La Fille Et Le Meurtrier

43. Danny

Je reprends enfin conscience. Je suis dans le bureau de Rick. Enfin je crois. En fait, tout est inversé. J'ai l'impression d'être dans une pièce miroir.

-Enfin réveillée Ray ? Tu as pris ton temps.

J'espérais ne plus jamais entendre cette voix.

-Docteur Danny... Vous savez que je ne suis pas enchantée n'est-ce pas ?

-Moi non plus à vrai dire. Mais comme le révérend m'a demandé de garder un œil sur toi, je ne peux pas le décevoir.

Le révérend ? Il parle de Gray ? Ce fou est révérend ?

-Et qu'est-ce que vous allez faire de moi en attendant ? Vous devez mourir d'envie de tester vos méthodes sur moi non ? Comme au bon vieux temps.

Il éclate de rire.

-Non non, certainement pas. Le révérend te veut en vie et en pleine santé. Je ne veux pas le décevoir.

-Vous l'avez déjà dit.

-Je sais. Mais je sais aussi qu'avec toi, il faut répéter les choses souvent, afin qu'elles rentrent !

Je me lève doucement du sol. Je ne suis pas blessée mais j'ai la tête qui tourne.

-Ne te lève pas. Tu risques de perdre trop de sang.

-Quoi ?

-Garde ta tête contre le mur. Tu es blessée.

Il m'aide à me rasseoir et va chercher une gaze pour me l'appliquer derrière la tête.

-Quelle idée de s'évanouir sur des pavés aussi... Regarde-moi cette quantité de sang... On va croire qu'on t'a assassinée...

-C'est votre but de toute façon non ?

De nouveau, il rit.

-Notre but hein ? Non non... Mon but c'est toi Rachel. Ou plutôt tes yeux. Ces magnifiques yeux. Mais ils brillent désormais. Il faut les rendre de nouveau vides et calmes. Comme ils l'étaient à l'origine.

Il approche sa main de ma joue et la caresse doucement.

-Je vais t'aider si tu le souhaites. Je suis sûr que tu réussiras.

-Quelle heure est-il ?

-Il est 18h30. Le révérend ne devrait pas tarder.

Quand on parle du loup... Gray entre dans la pièce.

-Ray ! Je suis content de te revoir.

-Moi pas... Pourrais-je m'en aller ? J'ai un rendez-vous dans un quart d'heure et je ne voudrais pas faire attendre mon ami.

-Tu seras à l'heure, ne t'en fais pas. Je te laisse sortir de suite. Juste le temps de régler ce problème de tête.

Il sort un grand pansement de sa poche et me fait baisser la tête. Quand la gaze tombe au sol, elle est rouge et poisseuse.

-Ce n'est pas très joli.

L'odeur qui m'a fait tomber dans les pommes émane de lui.

-Voilà ! Beaucoup mieux ! Tu peux y aller !

Je me relève, m'étire et sors du bureau. Mais pourquoi m'avoir retenu toute la journée pour rien ?

Franck m'attend devant le portail, regardant fixement le sol pavé.

-Tu sais ce qu'il s'est passé pour qu'il y ait tout ce sang ? On dirait que quelqu'un s'est cogné...

-Oui, une petite est tombée.

-Et qu'est-ce qui est arrivé à ta tête ?

-Une petite est tombée.

-Et tu l'as rattrapée.

Il soupire. Je ne sais pas si c'est parce qu'il sait que je mens ou parce que mon héroïsme l'épuise.

-Viens, allons au lac.

-On ne devrait pas aller à ton cabinet ou un truc du genre ?

-Non, puisque ce n'est pas une consultation, on peut aller où on le souhaite. Mais si tu préfères, on va au cabinet.

-Non, le lac me va.

Il me fait monter dans sa voiture et conduit tranquillement jusqu'au lac. Zack est assis au bord, regardant l'eau sans rien dire.

-J'ai ramené ta demoiselle, fait Franck tout content.

Zack reste silencieux. Il continue de contempler l'eau, complètement immobile. Je m'assois à ses côtés et admire l'étendue d'eau tranquille.

-Tu sens le sang. Tu es blessée, déclare-t-il sans me regarder.

-Mais je ne suis pas venue me plaindre.

-Je ne peux pas te laisser seule deux minutes sans que tu t'attire des ennuis hein ?

-Tu m'as bien laissée toute seule pendant neuf ans...

Franck s'assoie lui aussi au bord du lac. Plus personne ne parle et seul le bruit discret de l'eau trouble le silence. Zack est le premier à se lever avant de s'adosser à la voiture.

-Bon, vous allez glandé longtemps comme ça ou vous vous décidez à vous lever ? On se les caille ici !

Je ris. Franck se lève à son tour.

-Aller, on rentre. C'est vrai qu'il fait froid.

Je me lève aussi. On monte dans la voiture et retour à la maison. Arthur n'est pas là.

-Encore dans une soirée foireuse...

-Je vais y aller Ray. À bientôt !

Franck s'en va et Zack s'assoie par terre.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé aujourd'hui ?

-Pas grand chose.

Il se relève d'un bond, me prends par les épaules et me plaque contre la porte.

-Dis-moi !

Et on est parti...