Texte 8

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Thème : Sous les feux de la Lune

Ça commence par une légère boule au creux de ta poitrine. Qui t'enserre, t'étouffe au fur et à mesure qu'elle grossit. Te fait suffoquer et t'oblige à t'allonger quelques instants. Tu maîtrises ta respiration. Tes yeux sont fixés et sans but, vides et tu te replies entièrement sur toi-même pour éviter le contact avec cette réalité qui fait si mal. Tu ne sais pas si tu es resté là des minutes ou des heures, mais tu te rends compte qu'au bout d'un moment tu commences à respirer mieux. Et la tu te crispes. C'est la seconde phase, après l'angoisse, la colère. Tes poings se serrent, formant des traces de demi-lune sur tes paumes. Tu as mal aux dents comme si elles étaient sur le point de se briser tellement il y a de la pression. Puis tu te lèves d'un coup. Tu commences par frapper les murs, les meubles, casser le verre qui contenait ta bière en le jetant au travers de la pièce. Tu t'arrêtes fixe devant ta guitare. Et la voix, lointaine, comme un écho de conscience parmi l'éclat de ta rage, te fait dire que tu y tiens trop. Alors tu lâches un cri et tu t'enfuies dans la nuit, courant le plus vite possible comme pour fuir tes démons. Tu connais le chemin par coeur. Tu y vas à chaque crise. Tu craches tes poumons sous l'effort de la course mais la souffrance te fait du bien. Ça t'évite de te faire du mal d'une autre façon. L'air frais te donne des frissons, choc thermique avec les brûlures de ton corps, et tu maudis cette enveloppe physique qui te fait ressentir tant de choses. Tu arrives au bord de la falaise qui surplombe la mer. Le paysage est magnifique, les calmes vagues et le vent doux contrastent avec la tornade que tu amènes avec toi. La Lune presque pleine te fait voir chaque détail comme en plein jour. Mais tout ça tu t'en fiches. Tu trébuches car tu es à bout de forces, tu tombes et roules jusqu'au bord du vide. Triste métaphore de ta vie qui vole en éclats. Tu restes là, immobile, essayant de retrouver ton souffles dans cet air gelé qui t'arrache l'intérieur. Le chaud et le froid se livrent une bataille acharnée dans ton propre coeur, t'infligeant la douleur supplémentaire de monde extérieur. Sur le dos, suffoquant à nouveau, tes yeux se posent sur les étoiles et la Lune qui se retrouve pile en face de toi. Tu la regardes longtemps pour calmer ta respiration. Sa lumière t'hypnotise. Après quelques minutes qui semblent n'avoir jamais commencées, tu lâches un énorme cri, essayant de sortir toute la rage de ton corps. Tu sors tout jusqu'à ce que l'air te manque et tu recommences. La rage s'évacue de toi et tu la diriges vers la Lune qui est la mais qui ne t'aide pas. De toute façon, personne ne t'aide jamais. Tu n'es qu'une âme en peine perdue dans un océan indifférent, s'écoulant sur les autres sans jamais pouvoir t'y accrocher. Tu te relèves pour former des cris plus profonds, tu te prends le vent en pleine face, le reflet de l'astre blanc sur la mer t'aveugle presque. Puis tu tombes à genoux, et tu te rends compte que la cause de l'aveuglement sont les reflets de lumière sur tes larmes. Elles ne cessent de couler, aussi vives que le torrent des fontes des neiges, et tu hais ça. Tu détestes ta faiblesse. Tu détestes tes sentiments. Tu voudrais pouvoir arracher ton coeur de ta poitrine et l'écraser de tes propres mains pour ne plus jamais avoir à le sentir. Tu détestes tout ce que tu es, et tu regrettes. Tu regrettes d'avoir provoqué ça. En t'ouvrant à la seule personne que tu n'as jamais aimée. Et qui t'a poignardé jusqu'au plus profond de ton être. Debrah. Ce nom sonne comme un goût amer qui pollue ton être à chaque fois que tu y penses. Alors qu'avant tu t'imprégnais de tout ce qu'elle était... Elle qui t'a laissé tomber, t'a arraché ton bonheur sans même avoir pitié... Elle a provoqué la haine qui te hante et le mal qui t'habite. Telle la flèche empoisonnée qui se loge en ton sein, elle a su parfaitement t'atteindre et te contaminer. Tu l'as laissée faire, parce que ça te plaisait. Parce que tu l'aimais. Maintenant, tu es détruit. Brisé. Et tu n'arrives plus à rassembler les pièces de ton âme éparpillée. Las, tu lèves la tête vers la Lune. Tes cheveux noirs glissent le long de ton visage, mouillés par tes larmes qui les ont noyées. Tu n'as plus de force. Reclu sur toi-même, tu te mets à penser. Elle adorait tes cheveux. Elle passait toujours ses mains dedans, comme un tendre geste de la lumière vers le noir de la nuit. Ton aspect sombre lui plaisait. Alors tu veux chercher à détruire ça. Devant ce paysage endormi, tu prends la Lune à témoin : ce dernier lien avec elle, tu vas le supprimer. Ils deviendront rouges. Rouges comme le sang qui brûle ton corps, comme la douleur et la colère, comme la souffrance dans tes veines. Rouges comme la passion qui t'a dévoré jusqu'à t'achever. Et sur cette décision, tu te relèves. Tu ne seras plus jamais le même.


Texte de Keiiro

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