chapitre 5

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Au bout d'un certain temps, je commence à fredonner des paroles en faisant des mini pas de danse. Je finis de mettre le dernier oreiller, quand la porte s'ouvre lentement sur une femme blonde, des yeux bleus sans vie avec un visage tiré par le stress et la fatigue. Je vous présente ma mère, une femme portant des robes strictes à cause de son travail d'avocate et qui passe plus de temps derrière son bureau qu'avec sa fille ou sa maison.

- Éteint cette musique de sauvage, veux-tu ? me dit-elle d'un mouvement de poignet sans me regarder.

Musique de sauvage... Voilà comment voit ma mère les adolescents d'aujourd'hui, elle qui n'a que 37 ans. Pour elle, nous ne sommes que des vauriens qui causent des dégâts partout où ils vont, qui taguent les bâtiments, qui sortent une insulte dans chaque phrase prononcé et j'en passe et des meilleurs.

Je me retourne et vais éteindre avant qu'elle ne s'énerve. Je la rejoints dans la cuisine où elle boit son café et m'assois devant elle.

-Alors... Le boulot a été bien ? demandai-je avec hésitation.

-S'il te plait, ne me pose pas trop de questions, j'ai la tête comme un ballon, grimace-t-elle. Je ne sais même pas comment tu fais pour écouter une pareille musique à fond dans cette maison sans avoir mal à la tête aussi. Je ne sais pas, tu ne peux pas écouter du classique ?

Elle pose ses yeux sur moi alors que je baisse la tête.

-Tout ne se résume pas qu'au classique, maman, soufflai-je. Le monde évolue, comme la musique.

-Et en parlant d'évoluer, tu as vu les notes que tu ramènes ? dit-elle avec dureté. Ton bulletin est un désastre, à tel point que tu fais honte à notre famille, Alya ! Regarde-moi, je suis respectée et je fais obéir les gens en les confrontant à la loi. Et toi ? Tu ne fais rien d'autre que de trainer sur des écrans, écouter cette musique de sauvage et prendre l'école pour un jeu. Qu'est-ce que tu vas devenir plus tard, mmh ?

Je ne réponds rien. Toujours pareil. Rien à changer. Chaque fois qu'elle est de nouveau à la maison, elle me dit que je fais honte à notre famille, que je ne suis bonne à rien... Elle me dit tellement de choses blessantes, que mon pauvre cœur est dorénavant qu'un tas de débris sous ses insultes. Depuis petite, elle ne m'a jamais dit un « félicitation », un « génial », un « merci » ou encore un « Je suis fière de toi ». Non, jamais. Elle ne m'a jamais donné le plaisir d'entendre ses mots tout au long de mon enfance, elle qui est presque jamais là pour moi, qui ne m'a jamais éduqué, laissant la charge aux nounous de le faire. Pour mon père, il s'est barré à mes un an de vie sur cette terre, laissant ma mère plonger dans son travail pour échapper à cette réalité et me laisser de côté. 17 ans que je vis ainsi, et 17 ans que je reste comme une pauvre fille à espérer que sa mère lui dise quelque chose de gentil avec sincérité, pas comme elle le fait devant ses collègues de haut rang.

-Va dans ta chambre et révise au lieu de rester là, ajoute-t-elle en voyant que je ne bouge pas. Et tu as intérêt à bosser pendant que je serai partie.

-Tu repars déjà ?

Bien sûr, qu'est-ce que je me disais ? Elle fait toujours ça. Elle revient à la maison et elle repart toujours vite, comme-ci elle n'était jamais revenue.

-Va dans ta chambre, j'ai dit, hurle-t-elle.

Je baisse la tête et monte dans ma chambre en prenant mon téléphone au passage. Je ferme la porte à clé et reste là, à fixer le sol d'un regard vide d'émotion. J'ai l'air conne dans cette immense chambre, bien trop grande pour moi. Ma mère, gagnant beaucoup d'argent, à acheter cette immense maison lorsque j'étais petite, me laissant comme seul compagnon un simple nounours qui me reste de mon père. Un petit ourson brun qui a connu mes pleurs, mes petites joies insignifiantes, mes rages... Toutes les émotions possibles et inimaginables sauf l'amour. Aucun garçon n'a jamais été là pour me donner un simple sourire ou un geste gentil pour moi. Ils sont juste là, à me regarder de haut en bas avec dégout, à balancer des insultes humiliantes, à s'amuser à me bousculer dans les couloirs ou les escaliers, à me jeter des boules de papiers en me prenant pour une poubelle... Bref, y a de tout. Sauf de l'amour.

Je soupire et me positionne devant le miroir collé sur la porte de mon armoire coulissantes sur les côtés. Je me regarde dans le miroir et une larme coule sur ma joue.

Je comprends pourquoi après tout : je suis plate de forme, je suis moyenne de taille, j'ai la peau un peu bronzée, des yeux bleu clair ... La seule chose que je trouve bien chez moi, se sont mes cheveux, longs, m'arrivant au creux du dos, souples, brillants, qui ne s'emmêlent jamais, lisses. Tout ça de couleur châtain clair et c'est franchement la seule chose que j'aime, sinon je me dégoute moi-même.

Je soupire en essuyant la petite larme pour aller vers mon lit, m'y asseoir et prendre mon carnet pour écrire mes sentiments, transformant ensuite le texte en paroles pour une chanson. Lorsqu'il se fait tard, j'éteins la lumière et me blottis dans mes couvertures pour enfin fermer les yeux.

HIM (Hold Magcon) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant