48. Les vautours

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La journaliste se tourne vers son cameraman.

— En direct de l'université de Stanford, sombre théâtre d'événements macabres, je suis en présence de Saskia Moore, qui après une fête entre amis a vécu l'horreur ! Découvrant son amie sauvagement agressée et laissée pour morte dans une ruelle à deux pas de sa résidence.

Elle se retourne vers moi, le sourire figé, la mine faussement compatissante.

— Chère Saskia, votre amie est sortie de l'hôpital. Mais quel choc de l'avoir retrouvée inanimée. Pouvez-vous nous en parler ?

Je reste silencieuse, abasourdie par le voyeurisme de sa question. Elle ne demande même pas de nouvelles de Kim. Je ne lui en aurais pas données de toutes manières. Mais qu'elle fouille merde !

— Et tous ces corps morts comme tombés du ciel. D'après de nombreux témoignages, vous avez failli être blessée par la chute de l'un d'entre eux. Comment vous sentez-vous ce matin ? Avez-vous pu dormir ? Je comprends votre stupeur, vous ne pouviez pas imaginer qu'étudier à Stanford se ferait sous le signe de l'épouvante. N'êtes-vous pas trop terrifiée ?

Sa façon racoleuse de relater les faits me met hors de moi. Je ne peux plus retenir mon agacement.

— Vous semblez oublier que tous ces corps ont été indignement déterrés de leur sépulture, enlevés à leurs familles et à leurs proches, dis-je froidement. On n'est pas dans un film d'horreur. Ce qu'il se passe ici est bien réel et de très mauvais goût. J'espère seulement que les abrutis qui se cachent derrière tout ça seront vite arrêtés. Maintenant j'aimerais que vous me laissiez passer ! Alors poussez-vous !

— Juste une dernière question. Vous avez retrouvé votre amie près de votre résidence, dans laquelle un homme s'était introduit la nuit quelques jours auparavant dans le seul but d'effrayer ses habitantes dont vous faites partie. Un corps a été retrouvé à la porte de votre appartement et un autre a failli vous écraser. Je partage vos considérations pour cette horrible profanation, mais n'êtes-vous pas inquiète à l'idée qu'un détraqué cherche à vous terroriser ? Peut-être même vous veuille du mal ?

— Vous exagérez les faits pour vendre du sensationnel. Tout ça n'a rien à voir avec moi. Et non, je n'ai pas peur.

— Etes-vous sous protection policière ?

Encerclée par des équipes de télé et des voyeurs médusés qui ne demandent qu'à se repaître de ces élucubrations, tels des rapaces réclamant leur part, j'essaye en vain de sortir de là. June tente de me rejoindre. Subitement une voix puissante et autoritaire tonne.

— Barrez-vous ! C'est la voix de Terrence qui retentit.

Elle interrompt toute action. Tout le monde se fige, surpris par le volume et la brutalité de sa voix qui résonne encore dans mes oreilles. X me rejoint en poussant tout le monde d'un revers de bras, il m'attrape avec légèreté et me serre contre lui d'un geste protecteur. Mes bras encerclent sa taille, mes doigts glissent entre les siens. Mon visage enfouis dans son cou, je lui murmure à l'oreille :

— Je n'ai jamais été aussi contente que tu m'attrapes.

Mes pieds ne touchent plus le sol. Quand X bouscule la masse de corps qui bloque notre échappée, on entend différentes questions faire écho : « C'est votre petit-ami ? » « Vos sortez avec la star de la fac ? » crient des journalistes derrière nous. X m'emmène vers les vestiaires. Les joueurs en bloquent l'accès afin d'empêcher les journalistes de nous suivre. Dans le tunnel menant aux cabines, X et moi sommes seuls. Un moment de silence bienvenu après ce chaos. Il est furieux, la veine de sa tempe tape.

— Tout va bien, dis-je pour le rassurer. J'ai l'habitude de la presse. Je pose ma paume sur sa tempe pour le calmer.

— J'ai réalisé trop tard qu'ils t'emmerdaient, je pensais que nos fans les occupaient.

Il est si intense qu'il m'intimide.

— X, viens te changer. On t'attend pour bouger, prévient Terrence.

June et Kim sont passées avec lui.

— Moi qui voulais passer inaperçue à la fac, dis-je en regardant Ju. C'est vraiment raté.

— J'y vais, me dit-il. Terrence restera avec toi.

— Mais quelles sangsues ! s'énerve June.

— Au-moins ils n'ont pas l'identité de Kim.

— Ils ne sont pas non plus au courant de ton agression. Pour l'instant, ils ne sont pas encore bien informés.

— Mon père a certainement bloqué l'info.

— Pour une fois que ses connections t'arrangent. Tu réalises, Sas, que cette reporter n'a pas tort. Quand on emboîte les différents éléments du puzzle, c'est toi qu'y apparaît avec une cible sur le front.

Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant