Chapitre 27

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Nous descendîmes de la voiture et empruntâmes le petit chemin. Je frappai trois coups, puis nous attendîmes. Au bout de quelques secondes, nous entendîmes le bruit de la serrure et la porte s'ouvrit. L'entrouverture révéla une femme ayant la bonne quarantaine. Cela devait sûrement être la femme de Tony Williams, Margaret.

— Oui ? demanda-t-elle en nous étudiant avec prudence.

— Margaret Williams ? Je suis Alicia Parker et voici mon collègue, Julian Reeder. Nous travaillons pour l'Agence à Boston, précisai-je.

Nous sortîmes nos plaques pour appuyer mes dires et Margaret entrouvrit un peu plus la porte après avoir examiné attentivement nos badges.

— Quelque chose ne va pas ? demanda-t-elle, une expression alarmée se dessinant dans ses yeux.

— Il n'y a aucun problème, madame, la rassurai-je. Vous n'avez aucun souci à vous faire. En fait, nous voulions savoir si nous pouvions parler à votre mari.

— Tony ? Que lui voulez-vous ?

— Pouvons-nous entrer ? lui demandai-je en observant la rue paisible.

— Oh, excusez mes mauvaises manières ! s'exclama-t-elle. Entrez, entrez.

L'entrée de la maison donnait directement dans une grande pièce à vivre où se mêlait une palette de couleurs allant d'un blanc immaculé à un gris assez foncé avec des petites touches de gris clair ici et là. Une cuisine ouverte jouxtait le séjour avec un grand ilot central séparant les deux espaces. Tout était épuré, sobre, mais convivial. D'une certaine façon, une atmosphère de bien-être se dégageait de ce lieu.

— Nous sommes vraiment désolés de venir vous importuner de cette manière, dis-je à Margaret Williams. Si nous avions pu, nous aurions aimé ne pas impliquer votre mari et votre famille avec tout ce que vous avez déjà subi, mais c'est très important.

— L'un de nos agents à Boston est confronté à une situation assez similaire à l'agent Williams, madame, expliqua Julian sans préciser que c'était moi l'agent en question.

— Ex-agent Williams, corrigea Margaret. Mon mari ne fait plus partie de l'Agence depuis ce qu'il lui est arrivé à New York.

— Nous sommes désolés.

— Vous n'y êtes pour rien, nous dit-elle d'un geste de la main. Vous souhaitez donc parler à mon mari de ce qui s'est passé, devina-t-elle.

— Oui, répondis-je. Nous avons juste quelques questions à lui poser.

— Je ne sais pas s'il pourra vous répondre, indiqua-t-elle. Il n'est plus vraiment lui-même depuis et il a beaucoup de moments... d'absence. Il se peut qu'il ne puisse pas vous aider.

— C'est une possibilité que nous avons envisagée, dit Julian, mais nous devons vérifier chaque piste possible et votre mari est l'un des deux survivants à qui nous pouvons encore parler, madame. Nous ne faisons pas ça par gaieté de cœur, croyez-nous, mais il faut que nous mettions fin à ce qui se passe chez nous une bonne fois pour toutes.

Madame Williams nous observa pendant deux secondes avant de fermer les yeux et de lâcher un profond soupir. Elle avait l'air vaincue.

— Je vais vous conduire auprès de lui, nous dit-elle.

Elle se retourna et marcha en direction de la porte de la cuisine. Nous la suivîmes et nous émergeâmes sur une grande terrasse longeant toute la façade de la maison. Elle devait au moins faire une vingtaine de mètres de longueur et cinq bons mètres de largeur. Elle aurait pu faire une pièce à elle toute seule avec le petit salon de jardin présent sur notre droite, vraisemblablement visible depuis la fenêtre de la cuisine, le barbecue imposant juste à côté et les grandes chaises longues situées sur la gauche. En m'avançant légèrement, je vis des escaliers en bois menant vers le jardin et jusqu'à une petite piscine vaguement cachée par des buissons et des parterres de fleurs. Cet endroit exprimait assurément le bien-être et le calme. Je n'aurais pas dit non à quelques jours dans un tel endroit. Tout était silencieux et paisible. Les bois entourant la propriété bloquaient chaque bruit qui aurait pu gêner la tranquillité de ce lieu.

Madame Williams s'avança jusqu'à l'endroit où je me trouvais et admira elle aussi le jardin.

— Il adore rester sur la terrasse, dit-elle sans se retourner. Il peut passer des heures ici sans bouger.

— Que fait-il ? demandai-je.

— Parfois rien. Il regarde les bois ou le ciel depuis sa chaise longue. Quand nos enfants viennent, il passe l'après-midi dans la piscine avec eux. Dans ces moments-là, il s'amuse avec nos enfants alors qu'ils sont bien trop grands pour ça, mais c'est comme s'il avait tout oublié, comme s'il vivait dans le passé. Quoi qu'il en soit, c'est son lieu préféré. Il n'arrive pas à rester enfermé.

— C'est pour cela que vous habitez dans la région ?

Elle hocha la tête.

— Nous avons dû déménager plusieurs fois avant de nous rendre compte qu'il préférait les coins assez isolés. New London est assez petit pour qu'il puisse se balader sans croiser énormément de monde, indiqua Margaret.

— L'isolement le rassure, en déduisis-je.

— Oui, répondit-elle. Nous avons vu plusieurs médecins pour savoir pourquoi, mais aucun d'eux n'a réussi à en connaître la raison. Pour eux, ce n'est pas médical, mais psychologique. Ils pensent que le fait qu'il ait été attaqué en pleine ville, tout en étant entouré par pas mal de personnes, en est la cause. Il se sent rassuré d'être éloigné des grandes villes. Un des médecins nous a expliqué que ce retranchement lui permet de voir le danger se rapprocher. Il peut se préparer à la menace qu'il voit arriver et l'affronter sans qu'il soit confronté à de mauvaises surprises. C'est un système de défense que son cerveau s'est mis à développer peu de temps après les événements à New York, expliqua-t-elle. La plupart du temps, il est le Tony que nous connaissons tous, mais certains jours, il éprouve ces petites crises comme nous les appelons sans que nous sachions pourquoi. C'est ainsi et nous vivons avec.

— Je comprends, dis-je.

Je me tournai vers Julian qui se trouvait à ma gauche et qui observait aussi les environs. Il ne faisait aucun doute qu'il avait entendu les paroles de Margaret et qu'il pensait à notre échange dans la voiture vu qu'il semblait perdu dans ses pensées, son regard fixé au loin et clignant à peine des yeux.

— Tenez, il est au fond de la terrasse, nous dit Margaret en pointant du doigt l'extrémité gauche de la structure en bois.


Je vous donne rendez-vous le week-end prochain pour la suite (je pars quelques jours en vacances la semaine prochaine :)

Et merci à vous d'être présents à chaque chapitre !


Alicia Parker, tome 1 (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant