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Rey, assise par terre dans la grotte de la mosaïque du Primer Jedi, tenait le manche d'un sabre laser dans ses mains. Ce n'était pas le sien. Elle le faisait tourner entre ses doigts, en l'observant attentivement.

En face d'elle était assis, dans la même position, le jeune homme qu'elle avait rencontré dans sa cellule sur le Finalizer.

– Je l'ai vu. M. Skywalker...

– Appelle-moi Anakin.

– Anakin. J'ai vu Ben Solo. Je ne sais pas pourquoi, mais c'était comme si je le connaissais. Je veux dire, c'est comme si je l'avais connu, avant... J'ai eu l'impression de revoir un vieil ami qui m'avait tant manqué. Cette sensation de proximité, je la ressens depuis le jour où nous avons été mis en contact par Snoke pour la première fois. Pourtant, nous ne sommes pas si proches. Nous ne l'avons jamais été.

– Parfois, deux personnes se rapprochent sans vraiment le vouloir. Votre connexion existait bien avant que Snoke ne s'en rende compte et la renforce. Elle était faible, et c'est surement pour ça que tu ne t'en rendais pas compte, mais bien là. Vous étiez unis comme ennemis attitrés.

– Comment pouvez-vous le savoir ?

– Quand nous ne faisons qu'un avec la force, il n'y a plus de temps, plus de frontière. La force sait tout et est témoin de tout. Donc, d'une certaine manière, j'ai accès à beaucoup de choses. Mais la plupart du temps, il m'est impossible de changer le cours des évènements. Je ne peux que me matérialiser de temps en temps.

Rey fit tourner le sabre, l'embout face à elle. Ses yeux se fermèrent lentement, puis elle baissa la tête pour appuyer son front contre l'arme. Elle inspira profondément, l'odeur du métal pénétrant ses narines. Son cœur était vide, et elle ressentait la fatigue de la peur lui retomber sur les épaules.

Elle était prise dans quelque chose de si grand... et elle souhaita ne jamais avoir été dotée de son don. Elle aurait voulu simplement rencontrer Finn, s'échapper de la base Starkiller puis vivre une vie incertaine, mais qui a du sens en tant que pilote au sein de la résistance.

Et c'était plus ou moins ce qui lui était arrivé.

Mais il y avait la force.

La force qu'elle tentait de comprendre sans jamais réussir à la cerner.

La force qui fait ce qu'elle veut quand elle veut, y compris vous lier à votre ennemi mortel.

La force qu'elle ne pouvait même pas ignorer, à cause des visions. On aurait même pu la comparer à un enfant qui lui criait à tout moment : « Rey, viens ici ! Rey, regarde ça ! »

La force qui l'écrasait comme une malédiction.

– Pourquoi me parler à moi et non à Ben ? Dans ma situation, je ne peux rien faire de plus. Je ne suis personne.

– Et alors ? Je suis un enfant d'esclave sans géniteur de Tatooine, une des planètes les plus paumées de la galaxie, et j'ai pourtant semé une jolie pagaille.

– Je suis certaine que Tatooine ne sera jamais pire que Jakku. Et puis, Ben est votre petit fils, non ?

– Ben ne m'entend pas. Lorsqu'il me regarde, il ne voit que Vador, et je ne peux rien y changer. Pour lui, Anakin Skywaker n'est qu'un vieux mensonge raconté par ses parents pour lui cacher la vérité de la noirceur qui l'habite. Il ne connait pas le regret que j'éprouve. Il ne sait pas que mon fils m'a sauvé avant ma mort.

« Sauvé ». Sans savoir pourquoi, ce mot répandit un gout amer dans la bouche de Rey.

–Et puis, c'est faux que tu ne peux rien faire de plus, ajouta-t-il.

La Jedi se releva en fronçant les sourcils, et lorsqu'elle regarda autour d'elle, il n'y avait plus personne.

Comme un rêve, pensa-t-elle. Mais avec la force, il lui était maintenant difficile de différencier les rêves et la réalité.

Rey décida de recommencer à examiner le sabre. Elle voulut comprendre pourquoi il crépitait, faute de mieux pour se changer les idées. Temiri était dehors à calquer les mouvements qu'il avait observés le matin, avec un bâton. C'est que malgré tout, cet affrontement l'avait grandement inspiré.

L'arme se mit à léviter devant Rey. Elle se concentra pour visualiser chaque partie de l'engin afin d'en dessiner les plans dans sa tête. Puis elle l'attrapa subitement pour commencer à le démonter, pièce par pièce, s'aidant de la force pour remplacer les outils qui lui manquaient. Cela s'avéra une tâche ardue. Les deux soleils montrèrent leurs derniers éclats avant de disparaitre, et ce n'est que tard dans la nuit qu'elle parvint à extraire le cristal rouge.

Dès qu'elle lui toucha, elle sentit l'âme de toutes les personnes dont il avait servi à prendre la vie.

Des dizaines d'innocents. Han Solo.

Ses lèvres se crispèrent, mais elle ne pouvait le lâcher malgré sa douleur à la poitrine et ses larmes qui ruisselaient, parce qu'elle voyait autre chose.

Il avait tué des hommes cruels. Et pas une fois il n'avait été joyeux face à la mort. Il tuait facilement, mais sans jamais ressentir d'accomplissement suite à son acte. Seulement un démon de plus à ignorer, écraser.

Voyait-elle le passé du cristal ou celui de son propriétaire ? C'était devenu flou tout à coup.

Le minerai était empli de haine, de peur, de souffrance, à un tel point qu'il s'en était fendu. Les petites craques étaient clairement visibles. Voilà pourquoi la lame crépitait. En y pensant, c'était plutôt évident.

Souffrir pour fuir la souffrance. Combattre le feu par le feu. La poésie du non-sens.

– Pourquoi... murmura-t-elle tristement.

– Pourquoi quoi ?

Rey sursauta en entendant cette voix grave et froide qui se répercuta contre les murs de pierre. Kylo Ren et son imposante silhouette se tenaient dans le halo de lumière que dessinait l'entrée de la grotte.

– Je vais prendre ça, dit-il.

Toutes les pièces de sabre étalées au sol bondirent vers sa main tendue, et le cristal s'arracha des doigts de la Jedi. En moins de trente secondes, l'arme fut reconstruite et accrochée à la ceinture de son propriétaire. Cela piqua quelque peu l'orgueil de Rey, mais après tout, il l'avait lui-même conçu.

Kylo Ren disparut aussi vite qu'il était apparu. Rey en resta interdite, presque déçue de ne pas avoir eu droit à une interaction, négative ou positive, peu importait. Son cœur était vide, et elle voulait ressentir quelque chose.

Il avait raison. Les enseignements Jedi semblaient l'avoir dépouillée de son optimisme et de bien d'autres choses, la laissant dénudée lors des coups dures. Ou était-ce sa naïveté qui l'avais enfin quittée ? De toute manières, elle se rendait invariablement compte des changements maintenant.

Quelques minutes plus tard, le jeune padawan rejoignit son maître. Il vint s'assoir auprès d'elle puis examina un bleu qu'il s'était fait au coude. Rey ne bougea pas un cil.

Finalement, Temiri demanda :

– J'ai une question.

– Vas-y.

– Est-ce mal si... je commence à apprécier Ren ?

Rey leva sur lui un regard interrogateur, mais pas surpris ni blessé. Temiri n'était visiblement pas un gamin rancunier, et peut-être était-ce une bonne chose pour éviter de se construire des murs. Elle prononça la seule chose qui lui vint à l'esprit, le plus simplement possible.

– La haine mène au côté obscur. Alors, j'imagine que non.

La Force Uniquement (En pause jusqu'à TROS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant