Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)

4. Debout

—     Mais qu'est-ce que tu fais ? Laisse-moi dormir.

Rien à faire, Ju continue de me tirer par le bras.

—     Lâche-moi.

—     Je t'ai apporté ton café au lit, répond-elle sur un ton enjôleur. Allez ! Bouge-toi !

—     Humm... mais quelle heure il est ? En ouvrant les yeux, je remarque qu'il fait à peine jour. Qu'est-ce qui te prend ? Je bougonne encore mal réveillée. Il est trop tôt ! Je n'ai rendez-vous qu'à dix heures.

—     On est dimanche, pas question que tu passes ta journée à bosser avec tes rats de laboratoires. On va à la plage, c'est décidé ! Tu leur proposes de nous rejoindre plus tard s'il le faut, mais aucune excuse ne sera acceptée, je te préviens !

Adossée à ma tête de lit, je souffle sur mon café chaud qui exhale une odeur exquise et la regarde tenter de m'amadouer avec son air de chien battu.

—     Ok, alors tu viens avec Kim.

June perd de sa contenance en entendant ma réponse. Dans ses yeux perce une pointe de nervosité. Encore mal à l'aise en public, June préfère voir sa petite amie à l'abri des regards et l'invite la plupart du temps à l'appartement. On a rencontré Kim lors d'une visite guidée du campus. Elle faisait partie des volontaires. June a tout de suite flashé sur elle. J'ai presque eu l'impression d'assister à un coup de foudre en direct. Ju, subjuguée buvait ses paroles sans faire la moindre blague ou commentaire déplacé. Ce qui ne lui ressemble pas du tout.

Depuis elles sont presque inséparables. Kim est aussi discrète que June exubérante. Je perçois souvent des étincelles dans leurs regards ou des marques discrètes de tendresse. Elles sont mignonnes toutes les deux et je suis heureuse pour Ju. Elle peut enfin être elle-même.

J'attrape mon portable pour prévenir Helen et Edi. Et c'est le choc.

—     T'es sérieuse ! Il est 6h du mat !

Je pose ma tasse de café et lui saute dessus pour l'étrangler. S'attendant à ma réaction, elle m'esquive sans difficulté.

—     Je sais qu'il est tôt, mais si on veut mater les surfeurs, on n'a pas le choix. Alors grouille-toi. Je veux voir les vrais pros.

—     T'as conscience que t'es accro aux sportifs, ça commence à être inquiétant, dis-je en me levant prête à lui balancer mon oreiller à la tête.

—     T'es d'accord ?! dit-elle les bras en l'air en signe de reddition. Trop cool. Je te laisse préparer notre sac. 

June est tellement tête en l'air que si je la laissais faire, on n'aurait ni crème solaire, ni bouteilles d'eau.

—     J'appelle Kim pendant que tu prends ta douche.

—     Ok, dis-je dépitée en retombant sur mon lit.

J'adore cette sensation de bien-être que me procure la douche du matin. Quand je me glisse sous son jet chaud et vif et que progressivement mes muscles se détendent, je déconnecte. Or depuis quelques temps, au moment précis où je me sens comme dans un cocon de vapeur, je suis parasitée par son image qui se fixe sur mes rétines.

Telle une apparition non désirée, je le vois qui se dirige vers moi, l'air mystérieux et la démarche assurée. Et encore une fois, j'y ai droit ce matin. Mais qu'est-ce qui m'arrive ?! Je coupe l'eau, contrariée et frissonne. Il n'est pas question que je fantasme sur ce mec ! Je vaux mieux que ça.

Même si je dois avouer que pour plaire, quelques ajustements s'avèrent certainement nécessaires. Pour commencer arrêter d'esquiver toute tentative d'approche de la gent masculine pourrait être utile. Tout le monde sait que les mecs n'aiment pas particulièrement les filles froides et distantes. Je ne peux pas m'en empêcher, c'est plus fort que moi. Je ne m'en rends même plus compte que je suis du genre inaccessible. Alors que dans ma filière, les garçons sont plutôt sympas, il y en a même des mignons. James est de loin le plus beau. Son regard est doux, il mange bio et est trop intelligent pour être prétentieux. il a tout pour me plaire. J'ai bien remarqué que je ne lui étais pas indifférent, on verra...

La question ne se pose plus vraiment, maintenant que j'ai un chien de garde prêt à aboyer au moindre de mes faux pas. Mon père me couperait les vivres s'il apprenait que je fréquente un garçon qu'il ne m'a pas destiné. Et ce serait le retour à la case départ. Même en obtenant une bourse, ce qui est peu crédible, car il ne le permettrait pas, je n'arriverai pas à suivre la cadence en devant travailler à côté.

Je n'ai jamais été aussi rapide pour me préparer un dimanche matin, à l'aube. Quand j'entre dans le salon, Ju est affalée sur le canapé et joue sur son téléphone.

—     Kim nous rejoint là-bas ?

—     Non, on passe la prendre en chemin. T'es prête ?

—     Oui, fin prête, dis-je en ajoutant des oranges dans notre sac qui déborde déjà.

Je porte une longue robe fluide imprimée de chez Chloé au-dessus de mon bikini et des spartiates dont les lanières s'enroulent autour de mes chevilles. Je n'aime pas les tongs et leur insupportable clip clap quand on marche avec. Pour parfaire mon look bohème, j'ai choisi des lunettes de soleil pilotes à verres rosés.

En attendant que Kim descende, June me charrie dans le taxi.

—     Tu ne peux pas t'en empêcher, hein ? Il faut toujours que tu sois la mieux lookée. Tu sais qu'on va juste à la plage ? Pas à un défilé de mode ?

—     Ne fais pas ta modeste, ton short élimé et ton rouge à lèvres incendiaire vont faire des ravages, dis-je en lui décochant un coup de coude. T'as juste oublié de mettre un top. Kim comprendra très bien le message.

Son crop top couvre à peine son maillot. En ouvrant la portière, un sourire éclatant illumine le visage de Kim à la vue de Ju.

—     Tu vois, dis-je. Allez, on y va. J'ai hâte de plonger dans le Pacifique.