Sa vie en tant que femme mariée était aux antipodes de ce qu'elle espérait. Une perte d'illusion, c'est ce qu'avait suscitée son ménage. Beaucoup de choses se sont passées après cette fameuse nuit. Saoudou endurait enfin les péripéties du mariage.
Quand ses tantes l'ont déposée dans la maison familiale de son époux, Saoudou était dans tous ses états, limite si elle n'avait piqué une crise. Mais ceci fut de courte durée car Abass ne l'avait pas suivi dans ses caprices.
Il avait gentiment demandé aux tantes de sa femme de reprendre la route car il pouvait bien s'occuper de sa femme et que sa mère était là au cas où Saoudou aurait besoin de la présence d'une femme à ses côtés. Et comme prévu Astou Mbacké Diaw, communément appelée Adjia Astou s'est bien occupée de sa belle-fille après que son fils ait fait d'elle une femme. La mère de famille avait usé du beurre de karité pour lui faire un massage. Abass a été doux mais n'empêche elle avait le corps endolori.
A temps normal, elle aurait rechigné à l'idée que sa belle-mère la touche mais elle avait beaucoup trop mal pour protester. Ses belle-soeurs étaient venues pour la saluer mais Saoudou a préféré faire semblant de dormir. Abass savait pertinemment qu'elle n'avait même pas sommeil mais il s'était retenu ne voulant pas que sa famille s'aperçoive dès le premier jour qu'il a épousé une bourgeoise pourri-gâtée.
Dans la soirée, Saoudou vit son mari se diriger vers l'armoire tel un éclair. Elle voulut se lever pour lui demander ce qui se passait mais son corps ne l'obeissait pas.
_ Chérie, je dois me rendre immédiatement à Dakar. Je ne sais pas combien de jours je vais durer là-bas mais je serais là dès que possible.
Saoudou s'appuya sur le lit pour s'assoir et lui faire face.
_ Kone yow wero ?
_ Pardon ?
_ Mani est-ce-que t'es seul dans ta tête ? Tu m'amènes ici dans cette maison où la population dépasse largement celle de la chine et tu oses repartir sans moi. Tu sais bien que je ne vais pas rester ici, je viendrai avec toi que tu le veuilles ou non.
Abass rangea calmement quelques habits dans sa petite valise avant de venir prendre place à côté d'elle. Elle releva son manteau et ils se firent face.
_ Saoudou Faye, je ne sais qui mais toi tu me connais très bien. Tu sais que je ne suis pas un de ses hommes qui se font manquer de respect par leurs femmes. En m'épousant tu as épousé tous les gens de cette maison, mes parents mes deux frères et leurs femmes, mes soeurs et mes neveux, et même les moutons et les chèvres. Tu me rejoindras à Dakar quand je l'aurais décidé, mais d'ici là tu vas vivre avec eux et je ne me répéterai pas. Soit tu les respectes soit ils t'apprendront à les respecter. Fini la vie de princesse, je veux que tu sois une femme douce et exemplaire. J'ai reçu l'appel de Diegane et il vient de m'informer que Soumaya n'est toujours pas sortie du coma. Il faut que j'y aille, elle a toujours été là pour moi.
_ Même de loin, cette fille ne cessera jamais de me pourrir l'existence. Elle gâche ma lune de miel.
_ SAOUDOU !
Elle sursauta apeurée.
_ Mais c'est quoi ton problème ? Je te parle de ta belle-soeur qui est entre la vie et la mort et toi tu me parles de lune de miel. Tu m'étonnes !
Saoudou roula les yeux comme pour lui montrer qu'elle s'en fiche pas mal de l'état de santé de Soumaya. Abass la fusilla du regard, puis partit sans lui dire aurevoir. Les choses s'annoncent mal pour elle.
Saoudou passait clairement ses journées dans sa chambre. Elle ne descendait jamais pour saluer ses beaux parents, elle préfèrait rester dans l'appartement qu'elle partageait avec Fatou la femme du grand-frère d'Abass et ses deux petits garçons dont leurs cris ne cessaient de la tympaniser. Parfois elle appelait sa mère en pleurnichant. Elle ne voulait ni familiariser avec ses "gens" comme elle aimait les appelés, ni jouer son rôle d'épouse comme il est recommandé par la religion et par la société. Tout ce qu'elle voulait c'était avoir son propre appartement avec son époux, une voiture à sa disposition, une boniche, un chat et un chien méchant à l'entrée.