Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)

51. Dans la ligne de mire

Suivre des cours semble presque irréaliste dans un tel contexte.

A peine ai-je le temps de réaliser ce qui arrive qu'autre chose surgit.

Tout se bouscule, X, les garçons, leur secret, les attaques, les corps, la presse, mon père. Et pour rajouter une couche, je suis devenue l'attraction malsaine du campus. De nouvelles photos de moi circulent, l'interview et de nombreuses rumeurs à mon sujet se propagent sur les réseaux sociaux à une vitesse hallucinante. Les messes basses et les regards en coin fusent jusqu'à ma salle de cours.

Heureusement que Terrence est là. Il dissuade les plus curieux de s'approcher. Son attitude me touche. Il se montre protecteur. Assise à ses côtés dans l'amphi, je vois bien qu'il est fatigué.

— Tu as dormi cette nuit ? je lui demande à voix basse.

— Pas trop mais tu n'as rien à craindre, dit-il en s'étirant, je suis suffisamment en forme pour te protéger.

— Je sais, je ne m'inquiète pas. Pourquoi tu n'as pas dormi ?

— On cherche les perturbateurs.

Je rêve ou il vient de me répondre ? Voilà une façon plutôt convenable de les qualifier. Ils surveillent même le vocabulaire qu'ils emploient pour ne rien laisser filtrer.

— Oh ? Tu veux dire vous quatre ?

— Ouais.

— Et vos amis. Comme Marcus ?

J'y vais au bluff mais il ne répond pas.

— Il n'est pourtant pas comme vous.

T se rigidifie. J'ai fait une gaffe. Ils ne sont pas au courant qu'X m'a révélé leur secret, enfin si je ne me trompe pas et qu'ils sont tous les trois comme lui.

— Tu vois ce que je veux, il ne fait pas partie de votre bande. Il est plus vieux et surtout il est flic. Ça ne le gêne pas que vous jouiez aux justiciers ?

— On ne se substitue pas à la police. On est juste concerné par ce qu'il se passe.

— Et pourquoi il vous fait confiance ?

— X et lui ont été élevés ensemble. Ils sont comme des frères.

Il se tourne vers moi et me sonde du regard.

— Personne n'est comme nous, dit-il en souriant.

— Tu peux être plus clair ?

— Demande à X de te raconter.

Je suis loin d'être sûre qu'X ait envie de s'épancher avec moi sur son enfance.

— Vous avez appris quelque chose sur ces perturbateurs ?

— Pas encore.

— Rien ? Vous n'avez aucune piste ?

Le professeur nous jette des regards par intermittence. Je mets ma main devant la bouche pour la jouer plus discrète.

— Qui sont les types des photos ? Ils ont quelque chose à voir avec ce qu'il se passe sur le campus ? Tu ne me feras pas croire tout le baratin que vous avez raconté dans votre alerte.

— Ecoute ton cours, sinon on va à la cafète. J'ai faim.

— T'as raison, on bouge, dis-je énervée en ramassant mes affaires. De toutes les manières, je n'arrive pas à suivre. Je comprendrai peut-être ce qu'il se passe, le jour où ils m'attraperont.

— Saskia ne le prend pas comme ça.

— Viens, on a le temps de récupérer June au passage. Elle finit bientôt son cours.

— Ok.

En nous voyant nous lever, le prof s'interrompt une seconde, tout l'amphi se retourne au même moment. T garde peut-être le silence pour obéir à X. Je préfère arrêter de l'accabler, je vois bien qu'il est désolé de me laisser dans le noir.

— Je suis gênée que tu rates tes cours à cause de moi.

— Quelqu'un enregistre les cours pour moi.

— C'est mieux que rien, mais ce n'est pas comme ça que tu obtiendras ton année.

— Ça ne durera pas. On va régler cette situation.

— Donc vous avez des pistes.

— Tu ne lâches jamais l'affaire, dit-il amusé.

— Ok, je te laisse tranquille.

En entrant dans le bâtiment de droit, les réactions sont les mêmes, des étudiants nous prennent même en photo avec leur portable.

— On a bien fait de passer, dit T soulagé de ne plus à avoir à me gérer, il y a X. Regarde.

A ces mots, je le vois nous fixer. Il prend une fille par la taille et l'embrasse dans le cou.

— On va plutôt attendre qu'il nous rejoigne, dit-il un peu gêné.

Je boue littéralement devant ce spectacle. X se fout ouvertement de moi. Il fait exprès ou quoi ? Contrôle-toi, Saskia, pour une fois ne réagis pas. Il te provoque. Ne lui fais pas le plaisir de t'énerver.

— Terrence, ne sois pas embarrassé. Il profite de ce que la vie lui offre sur un plateau, c'est normal, il n'a qu'à se servir, dis-je sachant très bien qu'il m'entend.

Sauf que moi je ne mange pas de ce pain-là.

— J'ai juste un truc à lui dire, dis-je calmement en avançant vers ce salopard. Je reviens. Je ne serai pas longue.

— Ne le prends pas comme ça !

Je ne vais pas faire d'esclandre, mais s'il croit qu'il va s'en tirer comme ça, il se met le doigt dans l'œil.

— Ton pote ne craint rien, dis-je sans me retourner. Je ne vais pas le gronder, si c'est ce qui t'inquiète.