Thème : Dans les profondeurs.
« Et quelle est votre relation avec votre mère ? »
Le jeune homme ne releva pas la tête. Il avait attendu cette question, il l'avait sentie arriver. Pourtant, il ne put ni retenir un ricanement amer, ni s'empêcher de lever les yeux au plafond. Bien entendu. Sa mère. Fallait-il qu'on associe tous les problèmes du monde au complexe d'Œdipe ? Parce que c'était bien ça dont il s'agissait, non ? Sa relation avec sa mère ? Rien d'extraordinaire. Ou si peu. Une mère normale, imparfaite comme toutes les mères du monde le sont, mais pas catastrophique. Elle avait fait de son mieux pour ressembler au modèle qu'on lui proposait : « La maman parfaite ne crie pas, n'oublie jamais de laver le linge sale et de maintenir sa maison propre même en faisant des horaires improbables, ne boit qu'occasionnellement. La maman parfaite est toujours disponible pour ses enfants, les écoute, leur prépare des tartes aux pommes et des goûters d'anniversaire. ». Ouais, de son mieux. Comme tous les autres parents. Non ? Bien sûr, à l'adolescence, il avait été en colère. Il lui avait reproché des trucs, des conneries, mais, avec le temps, il avait compris. Les parents ne peuvent pas être parfaits. C'est ce qu'il pensait, lui, en tout cas, qu'il ne pouvait pas juger. Pas la blâmer. Il n'avait pas eu la même vie, lui. C'était plus simple, de naître, non ? Plus simple que de donner la vie. Moins douloureux.
Moins douloureux ?Peut-être pas, enfin, il ne savait pas trop. Il n'était pas père. Et son sexe faisait qu'il ne serait jamais mère. Enfin, probablement pas, oui, le genre, tout ça, il savait. Pas la peine de lui faire un discours. Il se sentait bien dans son corps d'homme, c'était tout. Enfin, il pensait. Il s'était bien dit, quelque fois, qu'il aurait aimé passer une journée dans le corps d'une femme. Pourquoi faire ? Bah, euh, pour voir. Voir ce qui changeait. Probablement se toucher les seins. Vérifier si ça fait le même effet. Se masturber, aussi, parce qu'on lui avait dit que l'orgasme féminin était ouf. C'est ce qu'on lui avait dit, hein. Baiser, aussi, pardon, faire l'amour. Enfin, est-ce que coucher avec le premier venu, c'était « faire l'amour » ? Non, c'était « baiser ». Comme si, en une journée dans un corps de femme, il allait avoir le temps de trouver le prince charmant. Il, enfin, elle -lui devenu elle- en chopperait un pas trop mal, pas trop con aussi, ou alors le mec de son ex. Ouais, c'était grisant : il, pardon, elle niquerait avec le nouveau mec de son ex. Ce n'est pas qu'elle lui avait fait mal. Enfin, si. Si. Putain. C'était pas nécessaire d'y revenir, merde. Il en avait tellement chialé qu'il avait cru devenir tout sec. C'était sûrement vrai. Les larmes de son cœur avaient imprégné un chemisier oublié et, quand l'organe avait été sec, il avait brûlé le vêtement. Son préféré. Il lui allait bien, il le lui avait dit plusieurs fois. Quand elle mettait son soutif rouge, en dessous. Ça le rendait fou, elle était tellement belle. Alors, en regardant la fringue cramer, il l'avait imaginée dedans. Voilà, il l'avait brûlée de sa colère et de sa haine.
Mais était-ce vraiment de la haine ?
Oui. Non. Merde, c'était trop compliqué. En fait, il ne l'aimait pas tant que ça. Enfin, il n'était pas amoureux, quoi, juste qu'il l'aimait beaucoup. Il s'était mis avec parce que... parce qu'elle avait un cul... Puis, elle était drôle. Et mignonne, avec ça. Pas conne, mais très naïve. Ça la rendait adorable et attachante. Quand elle souriait, ses taches de rousseur dansaient sur son nez et ses joues comme dansent les étoiles dans un ciel de campagne. Et ses yeux pétillaient encore plus que le champagne. A lui, ça lui faisait comme un souffle chaud sur le cœur, quand elle souriait. En fait, il était heureux de la voir sourire, même si c'était à un autre. Mais il la détestait de l'avoir laissé, comme un con. Trahi ? Ouais. Trahi. Nan. Abandonné. C'était comme son père. Comme quoi, homme ou femme, même combat. Tous des lâcheurs. Laisser ceux qu'on aime dans son dos, c'est pas vraiment les aimer, non ? Son départ avait été horrible. Surtout pour sa mère. Lui, il était trop jeune, c'était flou. Mais il se souvenait trop bien de ses questions, de ses hurlements pour réclamer « papa », des pleurs de sa mère. Elle était courageuse, sa mère, il l'admirait. Vraiment. Elle avait été tellement courageuse. Ouais, sa mère était la plus belle et la plus courageuse femme du monde.
« Je vois... »Texte de Zaiphir (des nouvelles du même type à retrouver ici https://www.wattpad.com/story/145129697-jolies-petites-histoires)
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Chrono Challenge
Cerita PendekMalgré un titre qui peut prêter à confusion, il s'agit bien d'un recueil de nouvelles, pas d'un challenge, puisqu'elles ont été écrites au préalable et dans un cadre autre que celui de Wattpad. Ce livre répertorie les nouvelles écrites par les membr...