— Merde, tu es sérieuse ? s'exclama Julian alors qu'il se servait un café dans la salle de repos à l'Agence.
Perchée sur le comptoir, je lui avais raconté tout ce que m'avait dit Caleb hier soir. Sous la douche, je n'avais pas cessé de ressasser toutes ces informations jusqu'à ce que la peau de mes doigts devienne toute fripée. Je m'étais aussi tournée et retournée dans mon lit, mon cerveau ne me laissant pas une seule seconde de répit. À trois heures du matin, j'avais fini par me faire à l'idée que la nuit de sommeil que j'avais tant espérée ne serait pas pour aujourd'hui. Au petit matin, j'avais caché mes jolis petits cernes sous un peu de fond de teint. Je pouvais remercier le cadeau-connerie de Mama Abby offert lors de mon dernier anniversaire.
Nous avions l'habitude de nous offrir deux types de cadeaux : un joli petit présent qui plairait à la personne à qui on l'offrait, puis un autre plus marrant, juste pour blaguer, que j'appelais cadeau-connerie.
Mama Abby connaissait mes goûts en matière de mode et savait qu'une palette de maquillage était le cadeau parfait pour me faire râler. J'avais littéralement balancé la palette dans le fond de mon armoire avec les autres cadeaux indésirables que j'avais reçus au fil des ans. Et aujourd'hui, j'étais bien heureuse de l'avoir gardé parce que le fond de teint avait été mon meilleur ami ce matin, de même que ma cafetière.
La voix grave de Julian interrompit mes pensées.
— Je n'arrive pas à croire qu'ils nous aient caché ça, dit-il après avoir bu une gorgée de son café. (Je louchai dessus.) Une telle histoire ne serait pas passée inaperçue, surtout ici.
— C'est pour qu'il faut que j'en parle avec Nicholas et je veux que tu sois là, lui indiquai-je. J'ai besoin d'un témoin. De quelqu'un qui pourra attester que toute cette affaire n'est pas une mascarade.
— Tu peux compter sur moi, m'assura-t-il. Tu vas le voir quand ?
Je jetai un coup d'œil à l'horloge accrochée au-dessus de la porte de la salle de repos.
— D'ici dix minutes, répondis-je. Tu n'as rien de prévu au moins ?
Je l'avais totalement pris au dépourvu avec ce que je lui avais appris et je ne savais même pas s'il avait un travail urgent qui l'attendait.
— Ça peut attendre, m'assura-t-il.
— Tu es certain ?
— Avec ce que tu viens de me dire, je crois que nos priorités ont légèrement changé, tu ne crois pas ?
Il n'avait pas tout à fait tort. Si quelqu'un s'en prenait réellement à nous, nous étions directement concernés et le fait que nos chefs nous le cachent tendait à prouver qu'ils ne voulaient pas qu'on soit au courant qu'une menace pesait sur nous. Ne devait-il pas protéger leurs agents ?
Julian termina de boire son café et lava rapidement sa tasse.
— Je dois passer un coup de téléphone et je te rejoints ensuite, ça te va ?
Je hochai la tête.
— Pas de problème. Rendez-vous devant le bureau de Nicholas.
***
Quinze minutes plus tard, nous nous retrouvâmes face à notre supérieur, assis devant son bureau, dans des sièges suffisamment moelleux pour que je m'y enfonce, mes genoux légèrement plus haut par rapport à ma taille. Je me demandais vivement comment j'allais pouvoir réussir à sortir de là.
Nicholas était lui aussi assis devant la grande table en chêne vernis, les bras croisés, nous observant attentivement. Nous avions fait irruption dans son bureau deux minutes plus tôt et depuis, nous nous regardions dans le blanc des yeux. Juste avant de franchir le seuil, Julian m'avait demandé d'y aller mollo, de rester gentille, puis il avait ricané quand je lui avais répondu que j'étais la gentillesse incarnée.
— Bon, vous allez me dire ce que vous faites là au lieu de bosser ? nous demanda Nicholas d'un ton brusque. Non pas que je me plaigne, je suis toujours ravi de pouvoir discuter avec vous deux, mais je crois que vous avez mieux à faire, non ?
Julian me donna un petit coup de coude. Son regard me supplia d'être civilisée et posée. Je lui fis un grand sourire en retour. Il plissa les yeux avant que sa main ne les recouvre. Il soupira et je crus l'entendre marmonner.
Je me tournai vers Nicholas et mon sourire passa d'enjoué à sombre. Je devais ressembler à une vraie psychopathe.
— Pourquoi les agents dans tout le pays sont pris pour cible par des INI ? demandai-je abruptement tout en gardant le sourire.
Nicholas m'observa bizarrement pendant quelques secondes avant de s'enfoncer dans son siège.
— INI ?
— Des individus non identifiés, répondis-je. Un peu comme des OVNI, mais là ce sont des êtres humains comme toi et moi.
— Je sais ce que veut dire individu, Alicia, merci, répliqua-t-il. Pourquoi cette question pour le moins inattendue ?
— Figure-toi que j'ai reçu une visite étrange hier soir, annonçai-je. J'ai appris des choses, des choses assez étranges. Au départ, je n'y ai pas cru, ça me semblait ridicule et invraisemblable. Puis mon cerveau a commencé à assimiler toutes ces nouvelles informations et à rassembler quelques pièces.
Je me tus quelques instants, le temps de voir si Nicholas allait réagir ou non. Il ne bougea pas d'un poil, son regard toujours rivé sur moi, mon expression indéchiffrable.
— Tu savais que des agents étaient attaqués, n'est-ce pas ? (C'était plus une affirmation qu'une question.) Tu savais que ce n'était pas un hasard, que c'était moi qu'on visait précisément et non un agent quelconque. Apparemment, je suis l'un de vos meilleurs membres, donc j'étais forcément l'une des cibles. J'ai raison, c'est ça ? C'est bien l'Agence qui est visée ?
Nicholas resta immobile. J'avais envie de me lever pour aller le secouer, pour qu'il réponde enfin et dissipe les doutes qui n'arrêtaient pas de s'insinuer en moi depuis hier soir. J'avais envie qu'il démente les informations de Caleb. J'avais besoin qu'il apporte des réponses aux questions qui ne cessaient de me trotter dans la tête. J'avais besoin de ces foutues réponses, bordel !
Je serrai les poings et je sentis le sang qui me montait à la tête.
— Nicholas ! grognai-je, les dents serrées.
Il ferma les yeux et lâcha un long soupir.
— Je leur avais bien dit qu'ils n'allaient pas pouvoir garder tout ça secret bien longtemps, marmonna-t-il.
(A suivre)
Et voici la première partie de ce nouveau chapitre ! Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite :)
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Alicia Parker, tome 1 (Sous contrat d'édition)
FantasiAlicia Parker est enquêtrice pour l'Agence, une organisation qui règle tout conflit magique de n'importe quelle nature. Elle a donc l'habitude de côtoyer de nombreuses créatures surnaturelles. Mais quand elle devient la cible d'un de ces monstres, e...