50. Pris au piège.

48 9 5
                                    

En quelques instants, la situation venait de basculer de désespérée à critique : cet appel venait de sonner notre fin. Et, comme pour appuyer ma pensée, dans un sursaut, j'entends une alarme se déclencher, très fort, au-dessus de nos têtes.

Voilà, c'en était fini pour nous. Dans quelques minutes, nous allons nous faire pourchasser par des zombies hors normes. Si nous, les premiums, sommes "optimisés", alors ces zombies-là, eux, sont "suroptimisés". Nous sommes à peine dix, Angie comprise dans le lot, nous ne pourront rien faire contre ces choses.

Je me précipite vers Gabriel, je lui explique, résigné, tout ce que je viens d'entendre. Il commence à s'agiter, mais il ne comprend pas : c'est trop tard. Nous sommes foutus. Cette ville est une prison, et Erwan dispose d'une arme maîtresse contre laquelle aucune planque saurait nous en protéger.

"Mais merde, Raph, ressaisis-toi ! Tu veux laisser Angie mourir seule, c'est ça ?! Tu ne veux pas lui dire au revoir ? Tu ne veux pas tenter dans un ultime sursaut de désespoir un "tout pour le tout" ? Si nous arrivons à atteindre la prison et entrer, avec tous les autres premiums, nous aurons peut-être une chance de buter ces zombies !

- Mais Gab, et les fusils d'Erwan, tu crois que nos optimisations vont nous aider ? C'est fini...

- Mais non, CHAMBERS, c'est pas fini ! Tant qu'un seul d'entre nous se tiendra encore debout, rien ne sera terminé, et tu le sais ! Tu es la preuve vivante qu'il nous reste encore de l'espoir. Alors maintenant, garde tes larmes pour ta belle, et bouge-toi le cul !"

La détermination de Gabriel me laisse admiratif : elle ne suffit pas à me redonner confiance, mais elle a au moins le mérite de me secouer suffisamment pour que je me remette en mouvement.

Il a raison : je ne peux pas laisser Angie, seule, en danger. Alors j'inspire profondément, je rassemble toutes les forces possibles, et je cours. L'alarme continue de sonner un peu partout. Il n'y avait déjà pas grand monde dans les rues, mais nous constatons que désormais, plus un seul homme ne se trouve dehors. Les rares véhicules qui étaient en mouvement sont maintenant à l'arrêt.

Une ville morte. Pas une trace d'être vivant autre que nous. Plus un seul bruit à l'exception de cette alarme. Le jour est totalement levé, et il n'y aura pas de soleil aujourd'hui. Le ciel est gris, les nuages sont bas, chargés. La neige va tomber, et beaucoup de sang sera versé...

Cette ambiance est si lourde, que je ne peux réprimer ce frisson qui me donne la chair de poule. Je n'avais encore jamais assisté à un tel spectacle... On ne voyait ça que dans les films, et maintenant, je le vis. Ceci n'est pas un décor, c'est bel et bien la réalité. Une ville, à la fois typique, et moderne, encerclée par un immense rempart de protection...

Et des zombies... Des premiums... Les fruits d'une épidémie que j'ai créée... Une pandémie dont j'ai été le patient zéro... Et maintenant, je suis là. Dans mes derniers instants de vie. Pétrifié. C'est fou, car à chaque situation terrifiante, je suis convaincu que je ne pourrais jamais vivre pire, et pourtant...

New Shelter, devenue un lieu d'exécution, dans lequel une chasse à l'homme entre zombies, premiums et humain se prépare...

L'alarme s'arrête quelques instants. Nous nous arrêtons également et échangeons un regard horrifié. Nous n'osons même pas parler tellement l'ambiance est pesante. Puis, très rapidement, une seconde alarme retentit. Et là, nous comprenons.

Nous comprenons que ce bruit, plus strident, plus rapide, et plus puissant, est le signal d'alarme de la mise à mort.

Comment un être humain tel qu'Erwan a pu mettre en place de tels dispositifs ? En imaginant qu'un jour il faille confiner les humains pour permettre une mise à mort des premiums ? Cette pensée m'afflige une peine sans nom. A quel monde ai-je donné naissance ?

Puis, le silence. Le tout dernier son de la sirène se répète en écho. Ensuite, plus rien. Les premiers flocons tombent. J'ai de plus en plus de mal à respirer, gagné par la panique. On aurait pu croire que le temps s'était arrêté, mais la chute des flocons donne l'impression du contraire : tout semble aller beaucoup trop vite. Ces centaines de petits points blancs comme des centaines de "tic" et de "tac" qui se bousculent.

Ezra est le premier à tomber : trois zombies lui sautent dessus et le plaquent au sol. Il se débat, il hurle "à l'aide", et nous ne pouvons rien faire car les zombies ont déjà attaqué son cou. Les cris se transforment en sons de gorge noyée dans le sang de notre ami, et nous ne pouvons rien faire d'autre à part courir car les zombies arrivent de partout.

Ils ne sont pas si nombreux, mais terriblement rapides ! Beaucoup plus rapides que ceux que l'on rencontre dans la nature. Même les agités ne sont pas si véloces. Nous sommes contraints de nous séparer.

Plus de plan. Plus de stratégie. Il est désormais question de survie pure, et immédiate. L'instinct primal reprend le dessus. Et ce silence... J'entends des cris, très éloignés, et surtout de façon brève.

Je donne tout ce que j'ai, mais cela ne suffira pas à me garder en vie. Je dois réfléchir ! En urgence ! Un deuxième zombie prend notre course à la volée, et me poursuit... Puis un troisième... Je continue ma course effrénée tout en essayant de capter un moyen de prendre de la hauteur.

Le destin a bien des manières de jouer avec nous : à quelques mètres, à quelques minutes de la mort, je tourne la tête, et je la vois, une rue plus loin, courir pour sa vie : Angelica ! Elle est en vie, et nous nous dirigeons dans la même direction.

Une idée folle me vient alors : je lui fais un signe des plus brefs pour lui indiquer de continuer tout droit...

En face de nous, un parc se dessine... Et en son centre : le QG d'Erwan. Je ne sais pas si je peux véritablement qualifier cette décision de "bonne idée", mais elle aura au moins le mérite de nous maintenir quelques instants de plus en vie. Je n'ai aucune certitude quant à la présence d'Erwan dans le bâtiment, mais nous sommes sur le point de nous faire dévorer, alors faire face à un humain, aussi cruel soit-il, ne me dérange pas vraiment.

Les zombies modifiés nous pourchassent, et ne sont plus qu'à quelques dizaines de mètres. La porte n'est pas loin non plus, je commence à sentir un soulagement, de savoir qu'Angie et moi serons à l'abri temporairement dans quelques instants... Je tourne la tête pour vérifier que tout va bien de son côté et qu'elle suit bien la cadence et...

MERDE ! NON !!!! PAS ÇA !!! Angie !!!

Angie vient de trébucher et se trouve au sol. La chute a dû lui faire mal car elle ne se relève pas instantanément... Alors je change de cap, et je fonce droit vers elle. Je dois m'assurer qu'elle ne se fasse pas attraper par les "mombies".

Ils se rapprochent à une vitesse affolante, et Angie ne se relève toujours pas. Elle pleure. Je crois qu'elle est tétanisée, par la panique, l'épuisement et la chute n'est que la goutte qui a fait déborder le vase de ses émotions... Si près du but, d'une relative sécurité, c'est ce moment précis que choisit son corps pour l'abandonner.

Les mombies sont tout proches, et ne ralentissent pas... Alors je ne réfléchis pas un instant de plus et attrape le bras d'Angie pour la relever. Je sens que son corps résiste mais j'y mets tout ma force, et en moins de deux, elle se retrouve sur ses jambes, à me regarder avec incompréhension. Je la pousse de toutes mes forces en lui hurlant : FONCE ! J'arrive !

Son regard empli d'horreur est on ne peut plus clair : il est trop tard pour moi. Alors j'essaie de courir en mobilisant mes ultimes réserves, mais je sens déjà les mains des mombies dans mon dos. Alors je lui crie, dans un sursaut de désespoir : MAIS DÉGAGE, PUTAIN !

Oui, un cri à m'en déchirer la gorge alors que les premières morsures pénètrent ma chair jusqu'à l'os...

Premium.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant