Chapitre 17 : Le bus numéro 11

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Je fuyais.

La lune éclairait mon visage, fouetté par mes cheveux à cause du vent. Mon sac à dos pesait sur mes épaules, comme cette sorte de poid qui ne me quittait plus depuis que ma mère m'avait reniée.

Je fuyais.

Aujourd'hui je quittais tout. Je gagnais en dépendance mais perdais en assurance. Si j'étais trouvée par les Autorités, j'allais être exécutée. Je n'étais pas encore morte mais ma vie ne tenait qu'à un fil.

Je fuyais.

Et ce sentiment de colère qui ne me quittait plus. Les Utiles. Les Soumis. Les Inutiles. Au fond, cela ne voulait rien dire. La raison de mon avis de recherche n'en étais que plus absurde. Me menacer de mort, simplement parce que j' avais accepté que l'on me maintienne mon rang ?

Je m'arrêtai.

Pour reprendre mon souffle. Pour avoir le temps d'hurler intérieurement ma colère, ma tristesse et ma peur. Pour essuyer de ma main froide la transpiration sur mes joues.

Je pleurai.

Parce que tout ça c'était trop. Parce que Matiass me manquait. Parce que seule, dans le noir, j'étais complètement désorientée.

Et puis je courai.

Vers Asghet. Vers l'endroit où je pourrai être en sécurité. Vers l'endroit où je pourrai retrouver ce sentiment de protection qui, pour l'instant, m'étais totalement inconnu.

Et je stoppai enfin ma course.

Je me trouvais face à un arrêt de bus. Je réalisai alors que les transports en commun me feraient gagner un temps précieux. Le bus s'arrêtait-il près du camp d'Inutiles ? J'eus tout de suite ma réponse car, en levant le nez, j'aperçu un hologramme indiquant tous les arrêts. Et, effectivement, le terminus du bus numéro 11 se nommait :"Asghet". Cela devait être quelques minutes à pieds du camp. Mes yeux ne se détachèrent pas de cet hologramme. Mais ce bus 11 ne passait pas avant huit heures précises. J'avais donc encore du temps devant moi...

Il fallait que je dorme un peu. Je commençai donc à me chercher un petit coin discret pour pouvoir passer le restant de la nuit. Un bus était un peu plus à l'écart des autres. Je décidai de m'abriter sous ce dernier. Je m'enroulai dans mon sac de couchage, épuisée. Juste avant de fermer les yeux, je vis le nom du bus sous lequel je m'apprêtai à m'endormir : le numéro 17B.

Ce fut le chant d'un oiseau qui me réveilla, quelques heures plus tard. Je baillai. Tous mes souvenirs me revinrent en tête et je gémis. Une journée compliquée s'annonçait...

Je rangeai mon sac de couchage et tentai tant bien que mal d'arranger mes cheveux en un chignon mal fait. Me laver était tout simplement impossible. Le fait de manquer d'hygiène à ce point me dérangeait fortement... Mais cela valait largement le prix de la liberté !

Je resserai mon écharpe, lissai ma chemisette et me levai. Un hologramme m'indiqua qu'il était sept heures et demi. Je ne me pensais pas si matinale !

Je m'assis sur le trottoir et attendis patiemment le bus. Je trouvai des cailloux et me mis à jouer avec.

La vie reprenait. Les Utiles et les Soumis allaient et venaient. Des hommes et des femmes en costume, des enfants qui se chamaillent...
Tout cela me ramenait à ma vie d'avant. Une bouffée de nostalgie m'envahit, mais je secouai la tête. Pas question de se laisser abattre maintenant !

Mon esprit vogua jusqu'à Matiass. Tout mon corps frissona lorsque je repensais à ses carresses de la nuit dernière...

Que faisait-il à présent ? S'était-il mis à ma recherche ? Ou bien dormait-il encore ? Me pensait-il à côté de lui, dans ce lit si confortable à l'auberge, ou bien s'inquiétait-il à l'idée que je sois seule ?

Tant de questions sans réponse...

Soudain, un bruit de moteur se fit entendre. Le bus numéro 11 ! Aussitôt, j'empoignai mon sac à dos et courus vers lui.

Je saluai le chauffeur et pris une place libre. Il n'y avait pratiquement personne, excepté une vieille dame qui semblait plus morte que vivante et quelques adolescents.

Mon regard se porta sur ces derniers. Je remarquai d'abord une fille blonde. Elle avait beau être très fine, elle gardait tout de même un certain charme. Son visage me disait quelque chose, sans que je puisse savoir quoi...

Puis je vis un garçon brun. Il était à peine plus grand que la blonde, et il la tenait par la taille. Les traits de son visage ne m'étaient pas non plus inconnus...

Mes yeux se posèrent sur la dernière fille. Elle était d'une beauté époustouflante. Ses cheveux bruns et ondulés semblaient comme flotter autour de son visage angélique. Et ces yeux bleus...

Ces yeux, je les connaissais.

Mes mains se crispèrent. Ces trois adolescents, je les avait déjà vu au foyer.

Et ma bouche s'ouvrit de stupeur quand je réalisai qu'il s'agissait en fait de Margaux et des deux jumeaux terrifiés que j'avais vu en arrivant au foyer.

Les InsoumisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant