37. Les conséquences.

48 11 4
                                    

Mon esprit bloque. Je refuse de croire ce qui est écrit. Mais je n'ai pas le choix. A la lecture de mon nom associé à la mention "patient zéro", une intense douleur s'empare de moi. J'ai à peine le temps d'être choqué que mon esprit s'active. Et la violence avec laquelle le processus se met en route est inouïe : je ne tiens plus debout, je n'entends plus rien, tout ce qui est autour de moi s'évanouit pour laisser place à un voile blanc. Je perds tout contrôle, et trente années de souvenirs, d'informations, se télescopent dans ma tête, et dans mon corps. Cela est trop pour moi, et je sombre dans l'inconscience...

... Je reviens à moi, quelques instants seulement... Plusieurs personnes m'entourent, parlent et s'agitent... mais je ne comprends rien, je n'entends rien... Ma tête me fait horriblement mal... puis c'est le noir...

... Et ça recommence...

... Jusqu'à ce que je reprenne connaissance. De tous les retours à la conscience, celui-ci est de loin le plus douloureux que j'ai jamais vécu. Maintenant, tout est revenu, je sais qui je suis vraiment, et plus rien ne sera jamais pareil.

Je me sens horriblement mal, tant moralement que physiquement. La tête me tourne, tant et si bien que la nausée s'empare de moi. Je me penche pour vomir et réalise que je suis solidement attaché à une chaise. Je ne peux réfréner le reflux gastrique et me libère de toute la bile présente dans mon estomac. Je n'ai pas d'autre choix que de me vomir sur l'épaule.

"Alors, ça y est. Tu es revenu...

- Gabriel ! Qu'est-ce que c'est que ce cirque ?! Pourquoi je suis attaché ?!

- Tu le sais bien, Chambers. Tout ceci, toute cette merde, c'est ta faute. Tant que tu n'avais pas recouvré la mémoire, tu avais le bénéfice du doute, mais là... On ne peut pas prendre le risque de te laisser en liberté.

- Mais c'est n'importe quoi !!! Je...

- Tu vas déjà commencer par répondre à mes questions. Me coupe sèchement Gabriel.

- Tout ce que tu voudras, mais détache-moi !

- Oh non !... On va commencer par le plus évident : étais-tu vraiment le patient zéro, Chambers ?

- Oui ! Mais...

- C'est donc toi qui as provoqué tout ce merdier, tu en es à l'origine ?

- Oui, mais c'est pas...

- Chambers... Tu n'as plus qu'à prier pour que les documents de Madder jouent en ta faveur. Il va falloir du temps à tout le monde pour digérer cela. J'espère que tu comprends pourquoi je fais ça. Je ne peux prendre aucun risque. Aucun. Et maintenant que j'ai la confirmation de ta bouche, qui me dit que tes intentions ne sont pas mauvaises ? Qui me dit que tu n'es pas le même que Madder ?

- Eh bien commence par me poser les bonnes questions ! Je l'implore.

- Non, Chambers, ça ne fonctionne pas comme ça... Qui me dit que tu n'es pas un putain de psychopathe manipulateur ? Le mensonge, tout le monde peut le maîtriser, tu sais... Surtout lorsqu'un sait qu'elle est ton optimisation...

- L'adaptation...

- Ouais, l'adaptation. Donc, ne nous en veux pas, mais je te l'avais dit, ça va être compliqué pour toi. Et nous ne pouvons prendre aucun risque. Nous avons déjà accusé trop de pertes.

- Mais Gabr...

- Repose-toi, Chambers. Les prochaines heures vont être probablement les plus difficiles de toute ta vie... Faire face à ses actions... Quelle plaie..."

Il ne daigne pas me regarder et quitte la pièce. Il avait l'air si triste, et si déçu. Comme s'il s'attendait à ce que je lui réponde que non, je n'avais jamais rien eu à voir avec tout cela, que c'était un coup monté de la part de Madder. Mais ce n'était pas le cas. Tout était vrai.

Mais c'est tellement injuste. Une seule phrase sur un vulgaire bout de papier, et me voilà l'ennemi numéro un. Alors des flashs se forment dans mon esprit, et des souvenirs s'imposent à moi... Une maison... Un laboratoire... Des amis... Un chien... Une femme... Un bébé... Alors les larmes coulent. Et cette fois-ci, elles ne me soulagent pas. A chaque nouvelle goutte saline, chaude, mon cœur se glace un peu plus. Je prends conscience de l'horreur de la situation, de tout ce que j'ai perdu, et de tout le mal que j'ai fait.

Je pensais avoir vécu des événements horribles. Nous avons frôlé tellement de fois la mort en si peu de temps. Mais en fait, tout cela, sans moi, il n'y aurait jamais rien eu. Le poids de la culpabilité se fait d'un coup affreusement ressentir. Et pourtant, ils sont si loin de connaître la vérité ! Et je ne peux rien leur dire, car ils ne sont pas encore prêts à l'entendre.

La colère s'empare de moi à mesure que je prends conscience de toute cette situation. Rien n'était dû au hasard, tout cela avait été méticuleusement orchestré : il a fallu que je passe par toutes ces atrocités pour comprendre.

Angelica venait de pénétrer dans la pièce, et je ne m'en étais pas rendu compte. Pantelant, je tente de lui faire face, mais la rage et la culpabilité m'empêchent de soutenir son regard.

"Sans toi, Raphaël, je serais encore auprès de mes parents. Sans toi, Raphaël, l'homme que j'aimais ne serait jamais parti et ne serait pas devenu ce monstre... Sans toi, Raphaël, je serais encore auprès d'eux, et ils seraient revenus à la vie... Sans toi, je n'aurais pas frôlé la mort de nombreuses fois... Je ne peux pas croire que tout cela, oui, tout ça, c'est uniquement à cause de toi."

Elle m'attrape le visage, d'une main, sans ménagement, et me fixe avec une haine que je ne lui connais pas, et me murmure :

"Alors maintenant, tu vas sortir de nos vie et nous laisser tranquilles pour de bon."

La porte claque derrière elle. Je l'ai mérité. En quelque sorte. Toute cette mascarade est injuste, mais je comprends leur réaction. Si maintenant, même Angie me tourne le dos, alors je n'ai plus de raison de me battre. J'ai tout perdu de ma vie passé. J'ai fait basculer le monde dans le chaos. Et maintenant, je continue à tout détruire autour de moi.

Alors désormais, c'est terminé. Je vais sortir de leur vie et les laisser tranquilles pour de bon.

Premium.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant