20. Le grand saut

30.4K 2.6K 145
                                    



Je suis hyper excitée. Je vais enfin faire le grand saut. Après la semaine mouvementée que j'ai passée, ça me remettra les idées en place. Dans le mini bus, je ne vois pas beaucoup de filles. J'avance vers le fond car une bande de mecs fait du bruit à l'avant. Il est trop tôt pour les plaisanteries douteuses.

J'hallucine, j'aperçois Zane assis plus loin. Il ne manquerait plus qu'X soit aussi là. Il me fait signe. Je lui réponds de la tête mais je ne m'assois pas près de lui. Heureusement, X ne fait pas partie du voyage, ni aucun autre de leur bande. Zane vient s'assoir à côté de moi, aussi naturellement que si on était des amis.

— Alors t'aimes les sensations fortes, lance-t-il en s'installant. Je comprends mieux.

— Tu comprends quoi ?

— C'est ton premier saut ?

— Oui, j'ai hâte.

— Ces guignols sont des bizuts, commente-t-il en regardant la bande de mecs agités devant nous. Tu peux être sûre qu'il y en a au moins un qui va vomir ou se pisser dessus.

Il se tourne vers moi et reprend.

— Tu te rends compte que c'est un saut d'environ 200 mètres qu'on va faire ? Ca va être le grand saut.

— Non, pas vraiment, à vrai dire. Mais je ne vais pas me dégonfler si c'est ce que tu penses.

— Si tu le dis, légèrement dubitatif. Sinon ça va avec X ?

— Quoi avec X ?

— Non rien, je disais ça comme ça. Je te préviens. Il n'est pas du genre monogame et bouquets de fleurs.

— C'est dommage, j'adore les fleurs, comme toutes les filles ! Dire que mon beau bad boy en blouson de foot ne m'en enverra jamais ! J'imagine que tu es comme lui, un incorrigible romantique.

— Tu me fais des avances ?

Je soupire.

— Ok, j'ai compris. T'as déjà sauté combien de fois ?

— Oh jamais. Je n'y avais jamais pensé avant hier.

— Tu faisais juste ton intéressant ? Rien d'étonnant que vous vous entendiez si bien avec X. Vous vous prenez pour des superhéros, c'est ça ? Tout puissant. Regardez comme je suis fort.

— Et il t'a sauvé les fesses le super héros. Tu sembles l'oublier.

— T'as raison, mais il m'a aussi ridiculisée. J'ai du mal à le suivre. Un jour, il se comporte en mec bien, le jour d'après, c'est un vrai con.

— Merci, je transmettrai.

— Tu vois ce que je veux dire.

— On aime juste être libre. Il n'y a rien de mal à ça. On profite et on aurait tort de s'en priver. Tu préfères les mecs sérieux. C'est normal. Plus civilisés, c'est ça ?

— Il n'y a pas de mal à être civilisé.

— Sauf qu'ils sont chiants.

Il renverse sa tête en arrière et ferme les yeux comme s'il allait piquer un somme.

— Arrête de me reluquer.

Je soupire.

— Vous vous connaissez depuis longtemps ? Et tous les quatre vous avez l'air d'être inséparables.

— Noie pas le poisson, tu veux en savoir plus sur lui, dit-il l'air goguenard.

Il a raison, j'aimerai qu'il m'en dise plus sur lui, alors je me retiens de riposter et préfère ne rien dire. Je n'arrive pas à percer le mystère X. Quand je l'observe, j'ai l'impression qu'il gomme les contours de sa personnalité et ne laisse voir que ce qu'il veut bien qu'on voit. Il cache quelque chose. Mais quoi ? Je n'en ai aucune idée.

— Depuis le collège, répond-il sans ouvrir les yeux. On avait environ douze ans.

Ce n'est que lorsqu'il prononce son nom qu'il se retourne vers moi et me regarde à nouveau.

— X est arrivé un an après nous à l'institut. C'était une vraie tête brûlée. Il avait du mal à accepter tout semblant d'autorité. Il était indomptable, révolté. Après avoir été viré de pas mal de bahuts, c'était un peu sa dernière chance. On a fait les quatre cents coups ensemble, dit-il le sourire aux lèvres. On s'est vraiment bien marrés.

— Vous étiez tous les quatre dans cet établissement ?

Il hoche la tête.

— C'est X qui nous a réunis.

— C'est un drôle de nom « l'Institut » pour une école.

— Ouais, c'est une pension très stricte pour les cas désespérés.

— Pas si désespérés que ça, dis-je. Vous vous en êtes plutôt bien sortis. Il se trouve en Californie ?

— Non, dans un trou paumé du Colorado. Heureusement au lycée, on a pu profiter des jolies externes... Et toi, tu viens d'Arizona.

— Oui, X te l'a dit. Donc il parle de moi, dis-je en blaguant.

— Non, je lui ai juste posé des questions sur toi après votre distrayante parade amoureuse. Je le cogne à l'épaule. X se confie peu alors tu ne pourras pas me tirer les vers du nez.

— T'es plutôt bavard pourtant.

— Arrête de flirter, dit-il avec une voix de séducteur. Je te taquine, je sais que je ne suis pas ton genre.

— Comme tu le dis si bien, j'ai un faible pour les blouses blanches.

Il lève les yeux au ciel.

— A d'autres !

En arrivant, j'admire la vue du pont. L'emplacement est fabuleux. On est encerclé de montagnes. Tout le monde sort du bus. Je signe la paperasserie qui désengage l'organisme de toute responsabilité en cas d'accident et que je suis inscrite dans les premières à sauter. C'est top, pas besoin d'attendre pour m'envoyer en l'air. Pendant qu'on m'équipe, les garçons de la sororité font les cons. Un d'entre eux boit dans une fiasque. Zane a raison. Il va finir par se vomir dessus. En regardant en bas, je me dis qu'un petit remontant ne pourrait pas faire de mal. J'enfile le baudrier en écoutant attentivement les consignes de sécurité. Quelqu'un accroche les mousquetons, attache mes pieds. Je suis fin prête. On m'explique qu'arrivée en bas, on me récupèrera à l'aide d'une perche. Je fais signe à Zane qui passe après. C'est à mon tour. Je monte sur le promontoire et regarde le vide. Mon pouls bat vite. Le vent souffle sur mon visage. J'ai l'impression d'être ailleurs, dans une autre dimension.

— Vous sautez quand vous voulez, dit l'instructeur à côté de moi.

Je lève les bras en avant, donne une petite impulsion des jambes et plonge tête la première dans le vide, en position du saut de l'ange.

C'est fulgurant. Je vole. Je virevolte. Le vent souffle en rafale, ça va à toute vitesse.

Mes sensations sont décuplées, mes sens en alerte. Un sentiment d'euphorie, de pur bonheur m'envahit et me fait vibrer. C'est juste le pied total. Je rebondis d'avant en arrière, tourne sur moi un peu comme une toupie, mes doigts frôlent la surface de l'eau. Mon corps ralentit. C'était trop court mais juste parfait. J'ai ressenti des sensations que je n'avais jamais expérimentées. Je n'ai plus qu'une envie, recommencer.

                                       ------------------------------

Mon compte Instagram pour connaître toutes mes actualités :

https://www.instagram.com/elisamontecorvo_autrice/

mon nom d'autrice : Elisa Monte Corvo

Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant