« 𝚂𝙴𝙲𝚁𝙴𝚃𝚂. » ᵗᵃᵉᵏᵒᵒᵏ

Elle

6 ans et demi en arrière, dans les rues de Séoul :

Elle titubait dans la rue, sous une nuit noire, seulement éclairée par quelques lampadaires bordants les trottoirs. Une bouteille presque finie dans la main, une cigarette à moitié éteinte dans l'autre. La femme n'était pas toute jeune mais tout de même loin d'être vieille. 38 ans pour être plus exact. Cependant, elle en faisait bien plus à cause de sa chevelure crépue et sèche chutant le long de ses épaules, de ses rides commençants à étirer son visage, ses petits yeux sans arrêts rouges de trop fumer, de trop boire et de ne pas assez dormir, sa bouche entièrement gercée par le froid du mois de décembre. Son pull troué ne lui suffisait pas et elle risquait bien de tomber malade, mais elle s'en moquait totalement. Tomber malade, mourir, qu'importe puisque la vie lui était déjà bien difficile à supporter. La femme préférerait sans doute même ne plus vivre que d'être forcée d'affronter la réalité des choses : elle était horriblement seule, presque SDF et elle était remplie de haine et de remords. Depuis que l'unique personne en qui elle avait confiance l'avait lâchement laissé tomber il y a 11 ans de cela, elle était devenue totalement différente. Bien sûr, elle connaissait déjà la misère et l'alcool, en revanche elle n'avait jamais touché à quelconque drogue avant cela.
Mais comment vivre ? Quand la seule personne qui puisse vous maintenir sur Terre disparaît d'un seul coup ? Comment vivre lorsque l'on a rien ? Ni amour ? Ni joie ? Ni sourire ? Ni sobriété ? Ni argent ?
Elle se retourna en entendant un rire. Un enfant. Bon dieu, ce qu'elle pouvait haïr les enfants. Ils étaient l'une des causes principales de sa grande souffrance. Leur soit-disant innocence lui donnait envie de vomir, tout cela mélangé avec l'époque de Noël, l'alcool et le tabac : elle allait craquer.
Le petit garçon, quant à lui, riait aux éclats tout en tenant la main de son père, tout aussi hilare que lui. Ils semblaient heureux. Le visage du petit était illuminé, ses yeux pétillaient et on pouvait deviner son innocence et sa pureté rien qu'en voyant son sourire. Son coeur se serra et elle fit quelques pas en avant pour s'éloigner le plus vite possible lorsqu'elle sentit quelqu'un lui rentrer dedans.

-P-Pardon Madame... Je ne vous avais pas vu...

L'enfant venait de chuchoter ces mots en levant les yeux vers la dame qu'il venait de bousculer. Son père arriva très vite et s'accroupit pour relever son fils, tombé de surprise.

-Enfin, Jungkook, regarde où tu marches la prochaine fois !

-Papa, j'ai 11 ans ! Je peux me relever tout seul, râla ce dernier tout en fronçant légèrement les sourcils.

« 11 ans... » pensa la femme. Il faisait plus petit avec ses longs cheveux noirs et sa peau de bébé...

Lorsque Jungkook fut enfin totalement relevé, le père s'avança vers elle, tout en tenant son fils assez éloigné.

-Je suis désolé, vous allez bien ? S'interrogea-t-il devant la mine fatiguée et agacée de la dame.

Celle-ci se contenta de hocher la tête avant de déguerpir le plus rapidement possible. Mr Jeon fixa la dame tout en ébouriffant les cheveux de son fils qui s'essuyait les mains. Elle n'avait pas l'air très nette, mais bon. Après tout, elle n'avait fait aucun mal à Jungkook et c'était tout ce qui comptait.

Quant à elle, elle venait d'éclater le reste de sa bouteille contre la bordure avant d'envoyer valser son mégot. Elle était désormais en train de chercher désespérément le premier homme sur lequel elle pouvait se jeter, afin de lui faire oublier sa haine et sa faiblesse. C'était comme ça à peu près tous les jours, un nouvel homme chaque soir. Le sexe était aussi pour elle un moyen de ne pas souffrir. En quelque sorte, l'un de ses seules plaisirs. Alors elle en abusait. Comme on peut être dépendant pour bien des choses, elle l'était avec cela, l'alcool, la drogue et le tabac.

« Jungkook... » murmura-t-elle avant d'enfin trouver sa prochaine proie.

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Pendant ce temps, le petit garçon rentrait tranquillement chez lui, ôtant son bonnet et ses gants avant de prendre sa mère dans ses bras. Puis de manger des sucreries qu'il venait d'acheter avec son père, au coin du feu, avec son frère cadet, bien loin de savoir que le simple fait d'avoir pris cette rue et d'avoir foncé dans cette femme allait lui coûter cher. Bien TROP cher.