Texte 6

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Thème : Au cœur de la tempête.


Rina retomba sur ses pieds avec un bruit sourd. Elle sentait tout son corps lui brûler et lui faire mal, mais elle n'allait certainement pas donner à Carl ce qu'il voulait. Ha, ça, non. Elle aurait sa revanche sur lui. Il était hors de question qu'elle croise son petit regard moqueur qui lui traduisait une pensée du genre « Oh, qu'elle est mignonne ! ». Rina n'était PAS mignonne. Point barre.

Il se tenait sur le banc de bois, au bord du terrain d'entraînement. Il était trop loin pour qu'elle distingue ses traits, mais elle aurait pu parier qu'il la toisait avec ce sourire narquois dont il avait le secret.

Quel enfoiré.

Perdue dans ses glorieuses insultes, elle manqua de se prendre un pied dans la face qu'elle intercepta au dernier moment. Pas maintenant. Se dit-elle. Il lui fallait de la concentration si elle voulait s'épargner les sourires de Carl.

Elle s'empressa de faire mordre la poussière à son adversaire et lorsqu'elle se redressa, sonnée, il était déjà derrière elle.

- Joli coup.

- Tu ne te fiches pas de moi, cette fois ?

- Vu ce qui t'attend, je préfère te complimenter qu'autre chose.

Bien sûr. Maintenant, il la prenait en pitié. Mais quel connard, sérieusement. Elle ne savait même pas pourquoi elle s'embarassait encore avec lui. Peut-être parce qu'il était le seul à bien vouloir tenter quelque chose avec elle. Peut-être parce qu'il avait beau l'énerver, mais il ne l'avait jamais considérée comme une cause perdue.

Parce que pour lui, elle n'était pas un cause perdue. Ca valait bien qu'elle le supporte, non ?

- Demain, cours de tir, ma belle.

- Je ne suis pas ta belle.

- Tu diras ça à qui voudra bien le croire. Même ton reflet n'entend plus ce que tu as à lui dire.

Elle baissa la tête, blessée. Alors qu'elle marchait en silence à ses coté vers sa voiture, elle entoura son corps de ses bras, comme pour se protéger d'un prédateur qui n'était autre qu'elle-même.

- Rina.

Carl était sérieux à mort. Posté devant sa voiture, il la détailla de haut en bas, s'attardant peut-être sur les côtes saillantes sous les vêtements, ou sur la peau tuméfiée sous l'œil.

- Ne les laisse pas te faire plus que ça.

- Tu diras ça à mon reflet. Je crois qu'il ne t'écoutera pas plus que moi, Carl.

Les yeux noirs de son instructeur semblaient percer ses défenses comme un marteau-piqueur. Persistants, invasifs. Dérangeants.

- Carl, je vais bien.

- Rina, appelle-moi, cette fois. Ce n'est pas quelque chose dont tu peux te sortir de cette manière.

Elle acquiesca en silence, sachant pertinemment qu'elle ne l'appellerait pas. Elle avait d'autres noms à hurler lorsqu'elle rentrait le soir. Il n'avait pas à en devenir l'un d'entre eux.

La porte écarlate de la maison presque en ruines semblait la narguer. L'ouvrirait-elle, ou alors s'enfuirait-elle, comme elle l'avait fait pour rejoindre Carl et les autres tout à l'heure ? Rina n'était pas du style à refuser un défi.

Elle ouvrit la porte tel un ouragan, manquant de la faire sortir de ses gonds. Et malgré toute son assurance, le silence pesant faisait monter en elle une tornade de sentiments contradictoires. De l'espoir, de la peur. De l'angoisse mêlée à du soulagement.

Chrono ChallengeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant