22. Pacte et confidences.

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La nouvelle m'a anéanti, je dois le reconnaître. Même si Angelica me certifie que ça va, j'ai du mal à avaler la pilule. Heureusement pour moi, la question de Dan me sauve et me distrait temporairement. Avant de lui répondre, je prends le temps de le regarder. Et je me fais la réflexion suivante : bon sang, je n'avais jamais vraiment prêté attention à ce gosse ! Il a le visage d'un ado mais les traits marqués d'un jeune adulte, fatigués. Et pourtant, quand je l'ai rencontré il y a plusieurs jours, je lui donnais à peine douze ou treize ans... 

Il a l'air si grand. Brun, aux yeux bleus, une musculature bien développée malgré son air juvénile. Je réalise à quel point je ne le connais pas, et surtout que j'aimerais le connaître. Mais les circonstances ne nous le permettent pas. Dès que nous avons un peu de calme, promis, j'en profite pour le questionner jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Mais avant, je dois répondre à sa question, qui avait pour le moins interloqué Angie.

"Oui, je l'ai toujours.

- Mais comment as-tu fait pour la garder cachée ?! Demande le jeune homme.

- Tu veux venir voir dans mon caleçon ?"

A cette réponse, Dan explose de rire. D'un rire si franc, si spontané, et surtout, si innocent. Ce son est agréable à entendre. De son côté, Angelica nous regarde tour à tour, totalement incrédule. Le tableau est assez drôle ! Je dois reconnaître qu'à sa place, je serais tout autant surpris, voire agacé, d'assister à un échange entre deux personnes sans saisir le sens de leurs paroles. Je décide de venir à sa rescousse.

"Je suis en possession de la plupart des dossiers brûlants de Madder, Angie. On les a copié sur une clé, avec Dan, et avant de me faire choper à l'asile par Gabriel et sa bande, je l'ai cachée dans mon froc, juste pour être sûr qu'on ne me la vole pas !

- Attends... Sérieusement ?

- Vrai, de vrai !

- Mais... ça fait combien de temps que tu ne t'es pas lavé ?!"

Elle termine à peine sa question que nous rigolons tous les trois de plus belle ! Nous ne nous attendions pas à une question si... pratique ? Ok, mon hygiène n'est pas des meilleures en temps de survie et de fuite, mais je dois reconnaître que je n'avais pas pensé au bien être de cette clé au contact de mes attributs. Elle n'a de cesse de me surprendre ! Et ce ton léger m'aide à relativiser sur tout ce que nous nous sommes dit un peu plus tôt.

"Je compte sur vous pour ne surtout pas en parler. Même si je commence à comprendre les motivations de Gabriel, je ne lui fais pas confiance pour autant. 

- Moi non plus. Me répond Angie

- Ouais, moi non plus. Renchérit Dan.

- Faites-moi la promesse de ne pas en parler, à personne d'autre que l'un de nous trois. Ok ?

- Promis !

- Ces dossiers contiennent toutes les réponses à tout cela. J'aimerais quand-même partager ces informations avec Gabriel, mais je dois vraiment voir si un bon rapport peut s'établir entre nous. Il est le seul qui pourra véritablement nous aider, le seul de notre côté. 

- Tu oublies New Shelter, Raph. Me rétorque Angie.

- Oublie ça ! Lui répond Dan aussitôt.

- Pourquoi donc ?

- Eh bien, il se trouve que les mecs comme toi et moi, ils les butent, là-bas. Donc nous ne pourrons pas trouver de l'aide à New Shelter. 

- Tu oublies ma capacité, Dan. Je peux y rentrer. 

- Attendez, les garçons ! Ça me donne idée ! Si nous y allons ensemble, toi et moi, Raph, et si on retrouve mon copain, on pourra faire changer la donne, tu ne crois pas ?

- Je ne sais pas si ce sera possible, Angie, je ne contrôle pas cette capacité. Du moins, pas véritablement. Dans l'asile, j'ai réussi car j'étais mort de trouille... mais là, me sachant plus en sécurité, aussi relative soit-elle, et entouré, je ne sais pas comment activer ce truc. D'autant plus que jusqu'ici, lorsque j'avais peur, mes yeux se mettaient à briller de plus belle, non ? 

- Ouais, et ça c'est un problème. A la moindre difficulté, tu risquerais de te trahir. Et ma capacité ne servirait à rien pour vous aider, je n'ai de contrôle uniquement sur les zonzons. 

- Angie, ton idée me paraît un bon début de plan ! Cela nous permettrait de gagner la confiance de Gabriel. On pourrait s'infiltrer pour lui. On récolterait un maximum d'infos et je t'aiderais à trouver ton copain. Il ne nous reste qu'à convaincre Gabriel.

- A me convaincre de quoi, exactement ?"

Nous étions tellement pris dans notre conversation que je n'avais pas remarqué la présence du chef. Sa question me surprit, mais dans l'euphorie, je lui expose notre plan. A mesure que je lui explique, je prends conscience à quel point il est insensé, voire suicidaire pour moi. Mais c'est l'unique occasion que j'aurais de prouver ce que je vaux réellement.

"Cette idée me plaît bien... En fait, nous préparons une expédition pour New Shelter, mais vous venez de me fournir le chaînon manquant à notre stratégie. C'est bien beau de s'y rendre, mais sur place, non seulement ça aurait été impénétrable, mais en plus ils nous auraient tous descendus ! D'un côté, l'optimisé infiltré, et de l'autre, les amants maudits enfin réunis ! Je n'aurais pas pu rêver mieux ! Finalement, ton arrivée n'est pas une si mauvaise chose, Raphaël.

- Oh, je suis plein de surprises, vous savez. 

- Je le sais peut-être mieux que toi-même... Et j'aimerais qu'on laisse tomber les formalités. J'ai pas soixante ans, s'il te plaît !

- D'accord ! D'accord ! Mais dès que cette expédition est terminée, tu me montres mon dossier...

- Bien sûr, ça va de soi ! Il ne nous reste plus qu'à préparer tout ça ! Avec l'attaque du labo de Madder et ton petit coup de nettoyage, il doit être fou de rage, et nous ne disposons plus de beaucoup de temps... Du coup, il va falloir que tu mobilises le peu de temps qu'il te reste avant le départ à perfectionner ton optimisation ! Ton petit gars a fait un travail monstrueux en moins d'une journée. Allez, au boulot !"

Sur ces mots, Gabriel s'éclipse, l'air visiblement très satisfait. Je tique sur sa dernière phrase : une journée. Je suis donc resté inconscient toute une journée ? Je n'arrive pas vraiment à y croire, puis je repense à la question d'Angie, et je me dis : bon sang, tout ce temps inconscient, avec une clé USB coincée entre les jambes, et je ne me suis pas lavé depuis un moment. Je souris bêtement, mais cela me fait prendre conscience que j'ai horriblement faim, je me sens sale, et j'ai très mal à la tête. 

Daniel et Angelica semblent très optimistes et l'idée d'un plan structuré, dangereux et surtout réalisable les galvanise. J'ai du mal à partager leur enthousiasme, car je vais devoir encore fournir de nombreux efforts, avec ma vie en jeu... mais surtout, une question commence à sérieusement se former dans mon esprit : à quoi bon faire tout cela ? 



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