VII.

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Janvier 1941.

« Mon amour,

Attendre le moment où je pourrais à nouveau sentir tes lèvres sur les miennes c'est comme courir vers un endroit qui n'existerait pas. Te quitter c'est un suicide moral, je suis constamment suspendu au bord d'une falaise et je prie pour tenir une minute de plus, une heure de plus, un jour de plus. Je donnerais une vie pour retourner en arrière et revivre la soirée où j'ai dû t'abandonner. Je donnerais une vie pour me punir de ne pas avoir retenu ton corps avec assez d'attention lorsqu'il était en ma possession. « Sous le nom d'amour, on peut comprendre toutes les passions expansives qui portent l'homme hors de lui-même, lui créent un but, des objets supérieurs à sa vie propre, le font comme exister dans autrui, ou pour autrui. »

Hier, en m'accoudant à la nouvelle tranchée fraichement creusée dans laquelle nous nous sommes à nouveau cachés comme des rats, j'ai observé les étoiles. Même elles me nargue, hors de toute cette violence. Si seulement le monde entier pouvait t'observer à travers mes yeux, il n'existerait nul humain te voulant du mal. Si seulement ils me croyaient, ils seraient tous aussi amoureux de toi que je ne peux l'être. Je sens que la fin arrive si vite, être loin de toi c'est comme rêver d'un ange et ne pouvoir le toucher. L'interdit qui nous excitait autre fois m'inquiète désormais.

Si c'est vraiment la fin de ce monde, si nous nous écrasons tous les uns les autres j'aimerais que cette stupide lettre subsiste. J'aurais aimé t'écrire avec des mots parfaits, des mots neufs et choisis comme une petite fille choisis des fleurs pour un bouquet. J'aurais aimé t'offrir une vie Bill... Mais une vie incroyable. Si incroyable que même toi tu n'aurais pu l'imaginer. Nous aurions respiré de la vie de l'autre. Respirer à l'oxygène de nos soupirs mutuels. Car tôt ou tard c'est terminé, alors j'aurais aimé garder chacun des précieux moments au creux de ma poitrine, les enfermés dans une petite cage dont j'aurais caché profondément la clé. Les enrouler dans de la soie et les déposer doucement dans mon cœur démunis.

J'aurais aimé t'aimer comme un couple marié s'aime, j'aurais aimé t'emmener sur le parvis de cette église et te faire miens face à leurs yeux fouineurs. J'aurais aimé baiser tes mains et tes cheveux et te murmurer en litanie à quel point tu peux être beau nu au clair de lune. J'aurais aimé descendre ton peignoir sur tes épaules blanche encore un peu. J'aurais aimé partir sur tous les continents et t'y embrasser partout, pour que tu saches. Oh Bill j'aurais tant aimé que tu saches. J'aurais aimé te dire toutes ces paroles veines sinon de vive voix, j'aurais aimé caresser tes pensées et comprendre ton visage.

Je ne peux te promettre qu'il n'y aurait jamais eu de casse, mais je peux te promettre que jamais pour rien au monde mon ange je ne me serais enfuis loin de toi. Comme si mes yeux ces traitres avaient pu désirer autre corps, autre pensée, autre esprit autre amoureux. Ils prient tous pour une fin heureuse, pour une gloire, une vie, un amour éternel. Mais mon amour mon Trésor nous avons tout gagné. Elle est là, notre putain de belle histoire. Notre tragédie notre entité, la légende de nous deux, l'accomplissement de ma vie est là.

Alors je peux mourir, j'aurais connu le Paradis avant même que le glas n'est sonné. J'aurais connu la chaleur d'un corps aimant et les lèvres prises d'une passion démesurées, j'aurais connu Bill, mon Bill mon aimé, j'aurais connu tout ce que le monde aurait pu me donner de meilleur.

Conserve cette lettre, c'est peut-être la dernière Trésor.

Je n'ai plus de nouvelles de France, mais évite à tout prix de m'en fournir. Cette liaison devient dangereuse, et je ne veux pas te mettre en danger. Malgré tout je te protège et t'aime, oh Bill je t'aime plus qu'un homme n'est en mesure d'aimer, je t'aime avec le cœur d'un enfant et la raison des plus grands écrivains, je t'aime avec les yeux d'un artiste et te désire de tout mon être.

Je t'attendrai.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant