29. Gênes et maladresses.

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Je ne peux pas le croire. Bon sang, la probabilité que ce cas de figure se présente était infime, et pourtant, c'est bel et bien vrai : le chef de New Shelter, le commanditaire de toutes les actions contre les premiums provenant de ce supposé sanctuaire, c'était lui. Le petit ami de ma sauveuse et amie. Un flash me saisit, et je repense à la phrase d'Angelica : quelle putain d'ironie.

J'essaie de reprendre contenance, pour deux raisons : la première, la plus évidente, je ne dois pas trahir la peur que je ressens et garder mon camouflage. La seconde, qui me perturbe davantage : Angie n'est pas là... Je dois à tout prix obtenir des informations et la retrouver. L'idée de la savoir coincée dans cette ville de fous m'écœure.

"Où est Angie ?

- Ah oui ! Tu connais ma femme... Ne t'inquiète pas pour elle, elle est en sécurité. Et je te rappelle que son prénom c'est Angelica."

Ça se présente mal : voilà qu'en plus d'être un homme puissant et redoutable, il me joue la carte du coq fier et jaloux. Si je continue de la sorte, je ne passerais pas l'heure et finirais avec une balle dans la tête. Il faut que je sois plus prudent, jusque dans le moindre choix de mot. Alors je tente une approche différente.

"Pourquoi suis-je un prisonnier ? Votre femme m'a assuré que New Shelter était un espace totalement sécurisé où les survivants pouvaient se réfugier.

- Et elle a raison. Cependant, tout le monde n'est pas bien intentionné, vous savez. Le test du zombie est mis en place pour une raison simple et évidente : si vous en réchappez vivant, vous êtes apte à défendre cette ville et ses habitants. Vous vous êtes bien débrouillé, mais malheureusement vous allez mourir. Nous allons vous garder et peut-être deviendrez-vous le prochain zombie test pour un nouvel arrivant...

- J'aimerais rester maître de mon destin jusqu'au dernier instant de ma vie humaine, Erwan. J'ose espérer que vous ne m'ôterez pas ce droit basique, de choisir ma mort.

- Comme vous le souhaitez, Raphaël. Vous terminerez avec une de nos balles dans la tête dans tous les cas ! Ahahaha !"

Je tique : il vient de m'appeler par mon prénom alors qu'il ne me l'a pas demandé. Angie a dû le lui dire. Il s'est donc entretenu avec elle. Je ne peux m'empêcher de ressentir de l'agacement. Je ne comprends pas comment une femme aussi chaleureuse qu'Angelica peut aimer un homme aussi dur et froid qu'Erwan. Il ne m'inspire rien de bon, ce qui contraste totalement avec le caractère si vivant et altruiste de mon amie.

"D'où venez-vous, Raphaël ?

- Angelica ne vous a pas raconté ? Je demande, feignant l'assurance.

- Non.

- Eh bien, je suis américain de base, et j'ai dû fuir l'épidémie. J'ai fini par croiser son chemin, et depuis nous faisons route ensemble.

- D'accord... Mais tout cela ne me dit pas qui vous êtes. Me rétorque-t-il.

- A quoi bon ? Dans quelques heures, je serai mort.

- C'est très juste... Alors vous ne m'apprendrez vraiment rien ?

- Eh bien, pourquoi ne pas aller au but et me demander directement ce que vous voulez savoir ?

- Vous êtes direct. Eh bien, ma question sera très simple : avez-vous rencontré des premiums ?

- Des quoi ? Je fais semblant de ne pas comprendre.

- Des premiums. Vous ne pouvez pas les rater. Ce sont des monstres, des menaces pour notre société si fragile.

- Qu'ont-ils de si menaçant ?

- Ils ont des pouvoirs, et sont aussi contagieux que les zombies. Si vous en voyez, vous devez les tuer, au même titre que les zombies. M'intime Erwan.

- Mais, s'ils ont des pouvoirs, je n'aurais aucune chance ? Je fais l'étonné.

- La question ne se posera pas, puisque vous allez vous transformer ! Ahahah !

- J'aimerais m'entretenir une dernière fois avec Angelica avant de mourir, s'il vous plaît. Je ne la connais pas depuis longtemps, mais elle est ce qui se rapproche le plus de la seule amie qu'il me reste, Erwan. Je voudrais lui dire au revoir et la remercier de m'avoir maintenu en vie jusqu'ici dans ce monde de taré."

Erwan perd toute trace de sourire et me sonde du regard. Il semble contrarié, mais il se résigne à m'accorder un entretien avec elle. Contre toute attente, il accepte également que nous restions seuls, à condition que ce soit bref. La situation se complique : je n'ai désormais plus que cinq minutes pour trouver un moyen de faire sortir Angie avec moi.

Il me demande de le suivre, je m'exécute. A mesure que nous parcourons les interminables couloirs, mon cœur se met à accélérer. Je ne sais pas si c'est la peur de me faire démasquer ou bien le plaisir de retrouver Angie. Cette nuit dans la cellule de prison fut éprouvante, je dois bien le reconnaître. Tout va tellement vite, je ne suis ni un combattant, ni un héros. Tout cela est tout nouveau pour moi. Angie, Dan et les Premiums me comprennent. Ils vivent ces changements tout comme moi, que ce soit de manière active ou passive.

Erwan s'arrête devant un couloir. Au fond, une porte flanquée de deux gardes est close. Mes sens se mettent en alerte : je comprends que notre évasion va être compromise car Angelica est retenue prisonnière par son propre compagnon... Et l'horreur s'empare de moi quand je réalise ce qu'il s'apprête à faire lorsqu'il demande aux gardes de ne me laisser sortir sous aucun prétexte...    

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