Je t'attendrai.

XXXIV.

Je te fais mien. Cette phrase résonnait inlassablement dans sa tête. Il s'en souvenait si bien, elle voulait tout dire. Tout. Elle dissimulait tant de choses. Derrière ces quelques mots, toute une histoire. Leur histoire. Depuis le commencement, et jusqu'à la fin. Leur histoire phrase par phrase, ligne par ligne, cachée dans quatre ridicules mots. Quand ils y repensaient, les choses étaient bien différentes, avant. Ils vivaient différemment, agissaient différemment. Mais cette existence-là était révolue, et chacun commençait doucement à le comprendre. Ils comprenaient, aussi longtemps que cela prenne. Ils comprenaient, et commençaient à aller de l'avant, avec leur vécu, avec ces années de guerre où leurs vies s'étaient arrêtées, brusquement mises en supsens. Il fallait qu'ils avancent maintenant. La porte d'une vie meilleure était ouverte, ils n'avaient plus qu'à la pousser et y entrer. C'était pourtant si simple, qu'est-ce qui les en empêchait ? Eux-même n'en avaient sûrement aucune idée.

Les barrières qu'ils s'imposaient n'étaient sans doute pas compréhensibles. Elles étaient juste là, parce qu'ils les avaient créées. Eux seuls peuvent revenir en arrière, franchir ces limites. Cela demandait néanmoins une estime de soi et un courage conséquent. Dans la vie, tout n'était pas si simple. Bill était lové dans les bras de Tom, après une nuit douce et câline passée l'un contre l'autre, dans le silence de l'amour qui se réinstalle peu à peu, créant un cocon autour d'eux, opaque et chaleureux. Tom laissait ses doigts se promener le long des bras nu de son homme, le griffant délicatement des ongles au passage, ce qui avait le don de faire frissonner le plus jeune de tout son être. La chaleur qui émanait de leurs corps se mélangeait avec la fraîcheur de la chambre dûe à cette fenêtre ouverte depuis la veille au soir. Les jours étaient chauds à cette période de l'année, et tous profitaient de la nuit pour rafraîchir les maisons où la température était souvent trop élevée pour être agréable. La chaleur qui les englobait n'était au contraire pas désagréable, et jamais insurmontable. Les deux hommes se sentaient toujours bien l'un contre l'autre, comme dans un parfait équilibre. Ils aimaient souvent s'abandonner quelques instants à l'autre comme ils le faisaient actuellement, en passant quelques minutes, quelques heures de plus partiellement recouverts par les draps légers, dévorés et rassurés par la chaleur de l'autre. Bill avait également le loisir de sentir contre son front la fine barbe de son homme lorsqu'il déposait ses lèvres à sa peau. Cette barbe qu'il n'avait jamais eue auparavant, mais qui pourtant le rendait encore bien plus séduisant. Le plus jeune s'accrochait fermement à son bras inutilisé, comme s'il avait peur que Tom s'en aille. Il passa lui aussi une main distraite dans le creux de son cou, et remonta doucement jusqu'à son front, où il joua un instant avec ses cheveux, avant de poser sa main plus franchement à même la peau du plus vieux, fronçant les sourcils. Tom se réjouissait simplement que Bill devienne de plus en plus entreprenant, et fasse les choses un peu plus de lui-même, tandis que celui-ci s'inquiétait déjà plus que de raison pour son aimé.

- Tu es brûlant Tom. Tu es sûr que ça va ?

En effet, le brun se sentait étrangement faible, et était entré dans un état léthargique, dû à la douleur. C'était comme s'il avait mal quelque part, mais qu'il était tant habitué à cette douleur qu'il ne la ressentait plus, qu'il se l'était approprié. Pourtant, dès qu'il bougeait un peu, elle se faisait plus virulente, plus douloureuse encore, et l'aurait fait hurler, s'il ne s'était pas un peu retenu. Il sourit à son homme, bien que fiévreux, et lui caressa affectueusement l'épaule, alors que Bill s'était déjà redressé, en proie aux démons qui tiraillaient son vis-à-vis.

- Ça va Bill. J'ai juste besoin de repos. Et j'ai un peu chaud aussi.

- La fenêtre est déjà ouverte. Je peux peut-être t'amener un linge mouillé pour faire baisser ta fièvre ?