Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)

36. Quel menteur

On ne se dirige pas vers mon hôtel.

—   X, qu'est-ce que tu fais ?

—   Tu veux parler oui ou non ? Je préfère qu'on soit seuls. Accroche-toi bien, dit-il avant d'accélérer.

X met le turbo, zigzague entre les voitures, monte sur un trottoir, prend le souterrain d'un parking avant de disparaître des radars de mes gardes du corps. Il les a encore semés. Ce comportement me retombera dessus tôt ou tard, c'est sûr. Mais je m'abstiens de faire un commentaire, j'ai vraiment besoin de comprendre ce qu'il vient de se passer. Le long de la côte, il ralentit progressivement avant de braquer subitement au niveau d'un passage presque invisible de la route. Le chemin est cahoteux. Je sautille à chaque bosse et serre X pour ne pas perdre l'équilibre. Il s'arrête, gare sa moto et descend.

Il avance sans rien dire, je le suis à travers les broussailles. Il retire les branches qui bloquent notre passage jusqu'à ce qu'on débouche sur une magnifique plage déserte. Le vent s'engouffre dans mes cheveux qui fouettent mon visage. L'air marin emplit mes poumons.

J'ai l'impression de reprendre enfin mon souffle après tout ce qu'il vient de se passer. J'enlève mes chaussures et marche pieds nus dans le sable. Le soleil va bientôt se coucher. Le ciel s'est paré de rose. Il n'y a personne sur la plage à cette heure tardive. X marche juste derrière moi. Il ne parle toujours pas. Le silence entre nous est tissé de tant de choses. Je ne sais plus par où commencer. J'aperçois au loin le haut de la cheminée de sa maison et comprends qu'on est à quelques minutes de chez lui.

—   On est presque chez toi, dis-je pour rompre le silence tendu.

L'eau lèche mes pieds. Elle est fraîche. J'attends qu'X dise quelque chose. Je ne veux pas le brusquer mais il ne semble pas prêt à parler.

—   Tu vas bien après ce combat ? Tu n'as pas mal ?

—   Il ne m'a presque pas touché.

—   C'est vrai. Tu es rapide et agile.

—   Ça a du bon de jouer au foot, répond-il en repoussant sa mèche.

—   Et ta force surhumaine, c'est la même chose ? C'est grâce au sport, c'est ça ?

Il sourit l'air suffisant.

—   Impressionnée ?

—   OK, c'est comme ça que tu la joues ?

—   Quoi ?

—   La partie. Tu bluffes. Tu fanfaronnes, sauf que je vois clair dans ton jeu. Tu veux me faire croire que t'es juste un super athlète, c'est ça ? Et les griffes, je les ai imaginées peut-être ?! Et le fait que tu entendes tout à des dizaines de mètres aussi ?! Tu te fous de moi ?!

—   Il faudrait que tu te calmes. Saskia. Tu as eu peur. C'est normal de ne plus savoir où tu en es.

—   Quoi ? J'affabule selon toi ?! Tu entends le ramassis de conneries que tu es capable d'insinuer pour ne pas avoir à dire la vérité ! C'est du délire ! Je sais très bien ce que j'ai vu.

J'en ai marre ! J'ai envie d'effacer tout ça. Cette violence, les cadavres, ces griffes surnaturelles, me nettoyer de tout ce qu'il vient de se passer. Je jette mes vêtements les uns après les autres.

—   Qu'est-ce que tu fais ? dit-il surpris. 

Je n'en ai plus rien à faire qu'il me voit en petite tenue. Il ne s'est pas gêné cette nuit. Je l'ignore, cours dans l'eau et plonge. L'eau froide est revigorante. L'océan agité. Quand je remonte à la surface, je vacille sous la force des vagues.