[Lemon] Surprise, Baby !

Une surprise de taille

                   Qu'est-ce que ça veut dire ? Jade aurait un problème de santé ? Pourquoi elle ne m'en a pas parlé ? Sans perdre plus de temps, je range l'enveloppe dans mon sac et me dirige vers le salon de thé. Il y a beaucoup plus de monde depuis la réouverture. Nous croulons sous les commandes et les compliments des clients. Un article sur notre salon sera publié dans un magazine populaire le mois prochain. Tout à l'air de s'arranger... alors pourquoi je me sens inquiète ?

Durant mes pauses, j'essaie d'obtenir un rendez-vous avec la directrice du Plazza pour avoir une salle le vingt-et-un juin. Jour du mariage de Daniel et de Chloé, et ce n'est pas chose facile. Finalement, ils préfèrent faire une grande fête aux États-Unis et faire quelque chose de simple en France pour la famille, début juin. Apparemment, il y a encore eu des conflits avec ma grand-mère... Soupir. Ce n'est qu'en fin de journée que j'obtiens un rendez-vous pour samedi. Quant au bateau, là encore, c'est compliqué. Je n'y connais absolument rien en organisation de mariage. Et spécialement dans les croisières. Quelle idée d'avoir la folie des grandeurs ! Ce qui me fait penser que je dois penser au design de leur gâteau de mariage. Bon, au moins j'ai déjà le thème : Les Caraïbes et dans le message de Daniel, il ne doit y avoir aucun rapport avec le film de pirates ou encore des couleurs vives. Donc l'orange, le jaune et le rouge ne sont pas les bienvenus. Conclusion, on peut oublier la déco tropicale traditionnelle. Ah ! Peut-être qu'il faudrait d'abord se renseigner pour la croisière ? Nouveau soupir. Je ne m'en sortirai jamais toute seule... Pas le choix, il va falloir que je fasse appel à un wedding planeur. Le souci, c'est que je n'en connais aucun... Ah là là là ! Pourquoi est-ce que c'est à moi d'organiser le mariage de mon frère ? Hormis que je sois son témoin ? Et il faut aussi que je pense à son enterrement de vie de garçon.

- Oye !

- Oh ! C'est marrant, vous avez le même tic de parole que ma sœur quand un problème lui prenait la tête, dit une vieille dame.

- Oui... c'est un tic de famille.

Je relève la tête pour observer mon interlocutrice et... c'est le choc ! Qu'est-ce que Granny fait ici ? Elle a l'air différente. Son visage est plus doux, son corps moins crispé et quelques rides moins prononcées.

- Mademoiselle ? Est-ce que tout va bien ?

- Euh... je... oui. Excusez-moi, cela va vous sembler étrange, mais vous n'auriez pas une sœur jumelle par hasard ?

Un voile de tristesse s'installe sur ses yeux chocolat malgré son sourire. On dirait un coucher de soleil...

- J'ai eu une sœur jumelle, il y a longtemps... Elle a disparu au moment de la guerre. Quand j'y pense, cela va bientôt faire presque soixante ans. Pourtant, l'amour et la douleur sont toujours présents comme au premier jour...

- Je suis désolée... je ne voulais pas...

- Ne vous en faites pas. C'est ma faute. Et je dois vous avouer que pendant un instant, j'ai cru que vous étiez elle, dit-elle en riant. Vos gâteaux sont délicieux, je reviendrai sûrement la semaine prochaine.

- Merci beaucoup et c'est un plaisir de vous revoir dans notre salon de thé.

Avec un dernier sourire chaleureux, la vieille dame s'en va. C'est l'exact opposé de Granny ! C'est difficile à imaginer que ma grand-mère puisse avoir une sœur, qui plus est, jumelle et qu'elle soit aussi gentille. Je dois me ressaisir ! Pas le temps de rêver, nous avons encore beaucoup de clients !

Le soir arrive et je suis épuisée. Nous avons eu du monde jusqu'à la fermeture. En rentrant, je m'attends à trouver mes colocataires mais il n'y a personne. Soudain, le téléphone sonne. Personnellement, je n'ai aucune envie de répondre. À peine installée sur le canapé, Artémis saute sur mes genoux et je commence à la caresser. Le répondeur prend la suite.

« Ma chérie, c'est maman... je pense qu'il est temps que tu arrêtes... Ce n'est pas bon pour ta santé. Si tu continues comme ça... je ne pourrais pas le supporter. Rentre te soigner... il est encore temps que tu vives... ». Fin du message.

Je... je ne sais pas quoi penser. « Il est encore temps que tu vives... » Jade est malade ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Je n'y comprends rien !

Tout à coup, la porte s'ouvre sur Cameron qui est plongé dans ses pensées. Il jette sa veste sur le canapé à côté de moi et remarque l'enveloppe qui dépasse de mon sac. Son visage devient blême.

- Pourquoi as-tu le courrier de Jade dans ton sac ?

- Je l'ai reçu ce matin. Je pensais que c'était pour moi, vu le logo de l'hôpital...

- Tu l'as ouverte ? demande-t-il, nerveux.

- Oui mais...

- Tu n'avais pas le droit ! s'écrit mon ami. Est-ce qu'elle ouvre ton courrier ?!?

- J'ai cru que c'était pour moi ! Et c'est quoi cette histoire ?

- Quelle histoire ?

- Jade est malade ?

- Qui t'as dit ça ?

- Sa mère a téléphoné.

- Ça ne te regarde pas !

- Bien sûr que si ! m'écris-je en me levant du canapé. Jade est mon amie, c'est normal que...

- Tu n'as rien fait pour elle ! Alors ne dis pas qu'elle est ton amie !

Sur ces paroles blessantes, Cameron s'en va dans sa chambre et claque la porte. Blessée dans mon orgueil, je fais de même.

Jusqu'à la fin du mois de mars, nous n'avons pas échangé un mot avec Cameron. Lorsque j'ai vu Jade, je m'en suis pris plein la figure également. Il règne une ambiance glaciale à l'appartement. Je rentre tard pour ne pas les croiser et je pars en avance. Mais à force, je suis en train de tirer sur la corde. Grâce à ma persévérance et à mon acharnement, j'ai pu convaincre la directrice du Plazza de nous louer une salle pour la suite de la réception du mariage. Il y a encore beaucoup de choses à régler mais j'ai déjà bien avancé. Il manque encore les fleurs, la glace, la déco et le bateau. Le wedding planeur que j'ai engagé doit me rappeler pour le bateau. Et je dois encore penser au design du gâteau, sans pour autant négliger mes autres commandes pour les autres mariages. Lors de mes différents rendez-vous, j'ai pu boucler mes délais mais dès qu'il s'agit de mon frère... cela devient compliqué. Toute la journée, je reste dans mon bureau en essayant d'imaginer le gâteau de leur rêve, toutefois, après avoir vu la montagne de papiers près de la corbeille. Je me dis que c'est peine perdue... Cela ne sert à rien de rester ici à ruminer. Il faut que je sorte. Peut-être un tour dans Central Park me changera les idées...

C'était une bonne idée. Je m'assois sous un cerisier en fleur. Oui, cela fait très cliché de manga mais qu'importe. La couleur des fleurs et leur parfum me détendent. Il ne manque plus que Sam pour je puisse ressentir le bonheur...

Sam

Je ne l'ai pas vu depuis des mois. Pourtant, elle est magnifique. Encore plus belle que dans mes souvenirs et la voir sous ce cerisier... J'ai l'impression d'être dans un rêve et que si je m'approche, elle risque de disparaître. Comme une nymphe timide... Ses lunettes glissent sur son nez, ses cheveux sont ondulés par endroit et sa peau semble plus claire que d'ordinaire. Doucement, je m'avance dans sa direction. Le crissement des cailloux sous mes bottes n'est pas des plus discrets, pourtant cela ne la perturbe en rien. Ce n'est qu'en étant à sa hauteur qu'Audrey remarque enfin ma présence.

Au départ, elle n'a aucune réaction. Aurais-je changé tant que ça ? Puis elle ouvre de grands yeux. Je vois bien qu'elle n'y croit pas. Tout en étant sous le choc, Audrey met sa main devant sa bouche. Avec un sourire, je ne peux m'empêcher de prononcer les répliques d'un de ses films préférés en les modifiants légèrement.

- Audrey... c'est moi...

Comme la Belle, ma petite-amie touche le peu de cheveux qu'il me reste, puis caresse mon visage. Non, ma belle. Ce n'est pas un rêve... Je suis bien là, avec toi.

- Oui. C'est toi ! répondit-elle.

D'abord avec délicatesse, nos lèvres se rejoignent pour former un seul et unique baiser. N'y tenant plus, je laisse ma passion s'exprimer, regrettant presque de ne pas être dans un endroit plus intime...