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Il arrive que l'on ait besoin de parler. Je ne parle pas d'avoir envie de discuter ou besoin de faire de nouvelles rencontres, mais bien d'avoir besoin de parler.
Et ce soir, c'est ce qui m'arrive. J'ai besoin de m'ouvrir,  de parler à quelqu'un de ce qui va et ne va pas, d'une oreille pour m'écouter. Mais cette oreille n'est pas là, je me sens coincée. Soit je ne me sens pas assez proche de la personne, soit elle ne m'écoute pas, soit ce -celle- dont j'ai besoin de parler la mettrait mal à l'aise.

Ceci m'était déjà arrivé par le passé, mais ce soir est différent, plus intense. Parce que quand ça m'était arrivé, je n'en avais pas parlé. Je n'avais pas non plus parlé quand j'avais pété les plombs, ou même après. Et c'est arrivé un nombre incalculable de fois. Et, faute de mots pour évacuer tout ça à cette époque, je le fais aujourd'hui, sur un bout de papier, assise dans la nuit de Manhattan avenue. Une bouteille et un paquet de cigarettes à mes côtés. Comme si tout ce cirque allait compenser un silence qui m'a fait bien plus de mal que je ne le croyais, au fil du temps.

Et me voilà, ce soir, à me confier à un bout de papier parce que par le passé, je ne voulais et ne pouvais pas mettre de mots sur ce que je ressentais après coup, quand je pensais aller mieux. Je ne voulais pas réveiller mes vieux démons. Mais, bien sûr, ceux-ci se réveillaient d'eux-mêmes.

Je jette un coup d'oeil sur le passé, me disant que je suis et étais une foutue conne. J'aurai pu éviter ce soir. Mais ma fierté et mon ego me maîtrisaient, je les écoutais -et je les écoute toujours- et je m'en veux.

J'aurai pu faire mieux.

Je m'allume une cigarette, songeuse. Une addiction pour une autre, c'est comme ça qu'on fonctionne.

- Salut.

Je tourne la tête vers cette voix pour découvrir Riley.

- Bonsoir.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Demande-t-elle, avançant de façon hésitante.

- Je fume, et toi qu'est-ce que tu viens faire là ?

- L'ambiance avait l'air bonne, ironise-t-elle.

Nous sourions légèrement.

- T'en as une pour moi ? Reprend-elle, désignant ma cigarette.

- Sers-toi, dis-je en lui désignant le paquet.

- Merci.

Elle s'assied à côté de moi et prend une cigarette.

- Tu n'as pas réellement répondu à ma question, remarqué-je.

- Quelle perspicacité.

- Et donc ?

- J'avais juste besoin de prendre l'air,  de réfléchir.

- C'est donc dans les ruelles que tu fais ça, toi ?

- Non, répond-elle. Normalement, je marche. C'est ce que je faisais d'ailleurs, puis j'ai vu une silhouette qui m'était familière.

- Ah. Ça va plus avec ta blonde ?

- Quelle blonde ?

- Ben.. Ava.

- C'est pas ma blonde.

- D'après tes posts sur les réseaux pourtant...

- Ça l'est pas, tranche-t-elle fermement.

- Alors l'histoire ne se répète pas totalement..

- C'est toi qui es partie cette fois.

- Parce que tu l'as fait avant.

- Je ne suis pas partie. J'avais juste besoin de me calmer.

- Ce n'est pas ce dont ça avait l'air.

- Je réfléchissais à toi.

- À moi ? Répété-je, interloquée.

- À toi. Tes appels, ton état, ce que je devais faire.

- Pourquoi te demander ce que tu dois faire plutôt que ce que tu veux faire ?

- Parce que ce que je veux faire, ça fait mal.

- ... Partir ? C'est déjà fait, non ?

- C'est plus compliqué.

- Alors qu'est-ce que tu veux faire ?

- ...

- Riley ?

- Plus tard. Et toi, pourquoi tu viens fumer ici avec une bouteille de bière, une feuille et un stylo ? Sans oublier les traits tirés et la mine d'une fille qui va mal.

- Hem... huh...

- Je te demande pas des explications. Je voudrais juste... être là pour toi.

- C'est plus compliqué que ça...

- D'accord, dit-elle en se levant.

Je baisse la tête. J'ai tout foiré.

- Pourquoi n'y a-t-il personne pour écouter Commence-t-elle, pourquoi est-il si compliqué de l'aimer ? Pourquoi est-ce que je n'ai jamais...

- Arrête,  s'il te plaît,  l'interrompé-je. C'est bon, je vais te parler.

- Tu vois, il n'y a pas personne pour t'écouter, affirme-t-elle en s'asseyant de nouveau.

- Mmh. C'est juste que... j'ai besoin de parler, et je me sens coincée parce que soit on ne peut pas m'écouter, soit on ne le veut pas, soit ce serait trop malaisant et je sais pas... dans des instants comme ça, je me sens vraiment seule. J'aime être là pour les autres, mais je me rend compte qu'eux ne peuvent pas l'être pour moi et... c'est égoïste, mais j'aimerai qu'il en soit autrement. Pas pour qu'ils me rendent la pareille, mais parce que j'aurai aimé avoir cette personne à qui je peux parler de tout, sans problème, sans la rendre mal à l'aise et... celle-ci ne semble pas exister pour moi. Alors je ne parle pas, je garde le silence et ça finit par faire tellement mal que j'ai parfois l'impression que c'est juste pas fait pour moi, d'être écoutée. Parce que quand quelqu'un le peut, je ne veux pas lui parler, et quand j'en ai besoin personne ne peut. C'est comme un cercle vicieux et tu me manques et...

Elle m'interrompt en posant ses lèvres sur les miennes, je ne comprends pas, mais je me laisse faire. Parce que j'en avais tellement envie, ça m'avait tellement manqué. Bon sang, est-ce je serais toujours aussi folle d'elle ? Je ne me sens plus seule, parce qu'elle est là et je me sens de nouveau bien. C'est fou, cet effet qu'elle a sur moi.

- Voilà quelles sont mes envies, dit-elle en coupant court à notre baiser. D'effacer ces derniers mois, et qu'on puisse redevenir un tout. Parce que, merde, tu me manques. J'aurai pas pensé mettre des mots sur ça, mais je crois bien que je t'aime ma pauvre.

- On est dans la merde alors, parce que je crois que c'est réciproque.

Elle sourit, puis je l'embrasse, jetant au loin tous nos problèmes quelques instants.

Cute, jealous and bad. [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant