25 août 1944.
- Papa ! Papa ! Il fait beau ! On peut aller dehors ?
Tom lisait son journal dans son fauteuil, le temps que la crème qu'il venait d'appliquer sur sa blessure de guerre ne pénètre correctement. Il releva les yeux du texte qu'il était entrain de lire, et fixa la fillette, non sans une certaine pointe d'énervement.
- Tu es supposée faire la sieste, Solange.
- Mais Papa je veux sortiiiir.
- J'ai dit non." refusa catégoriquement le jeune homme, lui ordonnant de se recoucher.
La petite vit alors que ça n'était même pas la peine de protester. Elle se recoucha alors dans sa petite étagère, qui deviendrait bientôt trop petite, et recouvrit son petit corps de ses draps. Elle boudait. D'habitude, quand elle n'arrive pas à dormir, Tom la laisse jouer dehors. D'habitude, Tom est gentil. Là, elle trouvait son papa très méchant. Alors pour appuyer un peu plus son mécontentement, elle se tourna face au mur, et dos au plus vieux, qui lui ne fit même pas attention à la machination de la rouquine. Ça lui passerait, pensait-il.
Le calme étant retombé dans la pièce, Tom décida d'aller remplir sa pipe. Il soupira, se disant que s'il arrêtait de fumer, ça lui ferait de l'argent en plus pour manger. Mais il ne pouvait pas. Cette herbe était devenu son moyen de survie face à toute cette mascarade qu'était son existence. Elle l'aidait à supporter Solange qui parfois l'exaspérait, bien qu'il l'aime énormément. Elle l'aidait à attendre un retour inespéré, celui de Bill. Il remplit correctement sa pipe, la culpabilité l'attaquant, puis alla ouvrir la fenêtre, pour fumer sans trop nuire à la santé de sa princesse. Et comme à chaque fois qu'il se retrouvait seul avec une pipe en bouche, ou une cigarette en main, il en arrivait à penser à des choses futiles et stupides, mais surtout il pensait à Bill. Son Bill, celui qui lui manquait tant. Et si...Et s'il était mort, au final ? Ce n'était pas possible, pensait le coeur, mais le cerveau savait très bien que si.
Bill pourrait très bien être mort, comme enfermé à l'autre bout du monde. Il pourrait être partout et nulle part à la fois, et c'était justement ça qui achevait Tom. Il l'attendait infiniment, et commençait de plus en plus à croire qu'il ne le reverrait jamais. Parfois, il pensait à Solange, à l'instabilité psychologique qui la guettait avec l'absence de ses deux parents – oui, il pensait beaucoup à ses choses là – et à son cruel manque d'argent. Il ne pouvait pas reprendre le travail, sa jambe l'empêchant de rester dans une même position trop longtemps. Il se disait aussi que, pour toutes ces raisons-là, il ferait mieux de se marier à une jeune femme de bonne famille, qui voudrait bien de lui et sa jambe en charpie, flanqué d'une gamine de cinq ou six ans aussi rousse que Tom était brun. Le mariage règlerait beaucoup de choses. Il pourrait baptiser la petite pour qu'elle ne soit pas en danger, il pourrait donner l'illusion de la jolie petite famille heureuse même malgré la guerre. Il avait maintenant 26 ans, et sa vie devenait un désastre. Il avait perdu ceux qu'il aimait, l'amour de sa vie avait disparu sans plus jamais donner aucune nouvelle, il était complètement fauché, aussi pauvre que n'importe quel habitant de rues de Paris, et en plus, il devait s'occuper d'une enfant en bas-âge qui ne saurait peut-être pas se débrouiller, s'il lui arrivait quelque chose. Tom soupira. Il s'emmêlait dans cet ouragan, ce tourbillon de catastrophes, il sombrait sans réussir à s'en sortir. Et dès qu'il trouvait une branche, un morceau de rocher à quoi se raccrocher, quelque chose l'attirait résolument et indéniablement vers le fond du gouffre. Le brun n'en pouvait plus. Il continuait de penser sans que ça ne lui serve à rien, il s'enfonçait dans les souvenirs, ce genre de souvenirs dont il vaut mieux ne pas se rappeler trop souvent. Une pensée le traversa d'un seul coup comme une tempête, et Tom blêmit.
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Je t'attendrai.
RomanceSeconde Guerre Mondiale. Un souffle d'amour dans un océan de haine.