53. Face à face.

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Les ténèbres. Le noir. La panique. Plus de repère. Des mitraillettes. Des râles de zombies. Et cette alarme. Je ne sais plus où donner de la tête : Angie est là, quelque part, dans le noir, très certainement poursuivie par des modifiés, tout comme Gabriel et moi. A moins que ce ne soit les hommes d'Erwan qui la poursuivent...

Une main se pose sur moi, et me tire violemment. Est-ce un zombie ? Est-ce Gabriel ? Je ne sais pas, et je m'en fiche. Je suis au bord de la mort depuis trop longtemps. Il faut ouvrir les yeux, et se montrer réaliste : nous sommes dans une ville fortifiée, bourrée de zombies modifiés programmés pour nous tuer à vue, de soldats qui ont pour ordre de nous abattre.

Quelle idée avons-nous eu, déjà ? Qui a été assez stupide pour approuver cela ? Ah, mais bien sûr, moi, entre autres...

Nous sommes dans le noir complet, pas même une lumière de sécurité. Mais cette alarme... On n'entend qu'elle. Je me laisse diriger par la main qui me tire. Nous tournons un virage, et au loin, au détour d'un autre couloir, je vois de la lumière, par intermittence. Et des coups de feu.

"Raph ! Allez ! Bouge !!!"

C'est Gabriel ! Son intervention me fait l'effet d'une décharge : je me mets à courir. Nous nous dirigeons dans la direction des coups de feu. Je n'arrive pas à distinguer si les modifiés nous suivent toujours ou pas.

Lorsque nous débouchons sur le couloir d'où proviennent lumière et coups de feu, mon esprit emmagasine une trop grande quantité d'informations... Ou alors, le manque de lumière et l'urgence de la situation font que ma perception est altérée ? Je ne sais pas... Mais la vision qui s'offre à nous est saisissante : nous nous trouvons dans la salle principale, typique des prisons nord-américaines : un immense hall rez-de-chaussée, et des étages surplombant cette fausse.

Et, un peu partout, des armes à feu, des soldats, des yeux rouges, et des zombies. Cette vision est tout bonnement cauchemardesque : tout le monde se bat, et s'entre-tue, mais aucun moyen d'identifier clairement qui est en train de tirer, et surtout, sur qui. Des flashs lumineux, et des cris. Dans un rythme saccadé, irrégulier.

Ensuite le choc. La douleur me transperce, j'en suis aveuglé. Je tombe à genoux. Je n'entends plus la sirène, et mon cœur manque de s'arrêter de battre. Je suis à bout de souffle, et je dois reprendre mes esprits, mais mon cerveau a trop d'informations à gérer d'un coup...

Gabriel m'aide à me relever, je titube. La lumière venait d'être rétablie, et la sirène ne sonnait plus. Le choc, pour moi, c'était de voir Angie, se tenir devant moi, et prendre une balle de plein fouet. Je me précipite auprès d'elle. Elle souffre, mais elle est consciente.

"Ne t'inquiète pas pour moi, Raph, ce n'est que mon épaule. Je devrais m'en sortir... Mais toi, par contre, va-t'en ! Ne restez pas là ! Il vient pour vous !!!

- Hors de question que je te laisse, tu viens avec nous, tu peux encore courir !

- Oh non, Chambers ! Vous n'irez nulle part !"

C'est Erwan. Un silence de mort s'installe. Il est accompagné d'une armée de soldats et de modifiés, prêts à bondir. Plus aucun premium n'ose bouger, car nous sommes en sous-effectif. Je dois gagner du temps.

"Ah, Erwan ! Tu nous honores de ta présence... Va-t-on pouvoir enfin tenir une conversation d'adultes ? Je le provoque.

- A quoi bon ? Je sais ce que tu as fait, Chambers. Je sais qui tu es. Tu m'as dupé une fois, pas deux. Tu m'as volé ma femme. Je te prendrai tout ce qu'il te reste, et tuerai les premiums jusqu'au dernier.

- Alors tu oserais aller à l'encontre des ordres d'Alastair ?

- Ce mec n'est qu'un intello friqué. Il ne connaît pas la réalité du terrain.

- C'est là où tu te trompes, Erwan. Ce monde dans lequel nous devons survivre, il en est le charpentier, il en est l'architecte. J'ai travaillé avec lui, je l'ai côtoyé tous les jours, et cet homme, s'il découvre que tu veux le doubler, il t'éliminera sur le champs.

- Qu'il essaie ! J'ai mon armée, j'ai les habitants de cette ville, et j'ai les zombies !

- Les zombies qu'Alastair a mis au point... Crois-tu vraiment qu'il te laisserait utiliser ses créations sans avoir un quelconque moyen de les contrôler et les retourner contre toi ?"

Touché ! Erwan semble déstabilisé par ma dernière remarque. Je commence à comprendre le fonctionnement de cet homme : c'est un guerrier, un homme d'action. Il est stratégique, et efficace, mais ne parvient pas à se projeter sur le long terme. Alastair, quant à lui, a une vision beaucoup plus globale des choses, et mettra tout en œuvre pour que la sale besogne soit faite par ses sbires.

"Alastair a besoin de nous vivants.

- Tu te trompes, Chambers.

- Oh non, Erwan. Il a besoin de Gabriel, Daniel et moi. Idéalement, un maximum de premiums. Tu as plutôt intérêt à nous enfermer et nous garder en vie si tu ne veux pas te retrouver en charpie, dévoré par les zombies de Madder...

- Le gosse n'est même pas là. Vous êtes tous une menace pour moi. Je me fous de Madder, il n'est pas là. Je ferais comme bon me semble !

- R, s'il te plaît, arrête. Ce n'est pas toi, ça. Intervient Angie.

- Reste en dehors de tout ça, toi, si tu veux rester en vie...

- Je suis celle qui te connaît le mieux. Je sais que tu peux être féroce, les batailles t'ont marqué. Mais tout ça, ça ne te ressemble pas. Tu t'es toujours battu pour défendre les innocents. Les premiums, ce ne sont que des humains comme toi, comme moi, qui ont eu une seconde chance. Si tu te retrouvais infecté, tu serais bien heureux de te dire que cela n'est pas définitif, et qu'une seconde chance te sera accordée.

- Tais-toi ! Tu as vu ce qu'ils ont fait ! Tu étais parmi eux ! Tu as choisi ton camps, Ang'. Pour moi, tu es déjà morte !

- Et tu m'appelles toujours Ang' ?

- Ne... Ne joue pas avec moi. Tes minauderies ne fonctionnent plus !

- Je ne veux pas jouer avec tes sentiments, R. Je veux juste faire appel au soupçon d'humanité qu'il te reste. Ecoute ce que Raphaël a à te proposer. Il est encore temps d'inverser la tendance et trouver un accord.

- Jamais !

- Tu sais pertinemment que Madder aura ta peau, si ce n'est pas les premiums."

Erwan fulmine. Il ne laisse pas le temps à Angie d'ajouter quoi que ce soit, sort son arme de poing et la met en joue. Je tente de me jeter sur Erwan pour le stopper, mais Gabriel me retient alors que des soldats pointent leur arme sur moi.

"Je t'ai aimée, Ang'. De tout mon cœur, de ton mon corps. Une part de moi t'aime encore... Mais l'autre, elle, est dégoûtée par ce que tu es devenue. Une traînée qui préfère se faire sauter par des macchabés... Je ne te laisserai jamais avoir l'opportunité de devenir l'une d'entre eux." 

Personne n'a le temps de réagir que le coup de feu est déjà parti.

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