Chapitre 33

348 57 3
                                    

J'avais demandé à Julian de m'emmener voir les amis de lycée de Johnny. Nous savions que quelques-uns étaient restés dans la région et travaillaient, donc nous nous dirigions vers le lieu de travail de certains d'entre eux pour leur poser quelques questions sur leur ami.

Je n'arrêtai pas de repenser à la sensation que j'avais ressentie tandis que le regard de Johnny se braquait sur moi, m'étudiant sûrement derrière la fenêtre de sa chambre. Même maintenant, alors que nous avions quitté la maison des Peater depuis cinq bonnes minutes, j'avais toujours l'impression de sentir son regard sur moi. Comment un gamin de dix-huit ans pouvait-il me mettre aussi mal à l'aise ? J'avais rencontré des créatures bien plus effrayantes que des mages et je m'étais battue contre elles, mais elles ne m'avaient pas autant donné froid au dos que lui.

— Tu es sûre que ça va, Al ? s'enquit Julian. Tu n'as rien dit depuis qu'on a quitté le domicile des Peater.

— Je pensais à Johnny, répondis-je. Je crois que c'était une bonne chose de rendre visite à cette famille.

— Pourquoi ?

— Je ne pourrais pas t'expliquer pourquoi, car moi-même je n'arrive pas à me l'expliquer, mais il y a quelque chose chez ce gamin qui a attiré mon attention. Quand je t'attendais dehors, j'ai vu Johnny en train de me regarder depuis sa chambre et j'ai eu une drôle d'impression. Et tu as vu son expression lorsqu'il m'a vue dans le salon ? Je ne l'ai jamais croisé avant aujourd'hui et j'ai eu la sensation qu'il avait peur de moi.

— Peut-être que ta réputation te précède ? plaisanta Julian.

— Ah ah. T'es vraiment un petit comique, répliquai-je d'un ton sardonique. (Je jetai un coup d'œil par la vitre de la voiture.) Il faut vraiment qu'on en sache plus sur lui.

— Ne t'inquiète pas, Al, on va parler à ses amis, m'assura Julian. Si ça se trouve, nous avons imaginé cette scène et il a juste du mal à se remettre de la mort de son père.

Je ne croyais pas à ce qu'il disait, et même lui si je considérais son intonation. Nous n'avions rien imaginé du tout. Quelque chose chez lui me troublait. Une partie de mon cerveau n'arrêtait pas de m'envoyer un avertissement, mais je n'arrivais pas à savoir pourquoi.

— On y est, dit Julian en interrompant mes pensées.

Je regardai le bâtiment se trouvant en face de nous. Les deux amis de Johnny, Ryan et Stephen, travaillaient pour une entreprise locale. Malgré l'obtention de leurs diplômes à la fin du lycée, ils avaient préféré entrer dans la vie active et être employés par la société dans laquelle travaillait l'un des pères des garçons.

J'allais demander à Julian si nous devions les interroger séparément ou ensemble lorsque je vis une voiture blanche quitter le site. Je tentai de regarder qui se trouvait à l'intérieur de l'habitacle et vis qu'il s'agissait des deux personnes que nous étions venus voir. Un coup d'œil vers le tableau de bord de notre voiture et je compris que nos deux amis allaient sûrement déjeuner à l'extérieur.

— Suis-les, dis-je à Julian en les pointant du doigt. On va pouvoir les interroger tranquillement.

Julian passa la première et fit rapidement demi-tour. Il les rattrapa très vite et nous les suivîmes jusqu'à un petit restaurant à quelques rues de leur lieu de travail. Julian gara la voiture à l'écart dans le parking, coupa le moteur, et nous descendîmes sans plus attendre. Les deux garçons étaient en train de discuter quand l'un d'eux donna un coup de coude à l'autre et nous fit signe de la tête. Son copain se tourna vers nous et un air perplexe s'insinua doucement sur ses traits.

De loin, on aurait pu les prendre pour des jumeaux avec leur coupe de cheveux ; ils avaient les cheveux coupés courts sur les côtés et ils étaient un plus long sur le sommet. Sous le soleil, leurs cheveux tendaient plus vers le châtain clair. Mais alors que nous nous rapprochions, je pus facilement remarquer les petites différences visibles sur leurs traits. Si l'un avait les yeux verts, l'autre avait des yeux bleus qui tiraient vers le gris à l'intérieur des iris. Le premier avait un nez droit avec une très légère bosse sur l'arête tandis que son ami avait un nez légèrement tordu vers la gauche. Ils avaient tous les deux une bouche finement dessinée qui aurait fait des envieuses chez quelques-unes de mes connaissances. Tout en nous approchant d'eux, je constatai qu'ils semblaient légèrement sur la défensive. Ça pouvait se comprendre. Deux personnes inquiétantes se dirigeant rapidement vers vous vous alerteraient aussi. Je sortis mon insigne et le levai afin qu'il le voie bien clairement. Leurs épaules s'affaissèrent légèrement même s'ils restèrent quand même sur leur garde.

Alicia Parker, tome 1 (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant