44. La vérité dans les cendres.

56 10 13
                                    

Nous n'en revenons pas : la vision qui s'offre à nous est tout bonnement incroyable... Le laboratoire de Madder, si grand, si moderne, et surtout si extravagant, n'existait plus. Des bâtiments, il ne restait plus qu'un tas de ruines. Il avait été incendié.

Au plus profond de moi, ceci ne m'étonne guère. Alastair est un homme totalement imprévisible, mais dans sa démesure, un tel acte est tout à fait cohérent. Si l'on prend le temps de regarder sur ce qu'il a fait, deux ans plus tôt, et qui a mené à toute cette catastrophe...

Nous n'avons pas la moindre idée de ce qu'il a bien pu se passer au juste, précisément, mais je suis certain qu'il a emporté tout ce qu'il avait de plus important, et de plus précieux, puis il a mis le feu pour détruire toute preuve de ses expériences abjectes.

"Raph, l'hôpital... Tu penses qu'il est aussi détruit ? M'interroge Dan.

- Je ne sais pas, mais nous ferions mieux de vérifier pour en avoir le cœur net...

- Attendez, quel hôpital ? Nous demande Gabriel.

- Eh bien, l'asile, un peu plus loin...

- Ah ! Oui ! Vous appelez ça un hôpital ?! J'appellerais ça plutôt... eh bah... Je ne sais même pas comment j'appellerais ça tellement ça me fout la chair de poule, cet endroit... Avoue Gabriel.

- Nous devons aller vérifier s'il reste des patients là-bas. Ça ressemblerait tout à fait à Alastair d'abandonner des êtres humains sans même avoir la considération de leur venir en aide... Je conclus."

Nous faisons un trou dans la clôture, et ne prenons pas la peine d'avancer à couvert. La partie laboratoire de Frankenstein est clairement vide de toute forme de vie. Ni humain, ni zombie, ni fauxptimisé. Ce détail n'augure rien de bon. Alastair n'est pas du genre à être imprudent, son geste, ainsi dingue soit-il, en est la preuve.

" On devrait peut-être avancer plus discrètement, vous ne croyez-pas ? Suggère Angie.

- Je suis d'accord ! Gabriel, sans parler forcément de piège, je ne pense pas qu'Alastair soit parti sans prendre de précautions.

- Ok, Raph, Dan, vous connaissez les lieux mieux que nous, vous prenez les devants."

Je m'arrête un court instant, deux secondes, à peine, pour regarder Angie. C'était comme si elle avait lu dans mes pensées et exprimer ce que j'étais sur le point de dire. Je lui caresse discrètement, avec toute la tendresse possible, sa main rafraîchie par le froid de l'automne sur le point d'être chassé par un hiver rigoureux, et je rejoins Daniel à l'avant.

Nous passons devant la petite bâtisse qui servait de poste de surveillance. Avec un regard entendu, nous prenons le temps d'inspecter l'intérieur. Le système de surveillance avait été totalement désactivé. Nous ne pouvons pas nous empêcher de rire nerveusement en voyant les traces de notre passage il y a déjà un petit moment.

Tout avait dû aller très vite après notre fuite, et cela est cohérent : Alastair savait que je finirais par recouvrer la mémoire, et cela le mettait dans une position délicate. Le fait de lui avoir échappé a dû accélérer son départ. Même s'il est du genre à prendre des précautions, il a forcément dû être négligent quelque part, et mon instinct me dit que nous trouverons nos réponses dans l'hôpital psychiatrique.

Nous arrivons devant le grillage par lequel nous nous étions échappés. Nous nous regardons à nouveau, Dan et moi, puis il attrape le morceau de ferraille pour le retenir, avec un sourire à la fois complice et taquin, comme pour me dire "cette fois-ci, à mon tour de te tenir le grillage !". Et, je dois bien le reconnaître, même si le temps qui s'est écoulé depuis notre première visite n'est finalement pas très conséquent, eh bien il en paraît si changé, et surtout si grandi. C'est un homme en devenir qui se tient devant moi, et cela contraste tellement avec son allure juvénile et angélique due à sa condition de premium.

Nous longeons le terrain, et nous sentons bien avec Daniel que quelque chose ne va pas car nous n'apercevons aucun patient. Nos doutes se confirment lorsque nous voyons des corps partout, au sol, inertes. Je me précipite instinctivement au cadavre le plus proche, rejoint aussitôt par Dan, Gabriel et Angie.

Je constate avec horreur que le patient n'est pas mort. Non. Il respire encore, à l'agonie, très salement amoché. Une plaie au niveau de l'épaule gauche, saignante, purulente, même, qui se répand sur toute la moitié gauche de son visage. Je suis paralysé.

"Merde, merde, merde, MERDE !

- Quoi, Gabriel ?! Je lui demande.

- Ils ont tous été mordus ! Me répond-il.

- J'ai des yeux, je le vois bien !

- Tu ne comprends pas ce que ça veut dire, Raph... A voir sa morsure, ils sont sur le point de changer !... Combien étaient-ils, lorsque vous étiez captifs ici ?

- Je ne saurais pas te donner un chiffre exact...

- L'hôpital était plein à craquer, Gab. Tu vois ce champ de corps ? Il y en a encore au moins autant à l'intérieur... De quoi faire...

- ... une nouvelle horde. Je termine la phrase de Daniel.

- Exactement. Une nouvelle horde. Et qui dit horde, dit fauxptimisés pour la contrôler. Conclut Gabriel."

Il n'a pas besoin d'en dire plus que nous courrons tous vers l'ancien bâtiment psychiatrique pour se planquer. J'espère que nous avons été suffisamment rapide pour ne pas être repérés par des fauxptimisés. J'aurais dû y penser ! Madder ne laisserait pas le bâtiment intact s'il n'avait pas une idée derrière la tête. Nous choisissons une pièce bien connue de Dan et moi : la blanchisserie. Pas de fenêtres, mais suffisamment d'espace. Gabriel bloque la porte avec un fauteuil.

"Gabriel, combien de temps mettent les mordus à se transformer ?

- On n'en sait rien. Enfin, pas avec exactitude. On a constaté qu'il fallait entre deux et quatre jours, en moyenne, parfois plus. Mais on ne sait pas ce qui est déterminant dans la transmission du virus, c'est toi le scientifique.

- Je n'en sais malheureusement pas beaucoup plus. Nous étions en pleine phase d'étude du phénomène sur animaux, et nous cherchions un moyen d'empêcher cela plus qu'une véritable étude. Madder doit savoir, il a dû faire des tests. Vous n'avez rien trouvé dans ses dossiers ? Je lui demande.

- Pas encore. Il y a tellement de données à traiter... Ils sont sur le coup, au village.

- D'accord. A ton avis, ils en sont à combien de temps de morsure, là ?

- Je ne sais pas, mais ils sont sur le point de devenir zombies. Et lorsqu'ils se seront transformés, Madder aura une nouvelle horde.

- Alors nous devons neutraliser tous les fauxptimisés qui sont chargés de contrôler cette horde jusqu'à Madder.

- Mais Raphaël, tu ne crois pas qu'on devrait plutôt laisser les fauxptimisés prendre le contrôle, et nous guider à la nouvelle planque de Madder ?

- Non, Gab. Si Madder monte une nouvelle horde, c'est pour ne pas reproduire la même erreur que la première fois au campement de premiums... C'est pour terminer ce qu'il a commencé. J'ai eu à faire à lui, je sais ce dont il est capable... Sans compter sur les zombies... Cette fois-ci, ils nous boufferont et n'en laisseront pas un morceau. Répond Daniel.

- Alors, nous faisons quoi, exactement ? On ne sait pas où sont les fauxptimisés, et nous sommes encerclés de futurs zombies. Nous devons partir maintenant ou bien c'est foutu ! Rétorque Gabriel.

- Pas nécessairement. Je vais faire l'appât. J'espère ne pas me tromper, mais je pense qu'Alastair a besoin de moi vivant, ou bien il m'aurait tué lorsqu'il me détenait ici. Il sait que je suis un premium.

- Mais ses toutous ne le savent pas... Me lance Gabriel.

- Je pense que si, justement. Lorsque j'ai été assommé puis amené ici, on ne m'a pas mordu, ni bouffé. On m'a assommé... Je suis prêt à prendre le risque, et vous ne me ferez pas changer d'avis."

Ma conclusion fait son effet : Gabriel et les autres du village me fixent, incrédules, pendant que Dan et Angie montrent leur soutien d'un simple regard.

Puis, soudainement, la poignée de la porte se met à bouger.

Premium.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant