissante face à son désarroi, et la culpabilité me rongea.
Quand elle eut séché ses larmes, elle me dit :
- Je...ne peux pas... accepter cela. Je... te... renie.
Ces paroles furent comme un poignard qui s'enfonçait dans mon cœur. Je me laissai tomber à genoux, avant de crier :
- Non, maman ! Tu ne peux pas faire cela ! Je suis ta fille !
- Ma fille... est... une Utile. Elle... sert la société. Elle... n'est... pas toi.
Je ne comprenais pas. Je ne comprenais plus. Alors, tout l'amour que ma mère éprouvait pour moi ne se résumait qu'à un simple rang ?
Et puis j'hésitai. Et si je lui disais la vérité ? Si je lui disais que j'étais maintenue Utile ? Accepterait-elle de me pardonner et m'aimerait-elle de nouveau ?
Tant pis pour les conséquences. Il n'y avait rien de plus précieux pour moi que l'amour de ma mère.
Alors que je m'apprêtai à lui dévoiler la vérité, ma mère me coupa en balbutiant : « Adieu... Cille ». Puis son hologramme disparut.
« Non !! » hurlai-je.
Puis je m'adressai à l'Evanarum 2000 :
- Rappelle-la ! Rappelle-la tout de suite !!
Mais il devait s'être éteint, car il ne me répondit pas.
Alors je m'effondrai en larmes. J'étais reniée. Ma mère ne voulait plus de moi.
A partir de maintenant, j'étais seule. J'étais seule et je n'avais rien.
Ou alors si.
Il ne me restait plus que Matiass.
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Les Insoumis
Fiksi IlmiahCille a toujours été ce qu'on exigeait d'elle. C'est à dire une Utile (une personne entièrement soumise à la société). Mais à côté de cela, il y a les Inutiles. Les Inutiles qu'on méprise, qu'on discrimine et qu'on emprisonne. Et puis il y a le be...