Quarante-quatrième Partie

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  ‹‹ Et j'ai encore gagné !, m'écrie je en jetant un huit de pique sur le tas de cartes posé près de la pioche. Tu es vraiment nul aux cartes toi.

  - Oh tais-toi un peu Walpole !, me lance Willem. Le jeu de cartes, c'est bien la chose à laquelle tu me bats.

  - Ah vraiment ?, questionne je, devenant malicieuse. J'aurais cru que j'étais beaucoup plus performante que toi dans autre chose...

  - Je ne vois pas du tout de quoi tu parles ! ››, répond t il en rassemblant les cartes, sans me quitter des yeux.

  Cela fait un peu plus de trois semaines que Willem et moi sommes ensemble. On vit, comme on dirait, " une histoire d'adolescents ". Des sentiments forts naissent lentement mais sûrement entre nous, nous menant doucement à un vrai amour.

  Au fil du temps, des conversations s'installent, la présence de l'autre est indispensable et les choses se font naturellement entre nous. Être ensemble est devenu plus qu'une nécessité, je me surprend même à avoir des attitudes et pensées trop romantiques.

  Je me redresse de ma position et plante un regard profond dans celui de Willem. Ses orbes ombrageuses me captivent toujours autant, elles renferment tellement de choses que j'aurais adoré connaître par coeur. Pourtant, je sais que même si je me suis consciemment livré à lui, il y a encore un long chemin à parcourir avant que je ne réussisse complètement à posséder sa confiance.

  " C'est dans la nature d'un policier de se méfier ! ", pense je.

  Le sourire que Willem affiche en ce moment me fait revenir à la réalité. Il vient de remporter notre défi quotidien. Encore.

  Il y a très peu de temps que nous avons ensemble instauré une sorte de jeu entre nous. Ça consiste à se regarder dans les yeux un long moment et le premier à se laisser perdre par le regard de l'autre a perdu. Et j'ai perdu.

  ‹‹ Toi aussi, tu es vraiment nulle à ce jeu ! ››, commente il en m'imitant.

  Son sourire s'élargit lorsqu'il remarque que je n'ai encore rien trouvé à lui répondre et ses faucettes se creusent inlassablement dans ses joues. Presque inconsciemment, mes lèvres s'apprête à être mordues par mes dents. Mais je me ravise aussitôt. Je ne vais pas lui faire ce plaisir.

  ‹‹ Peut être, finis je par répondre en haussant les épaules. Mais je suis bien plus douée dans autre chose.

  - Comme quoi ? J'aimerais bien le savoir Walpole. ››, fait il.

  Je souris d'une manière malicieuse puis je me relève du sol et l'approche, provocatrice. À sa hauteur, — c'est-à-dire de l'autre côté de la table basse qui nous séparait tantôt où il est assis par terre — je le regarde avec un regard de braise, traduisant le désir qui m'anime en cet instant. Willem, toujours assis par terre, me fixe également, statique, comme si mon message visuel ne l'atteignait pas. Toutefois, je sais qu'il cache la vérité derrière ce masque. Un masque assez semblable à celui que je portait il n'y a pas plus d'un mois encore.

  Voyant que mon approche à distance ne fonctionne pas, je m'abaisse à son niveau et avance mon visage du sien le plus possible pour que nos souffles puissent se mêler. Je sens alors un doux frisson parcourir mon corps entier. L'effet qu'il me fait est toujours intense.

  Je le vois hésiter, se retenir, lutter. Alors j'intensifie mon regard en l'accentuant d'un sourire en coin. J'adore voir autant d'émotions passer dans son regard, j'adore voir que je lui fait autant d'effets qu'il m'en fait. J'adore ce jeu.

  Pourtant, quand il approche sa main de mon visage pour replacer une mèche lâche derrière mon oreille, je comprends que ce jeu n'est plus sous mon contrôle. Il n'est tout simplement plus un jeu à présent.

  Sa main agrippe fermement ma nuque et attire mon visage vers le sien. Mais au bon instant, je réussis à me dégager de lui et articule, la gorge sèche :

  ‹‹ Tu remarque ici que tu ne peux pas me résister, Gendhord ! ››

  Je finis à peine ma phrase que Willem plaque ses lèvres contre les miennes. Une vague de chaleur envahit mon corps qui perd le contrôle face à ce baiser. Je m'y abandonne, passant doucement mes mains autour de son cou, plantant mes doigts dans ses cheveux, mordillant chaque parcelle de ses lèvres, me cambrant quand ses doigts effleurent mon dos.

  Je m'en veux. Je m'en veux d'être aussi faible face à lui, d'avoir aussi peu de volonté. Il me contrôle entièrement. Il suffit qu'il me le demande et je m'exécute. Cette marque de faiblesse me rend beaucoup trop vulnérable, je suis à découvert. Je ne devrais pas mais... Je m'en fiche finalement, qu'il me tienne dans sa paume ou pas, parce qu'avec lui, je me sens bien. Je me sens pleine et heureuse. Avec lui, je n'ai pas peur d'être. Avec lui, j'ai un peu moins la mort de mes parents sur la conscience. Avec lui, je me permet de m'ouvrir complètement.

  Avec lui, je suis... La " moi " intérieure qui me hurle son droit de sortir, qui me hurle qu'elle est encore présente et qui réclame sa place.

  La sonnerie d'un téléphone nous tire de nos ébats et, par la même occasion, de mes pensées. Nous nous séparons, frustrés, la braise chauffant encore nos corps.

  Reconnaissant ma sonnerie, je prends nonchalamment mon téléphone et regarde le numéro qui s'y affiche. Je soupire et dit :

  ‹‹ C'était bien beau cet épisode de " 50 nuances de Grey ", mais je crois qu'on va changer de chaîne et visionner une longue série de " Police in the street ". ››

  Willem explosa d'un fin rire à ma blague — qui n'avait réellement rien d'amusant pour moi — avant que je ne réponde à l'appel :

  ‹‹ Allô, Francis ?

  – C'est pas trop tôt Walpole ! On a besoin de toi dans l'immédiat. Une affaire urgente.

  – Quoi, tout de suite ?, questionne je, au comble de la lassitude.

  – Non, maintenant ! Allez dépêche, on a vraiment besoin de toi.

  – D'accord... Je...

  – Ah au fait, t'aurais pas vu l'agent Gendhord ?

  – Euh..., dis je en lançant un coup d'oeil à Willem. Je pense que je sais où le trouver...

  – Très bien, qu'il vienne également ! ››

  Et il raccroche.

  " Okay, génial ! Une virée police à 22h. "

DISTINCTS (En Correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant