24. Noyade incontrôlée.

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Quelle sensation de bien être... Je me sens léger, serein et totalement apaisé. Plus aucune douleur. Plus aucun tracas. Je suis bien. Plus un bruit, plus aucune sensation. Je me sens en sécurité. Tout paraît simple. Tout va bien. Je ne suis pas sûr d'être encore en vie... Le suis-je ? Oui, très certainement, sinon je ne penserais pas... Mais pourquoi je me sens si bien ? Et... et si j'étais redevenu zombie ? Ou pire ! Et si j'avais donné naissance à une toute nouvelle espèce d'humanoïde zombifié ? Je sens la panique me préoccuper l'esprit, mais le corps semble rester détendu. En fait, pour être totalement exact, je ne ressens rien de physique. Cette sensation est étrange. Mon cerveau établit hypothèse après hypothèse, et toutes sont plus catastrophiques les unes que les autres. 

C'est à ce moment précis que la douleur commence à revenir. Très légèrement, au début. Puis ma poitrine s'embrase, ma tête explose, mes tympans éclatent, et mes yeux s'ouvrent. Le spectacle qui s'offre à moi est plutôt, amusant, je dois le reconnaître. Si je ne ressentais pas une si vive douleur, j'aurais probablement ri de bon cœur. Le soulagement que Gabriel affiche ne me rassure pas vraiment. Je tente de parler mais impossible.

"Oh, doucement, cow boy ! Tu nous as fait une belle frayeur ! Je te conseille de ne pas parler pendant un moment. Tiens, nous t'avons préparé serviettes et vêtements de rechange. Nous allons te garder en observation pendant les deux heures qui suivent. Même si nous sommes beaucoup plus résistants que les humains non-mordus, tes poumons restent incompatibles avec l'eau. Ton métabolisme est beaucoup plus rapide, et dans deux heures tu devrais te sentir beaucoup mieux. Bois ce verre d'eau. Elle va avoir un sale goût, mais c'est important. Les gars, prenez bien soin de lui, il est capital pour notre mission à New Shelter !"

J'exécute à la lettre ce que Gabriel vient de me dire. Je bois ce verre d'eau qui a un goût à vous faire vomir, c'est d'ailleurs la réaction qu'il me provoque. Lorsque je régurgite le contenu de mon estomac, je comprends ce qu'il voulait dire : une quantité de liquide rougeâtre ressort, et ce verre d'eau servait uniquement à me purger, en quelque sorte. Ma tête tourne mais Jefferson m'explique que je ne peux rien avaler pour le moment, seul le repos est de rigueur. Alors il m'aide à me sécher puis commence à vouloir me déshabiller.

Dans un éclair de lucidité, je me souviens que la clé USB se trouve toujours dans mon caleçon. Je feins le besoin d'intimité pour me changer et fort heureusement, Jefferson m'avoue que lui-même ne serait pas à l'aise à l'idée qu'un autre homme le déshabille alors qu'il peut le faire lui-même. Je sens que mon corps est sur le point de lâcher prise, mais je dois à tout prix garder cette clé secrète. Je rassemble toutes les forces possibles et me mets derrière la cuve toujours pleine de l'horrible mélange dans lequel j'ai été contraint à la noyade. A la pensée d'Angie et Dan riant aux éclats alors que je remets la clé dans le boxer propre, un soulagement temporaire s'opère en moi. C'est bon, elle a retrouvé sa place qui me laisse dans l'inconfort, je peux me permettre de m'effondrer. 

Jefferson a juste le temps de me dire : "nous allons te remonter, et tu vas faire un petit somme bien mérité". Lorsque je me réveille, je suis seul dans la pièce. Je ressens encore quelques légères douleurs, mais je me sens effectivement beaucoup mieux, si l'on retire la faim de loup que je ressens. Je tente de me lever, mais mon corps est encore très faible, probablement à cause de la grande quantité de sang que l'on m'a prélevé. Je me recouche, puis je tente d'appeler Jeff. Le premier appel ressemble plus à un gloussement de dindon, j'en ai honte. Je racle un peu ma gorge endolorie, puis j'appelle une seconde fois, un peu plus fort.

J'entends le pas lourd de Jeff se traîner dans la maison, puis monter un escalier. Lorsqu'il ouvre la porte, il tient un plateau emplit de nourriture salvatrice. Mon ventre réagit aussitôt et un énorme gargouillement se fait entendre. Jeff ne peut s'empêcher de rire.

"Tiens, il faut que tu manges !... Tu sais que tu nous as fait peur ?!

- Pourquoi ça ?

- Eh bien, quand on t'a sorti de la cuve, tu étais mort. Comme les deux autres qui ont passé le test avant toi. Mais contrairement à eux, impossible de te faire revenir ! Finalement Gabriel a réussi à te faire revenir. Mais tu as eu des spasmes, tu as convulsé, et ton cœur a lâché. On a cru vraiment te perdre. Gab nous a expliqué le plan et le rôle que tu as à jouer dedans. Tu es un vrai malade, tu le sais ?

- A-t-on une meilleure option ? Je l'interroge.

- Non. C'est vrai. Mais quand-même, j'aurais pas le courage, moi !

- Dis, c'est quoi ton truc à toi ? Ton... "optimisation" ?

- Oh... Euh... Eh bien... Disons qu'avec ce que je peux faire, je n'irais pas au combat. 

- Tu n'as pas à avoir honte, nous ne sommes pas des soldats, Jeff. Le monde dans lequel nous vivons nous force à combattre, mais cela ne fait pas de nous des guerriers. Alors... C'est si terrible que ça ?!

- Eh bien... J'étais cuistot avant l'épidémie. Et depuis que je suis revenu optimisé, je peux changer tout élément organique naturel, même non comestible, en nourriture. Pour te dire, la soupe que tu manges, elle est faite à base d'écorces d'arbre bouillies et mixées. Me confesse-t-il.

- Sérieusement ?! Mais c'est génial comme capacité ! Tu te rends compte que grâce à ça, tu peux assurer la survie de tous ici, sans te soucier du manque de ressources ? Je lui réponds, émerveillé.

- Je vous fais manger littéralement n'importe quoi. Et je ne sais faire que ça. Je ne sers qu'à ça ici. J'aimerais être comme toi, avoir un rôle crucial qui permettrait d'aider les autres.

- Ne te tracasse pas pour ça, Jeff, ton rôle est primordial. Eh puis tu sais, je crois que celui que j'étais avant n'avait rien d'un héros. J'ai cette terrible sensation depuis que je suis revenu à moi. 

- Tout ce qui compte, c'est ce que nous sommes maintenant, n'est-ce pas ? Tente-il de se rassurer.

- Tout à fait, Jeff.

- Bon, je te laisse finir ton repas, tu vas devoir te mettre directement au boulot après. Bon appétit !

- Jeff ? Merci beaucoup.

- Pas de quoi !"

Je n'en reviens tout simplement pas : cet homme, à lui seul, peut assurer la survie des autres dans les moments les plus critiques. Je me demande bien comment il s'y prend exactement. Me revient en tête ce que je viens de lui dire alors que je continue de dévorer mon repas. Un poids lourd s'installe dans ma poitrine. Madder et Gabriel savent tout de moi. Le premier avait l'air satisfait de m'avoir capturé, et le second très remonté. Je ne sais pas ce que mon dossier contient, mais cela me fait peur. Et ces fichus souvenirs qui ne veulent pas se débloquer ! Pourtant j'étais persuadé qu'à l'annonce de mon nom, tout me reviendrait. Mais quelque chose bloque. C'est l'esprit contrarié que je termine mon repas avant de démarrer mon entraînement accéléré.

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