15. Dédale et dangers.

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La tâche s'annonce compliquée : le bureau de Madder contient deux entrées, une par l'intérieur du bâtiment, et l'autre, un accès direct par un escalier extérieur. Je ne sais même pas pourquoi nous avons cru possible de passer par l'extérieur... J'ai bien pensé à voler le passe-partout du gardien, mais vous vous doutez bien qu'un accès aussi direct ne peut pas s'ouvrir aussi facilement ! Madder est très certainement le seul à posséder la clé de cette entrée. Nous allons devoir passer par l'intérieur et prendre beaucoup de risques...

"Allez, nous sommes déjà mort une fois, une de plus ou une de moins... Lance Dan.

- Sauf que nous sommes toujours autant mortel, hein, et de ce que j'ai pu voir jusqu'ici, nous ne retournerons pas une deuxième fois à l'état zombie...

- C'est bon, le rabat-joie ! Laisse-moi minimiser nos risques de mourir un instant !"

Cet élan d'ironie de la part de Daniel me fait relativiser : il a réussi à calmer ses angoisses ; il semble plus disposé à exécuter le plan que moi. Je me laisse contaminer par son optimisme improvisé, nous échangeons un regard lourd de sens, dans lequel on pouvait lire "allez, c'est parti, bonne chance à nous". Sa main me retient. 

"Si des zombies nous foncent dessus, je tenterais de les contenir, mais s'ils sont intelligents comme dans l'autre bâtiment, il faudra que tu sois sur tes gardes. Je te laisse les humains et les premium. 

- Ok, une fois sortis, il faudra que tu m'expliques ça... Sois prudent et ne me quitte pas, peu importe ce qu'il se passe ! Je lui réponds.

- Non, TOI ne me quitte pas..."

Il conclut cet échange sur un sourire complice. Ce garçon est un vrai mystère... Le pire, c'est qu'il était plus probable que je ne survive pas sans lui que l'inverse. Je prends une profonde inspiration, et je le suis. Nous passons la porte, et la chance nous sourit à nouveau : personne ne se trouve à l'accueil, nous pouvons donc emprunter les escaliers sans attirer l'attention. Dan me demande pourquoi les escaliers et pas un ascenseur ? Eh bien, pour la simple raison qu'il doit certainement y avoir plus de probabilités de croiser du personnel entre deux étages que par les escaliers. Bien sûr, cela n'exclut pas non plus de tomber sur une personne ou deux, mais elles seront plus facilement neutralisables. 

Comme pour contredire mes propos, alors que nous nous engageons dans l'escalier, trois individus descendent et tombent nez à nez avec nous. La panique s'empare instantanément de moi. Dan me jette un regard rapide, puis je vois ses yeux s'illuminer du rouge incandescent que je lui connais bien désormais, puis, comme par magie, les trois individus qui sont en vérité des zombies, s'immobilisent. Nous en profitons pour continuer notre chemin...

Décidément, ce don me fascine autant qu'il me surprend : comment fait-il ? Pourquoi n'en suis-je pas capable ? Madder a-t-il quelque chose à voir avec ceci ? Ces questions me motivent à trouver son bureau rapidement, mais Daniel s'est arrêté, et me regarde avec un air inquiet.

"Raphaël... ton... ton visage.

- Quoi ? Que se passe-t-il ? 

- Eh bien, tes yeux sont redevenus totalement normaux, et tu as... tu as de la barbe !

- Arrête, on n'a pas le temps de..."

Et, je ne peux pas terminer ma phrase alors que je passe instinctivement la main sur ma joue. Il a raison : une barbe de quelques centimètres recouvre mon visage... Mais merde ! C'est quoi ce bordel ?!! Il y a quelques minutes encore, j'avais une peau de bébé, et maintenant je suis barbu ?! A cet instant, comme si l'on venait de me mettra un énorme coup de batte de baseball sur la tête, je réalise à quel point je ne sais rien du tout, et ce constat me frustre. 

Plus déterminé que jamais, j'ajoute à l'attention de Dan qu'on verra ça une fois dehors et que nous devons presser le pas, ce à quoi il répond à l'affirmative. J'essaie de ne pas perdre contenance mais tout cela me laisse perplexe. Et cette perplexité va s'intensifiant lorsque nous arrivons à l'étage supposé du bureau de Madder : devant nous, un véritable labyrinthe ! Une succession de couloirs avec aucune indication. Nous n'avons pas d'autre choix que de nous orienter avec le plan... Je retrouve mon sang froid après un coup d'œil rapide car je me rends compte que le chemin d'accès n'est pas si compliqué...

Enfin, il ne l'aurait pas été si les pièces du couloirs n'étaient pas toutes équipées de vitres nous exposant directement ! La tâche s'annonce ardue, finalement. Un bref coup d'œil nous permet de constater que certaines pièces sont occupées, d'autres non. Heureusement pour nous, il semblerait que les mouvements d'une pièce à l'autre soient limités, voire qu'il n'y en ait tout simplement pas. Nous échangeons un regard inquiet, puis nous nous lançons dans ce périple à quatre pattes car les gardes ne sont pas censés patrouiller en temps normal à cet étage, ni à cette heure, en l'absence de Madder. 

Tout se passe très bien jusqu'à ce qu'un laborantin sorte d'une salle de recherche. Il ne s'agit pas d'un zombie, Dan ne pouvait rien faire. La scène est brève : l'homme, qui ne s'attendait à tomber nez à nez avec deux personnes à quatre pattes, n'a pas le temps d'alerter qui que ce soit. Mon instinct prend le dessus, et commande à mon corps de lui tirer les jambes de toutes ses forces. Dans sa chute, l'homme se cogne la tête et finit assommé. 

Le bureau de Madder n'est plus très loin, nous avons encore un croisement à passer, puis il se trouve sur la gauche. 

"Merde, Raphaël, on fait quoi ?

- Doucement, calme-toi !... Tu vas continuer normalement, jusqu'au bureau, il se trouve juste là-bas, sur la gauche. Tiens, prends les clés. Une fois que tu y es, tu t'y enfermes, et je te rejoins, je m'occupe de lui... Allez, fonce !"

Daniel s'exécute, non sans appréhension. Quant à moi, je prends le risque de me relever pour voir la salle dans laquelle se trouvait le laborantin avant de nous tomber dessus. Mince, d'autres personnes s'y trouvent, très affairées, heureusement, mais je ne peux l'y traîner. Je commence à paniquer, alors je prends une inspiration, puis je reviens à la raison. 

Je m'assure que l'homme ne saigne pas... Non, c'est bon. Imaginez, ça ne serait pas ma veine, du sang sur le sol, côté discrétion, ce serait raté !... Je prends un risque inconsidéré et je me relève, puis je l'attrape par les pieds et commence à le traîner dans la direction du bureau du scientifique en chef. Je tente de rester le plus incliné possible, mais l'homme inconscient est un poids mort, et je dois forcer sur mes jambes, ainsi, je n'ai d'autre choix que de sacrifier la discrétion à la rapidité. 

J'atteins la porte du bureau sans mauvaise surprise, Daniel a eu le bon réflexe de fermer à clé derrière lui. Je n'ai pas le temps de toquer que la porte s'ouvre aussitôt. Je m'engouffre à l'intérieur, puis il referme aussi vite qu'il a ouvert. Nous venions enfin d'atteindre notre but. 

Et toutes les réponses à mes interrogations m'attendent là, à portée de main.

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