2. L'attaque.

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Mes sens se mettent en alerte et je laisse mon instinct prendre le dessus sur la réflexion, car je n'ai de toute façon pas le temps pour élaborer une stratégie quand une nouvelle flèche me blesse légèrement à l'épaule. Je n'avais pas vraiment remarqué la toute première car mon assaillant ne visait manifestement pas très bien.

Je me mis à courir en direction de la forêt, c'était la solution la plus logique. A défaut de m'offrir une couverture efficace, les arbres rendraient la visée plus compliquée à la personne qui me pourchasse. Je n'ose pas me retourner, je puise dans le peu de forces que j'ai en réserve. J'arrive à bout de souffle, je choisis un arbre suffisamment gros pour m'y arrêter quelques secondes et risquer un coup d'œil derrière moi.

Mince, je suis foutu, ils sont trois, et courent beaucoup trop vite pour que je puisse les semer. Je reprends malgré tout ma course en espérant que la forêt m'offrira une occasion en or de les semer. Mon corps prend petit à petit le contrôle, j'ai de plus en plus de mal à réfléchir de manière construite et cohérente, et pourtant, je tiens le rythme. Cette sensation est à la fois étrange, rassurante et frustrante : d'un côté, des humains tentent de me tuer, et de l'autre, je me découvre des capacités d'endurances que je ne me connaissais pas. Ce qui me perturbe le plus, c'est le fait d'assister à la scène comme si j'étais spectateur tout en étant dans mon propre corps.

Je commence à les distancer, mais l'un de mes trois poursuivants a une arme à feu et n'hésite pas à tirer dans ma direction. Je reprends peu à peu le contrôle car je ne peux pas me permettre de faire n'importe quoi. J'ai eu de la chance avec les flèches, mais une balle causerait de plus lourds dégâts. Une impression étrange brouille mes pensées de manière persistante : pourquoi visent-ils mes jambes plutôt que le haut de mon corps ? Car, oui, les balles ratées ne sont jamais plus haut que le bassin, à en juger par les impacts, à moins que ce soit l'effet de la distance ?

Je n'arrive plus à respirer et décide de faire une courte pause. Dans un acte désespéré, je leur crie : MAIS POURQUOI FAITES-VOUS CELA ?!

Un silence de mort s'installe. Toujours à bout de souffle, j'en profite pour jeter un œil dans leur direction, et je ne comprends pas. Je les vois en pleine discussion, qui a l'air très animée, puis ils me jettent des regards affolés, teintés de curiosité et d'incompréhension. L'homme à l'arme à feu reprend ses tirs puis se fait stopper aussitôt par la fille à l'arc. Je ne suis pas sûr de ce que j'entends, mais il me semble qu'elle lui dit : "Arrête, imbécile, il nous le faut vivant !". C'est parce qu'elle a crié plus que parlé que j'ai pu distinguer ses paroles, mais je n'ai pas pu saisir la fin de son intervention. Je les vois me regarder avec insistance, sortir un objet de leur sac, puis retourner vers la route.

Bon sang ! Mais qu'est-ce que tout cela signifie ? Je n'ai pas le temps de me perdre plus dans mes pensées quand un bruit que je n'avais encore jamais entendu depuis mon éveil se fait entendre au loin : un moteur. Je l'entends se rapprocher, et décide donc de courir perpendiculairement à la route pour ne pas être trop accessible. Je me cache de nouveau, cette fois ci derrière un petit buisson encore bien touffu. Ma stratégie semble fonctionner puisque le véhicule peine à savoir où je me trouvais. Il s'agit d'un véhicule de type militaire, mais les personnes à son bord n'ont rien de militaires à première vue, je suis de toute façon trop loin pour véritablement les distinguer. Ce dont je suis sûr, c'est qu'à la manière dont l'homme à la mitraillette se tient, il a une paire de jumelles entre les mains, je ne dois pas bouger si je ne veux pas me faire repérer.

Quelque chose m'a trahi car il pointe du doigt dans ma direction et le véhicule se remet en marche. Je reste tétanisé par la panique, quand je m'aperçois qu'un chemin bifurque perpendiculairement à la route, ce qui permet au véhicule de m'atteindre plus facilement.

"Hey ! Toi ! Viens, suis-moi ! Allez ! bouge !!!"

Une personne se trouvait près de moi et venait déjà de repartir en courant. Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions et mon corps ne me laisse de toute évidence aucune autre alternative : mes jambes tirent sur les dernières forces de mon corps pour suivre l'individu. Les tirs reprennent dans ma direction et celle de la personne devant moi. Elle semble savoir où elle va car le véhicule se retrouve contraint à rester sur le petit chemin et ne peut accéder à l'endroit où nous nous trouvons.

Je risque un regard en arrière et je vois que le groupe nous suit à pieds. Ils sont à une très grande distance, mais leur détermination leur offre un rythme bien plus soutenu que le miens qui commence à faiblir. Nous traversons une clairière, le soleil est déjà bien bas, et c'est peut-être la dernière fois que je vois la lumière du jour.

"Reste bien derrière moi, ou tu vas y rester, compris ?"

... furent les mots de la personne devant moi. Je m'exécute donc et reste scrupuleusement sur ses talons. Du moins, autant que faire se peut, car elle va trop vite pour moi. Nous approchons de l'orée du bois quand j'entends un cri derrière moi, au loin : l'un des poursuivants a été blessé par je ne sais quoi. Puis un second.

Je franchis la bordure boisée et me fais agripper le bras par mon ange gardien : c'était une fille, de taille moyenne, cheveux bruns et assez longs mais attachés, à la peau claire et les yeux verts. Elle s'était accroupie derrière un buisson, pour reprendre son souffle, ou bien observer la scène, ou bien les deux. Je l'imite, et constate avec stupéfaction qu'ils n'osent pas aller plus loin. L'un des deux poursuivants boîte mais marche seul, l'autre n'a cependant pas l'air si chanceux : les autres le portent et tentent de lui prodiguer des soins de fortune. Je ne sais pas ce que cette fille a mis au point, mais c'est efficace car ils rebroussent chemin.

Tout est allé un peu trop vite pour moi, mais pour la première fois depuis mon éveil, je sens une lueur d'espoir poindre à l'intérieur, et ce sentiment me procure une chaleur dont je manquais jusqu'à présent.  

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