La Force Uniquement (En pause jusqu'à TROS)

16

Une porte s'ouvrit, ce qui fit sursauter Temiri.

– Viens dans le cockpit, dit Kylo Ren, en s'adressant à Rey.

Elle se tourna vers le petit esclave assis devant elle, et lui sourit avant de se mettre debout.

Dans la cabine de pilotage, Kylo s'était déjà rassis. Il l'invita à s'installer dans le siège voisin d'un geste de la main. Rey ferma la porte puis s'approcha, sans s'assoir toutefois. Mais quand son ravisseur leva les yeux vers elle et la fixa, elle s'exécuta.

Il y eut un long moment où personne ne soufflait mot. Rey croisa les bras puis observa les vagues bleues qui décoraient les tunels de l'hyperespace. Elle ne savait plus ce qu'elle devait faire. Garder le silence ? Coopérer et voir où toute cette histoire la mènerait? Il n'y avait plus rien à faire pour elle ou pour les autres. Probablement qu'ils étaient déjà morts à cette heure-ci.

Cette pensée lui fit monter les larmes aux yeux. Kylo Ren sentit le chagrin de Rey, sans comprendre exactement ce qui l'avait causé. Il prit la parole pour meubler l'atmosphère.

– Quand tu as utilisé la force sur moi, l'autre jour, étais-tu consciente de ce que tu faisais ?

– Quand je t'ai étranglé ? Oui, cracha-t-elle en retenant ses larmes.

– Je ne parlais pas de ça.

Rey se tourna vers lui, et en voyant que toutes ses coupures au visage avaient disparu en moins de deux jours, sauf sa cicatrice évidemment, elle compris.

– Bien sur.

– Vraiment ? Tu pourrais expliquer, dans les moindres détails, ta façon de procéder ?

La Jedi soupira. Non, elle ne le pouvait pas. Quand elle se plongeait dans une transe, nul mot ne pouvait décrire comment elle se sentait.

– Cette capacité s'appelle la guérison de force. Elle permet à son utilisateur d'augmenter la vigueur d'un combattant et —

– D'accélérer considérablement le processus naturel de guérison, finit-il. Je sais. Pourquoi ne l'as-tu pas utilisé sur ta blessure ?

– Sur moi-même, j'en suis incapable. Tout court, je n'y arrive qu'une fois sur deux. Il faudra que je m'exerce.

De nouveau le silence. Mais que signifiait le silence dans leur cas ? Il semblait que depuis leur échange dans la cellule de Rey, ils avaient recommencé à ressentir une connexion qui les liait, comme si leur affrontement l'avait réveillé. Dans ce silence, ils entendaient mutuellement leurs émotions sans pouvoir lire dans l'esprit l'un de l'autre. Rey sentait l'agacement et le mépris de Kylo Ren, tandis que lui sentait le désespoir, la perte, mais pas la peur. Rey n'avait pas peur de lui, et inversement. Malgré tout ce qui s'était passé, il y avait quelque chose de sain dans cette proximité, d'agréable même.

Rey devint soudain nerveuse en s'en rendant compte, et ferma la parenthèse.

– Où tu nous emmènes ?

– Sur Ahch-To.

Rey se tourna pour lui faire face, outrée.

– Non !

– Si. Tu comprendras mon choix lorsque nous y serons.

Les protestations brûlaient les lèvres de la Jedi, mais elle se retint. Elle n'avait pas mot à dire, si ce n'était l'argument de souiller le sanctuaire par une présence si obscène.

En y repensant, toute l'importance de cette planète résidait dans le fait que Luke s'y trouvait. Maintenant, ce n'était rien d'autre qu'une étendue d'eau, parsemée de petites îles peuplées de pacifiques créatures amphibiennes...

Et qui abritait un temple jedi.

Le pilote ne semblait plus lui porter attention, alors Rey se leva pour retourner dans le module principal.

– Reste, dit calmement Kylo. Tu partiras quand je te le dirai. Après tout, si je suis ici avec toi, je ne peux pas lui faire de mal alors il n'a aucunement besoin de ta présence.

– On ne sait jamais. Des tas de malheurs ne requièrent pas une présence physique.

Rey ouvrit la porte.

– Tes amis sont en vie, lança Kylo Ren.

Rey s'immobilisa, pétrifiée par ce qu'elle venait d'entendre.

– Impossible, dit-elle.

La Jedi fit volte-face, puis ordonna au chevalier de se tourner vers elle.

– Regarde-moi, et répète-ça.

Il s'exécuta. Elle le fixa dans les yeux, mais n'y croyait toujours pas.

– Non. J'étais là, je faisais partie du groupe quand Hux nous a condamnés à la peine de mort. Il voulait faire de nous des exemples. Son regard ne trahissait que la haine, j'y lisais que ses oreilles voulaient s'enivrer de nos cris de douleur.

– Tu seras sans doute étonnée d'apprendre qu'il a changé d'idée. Je l'ai été. Mais comme je lui ai confié entièrement le sort des rebelles, sauf exception, il ne s'est pas senti obligé de m'en donner les raisons. Et je n'étais pas curieux de savoir. La destruction et l'humiliation de la résistance sont des causes plus personnelles pour lui qu'elle ne le sont pour moi maintenant que tu es là. T'ai-je déjà menti, Rey ?

Elle avait envie de le croire. L'espoir rafraichissait ses veines. Aussi loin qu'elle se souvenait, Kylo Ren ne lui avait jamais menti, même les fois où il aurait dû.

Mais il y avait cette phrase qui lui passait en travers de la gorge: "La destruction et l'humiliation de la résistance sont des causes plus personnelles pour lui qu'elle ne le sont pour moi maintenant que tu es là". Rey plissa le nez comme si elle humait quelque chose de puant en y réfléchissant. Est-ce qu'il avait fait ce choix de mot dans ce but précis ? La déstabiliser ?

Dans son état, elle ne voulait pas se permettre de lui faire confiance. Il se pouvait très bien qu'il soit capable de cacher habilement son jeu. Peut-être même qu'il le faisait depuis le début.

– On ne sait jamais, dit-elle simplement.

Et contre toute attente, Rey revint s'installer dans le siège du copilote. Kylo lui-même fut surpris, et la tension diminua dans ses trapèzes.

La raison première pour laquelle il fit venir la pilleuse d'épave dans le cockpit était celle qu'il entendait le moindre mot qu'elle disait à Temiri, puisque tout le vaisseau était sur écoute. Déformation de sa paranoïa chronique.

Depuis le début du voyage, elle lui racontait l'histoire de Luke et des Jedi, à quel point ils étaient sages et puissants. Évidemment, elle ne mentionnait pas les détails plus sombres, plus repoussants. Elle lui peignait un portrait tout rose d'un ordre aux multiples facettes, et cette hypocrisie le rendait malade. Les enseignements jedi l'avaient complètement dépouillée de son discernement d'autrefois. Quand il en eut assez d'entendre ce charabia, il les avait séparés.

***

Sur l'île de l'ancien temple, les gardiennes se contentaient de vivre comme bon leur semblait depuis qu'elles n'avaient plus rien à protéger. Ce soir-là, quatre d'entre elles mangeaient sur une terrasse à la belle étoile, en se racontant des histoires hilarantes. On aurait pu entendre leur rire jusqu'à Coruscant si on tendait l'oreille.

Pourtant, à un moment, l'une d'elles eut une sensation de peur qui la fit frissonner. Ce ne fut pas long que toutes se mirent à se fixer entre elles, inquiètes.

Ces créatures avaient un certain lien avec la force. Certes, tous les êtres vivants en possédaient un, mais celui-ci était plus profond, sans toutefois être du calibre de celui d'un Jedi.

– C'est une noirceur, dit l'une d'elle dans leur langue. Je sens une noirceur, mes sœurs.

– Oui, nous aussi, confirma la plus vieille. Mais ... Une lumière fait contrepoid. Le sentez-vous ?

Au même moment, un vaisseau bondit de l'hyperespace, signalant sa présence par un bruit étouffé. Elles levèrent les yeux au ciel, et virent la forme sombre qui descendait vers l'île.

Les gardiennes ne prirent pas de chance : elles éteignirent toutes les torches, et allèrent se cacher dans leurs maisons de pierres respectives.