Chapitre 2 (1)

577 27 0
                                    

Quand je me réveille, je suis seule dans la maison. Seule Cassis, la chatte siamoise de Letty, me regarde curieusement en se léchant la patte, assise sur le bras du fauteuil.

- Salut toi, dis-je, en me levant.

Pour toute réponse, elle saute de son perchoir et disparait par la chatière trouée dans la porte d'entrée. J'esquisse un sourire en repliant ma couverture, les chats sont quand même des animaux spéciaux. Je vais prendre un verre d'eau dans la cuisine et le bois en regardant par la fenêtre, c'est là que j'aperçois Charlotte, accompagnée de Brack, en train de ramasser les œufs dans le poulailler. Une scène que je n'aurais jamais cru voir un jour. Je suis persuadée qu'elle n'aurait pas pu mieux tomber. Être ici au grand air, c'est beaucoup mieux pour elle que de vivre à Paris, dans toute cette pollution et ce bruit. Je me décide moi aussi à aller prendre l'air, je monte les escaliers jusqu'à ma salle de bain, enfile un short, un top et attache mes cheveux avant de sortir.

Une fois sur le chemin de terre, je respire à grands coups l'air frais de la campagne avant de repérer l'écurie, seul endroit que je n'ai pas encore visité et me dirige vers celle-ci. Quand je franchis la porte de bois, l'odeur du crottin, de la paille et des crins de chevaux m'emplit les narines, tout est calme, les box autour de moi sont vides. Je m'étonne d'en découvrir six, tous paraissant occupés. Je laisse mes yeux découvrir les prénoms inscrits sur les petits écriteaux de chaque porte: Amber, Capucine, Tornade, Nuage, Bella, Cora. Je ne peux m'empêcher de sourire quand j'aperçois la petite écriture de Charlotte sur un petit morceau de carton sous le nom de Cora: Charly. Je suppose que c'est le petit que j'ai aperçu hier en arrivant, j'adore ce prénom, tout comme Charlotte doit avoir adoré pouvoir le lui donner. Je continue mon avancée vers la lumière que je vois de l'autre coté de l'écurie, sûrement l'entrée des pâtures. Ce n'est que quand j'arrive au coin du dernier box que je l'entends, ce renâclement, sonore et grave, à la fois doux et puissant. Il est suivi de près par un hennissement plaintif, presque douloureux et, quand je tourne la tête, je me retrouve en face d'un septième box. Occupé, celui-ci, par un cheval à la robe noire et brillante, ses naseaux inspirant et expirant bruyamment l'air alors que ses yeux, d'un brun profond, me fixent, attentifs au moindre de mes mouvements. Ses oreilles sont rabaissées sur sa tête, traduisant un état de colère équivoque. Ma présence l'ennuie-t-elle à ce point? Mais en observant de mon poste l'espace autour de lui, j'aperçois une guêpe juste sous son encolure, posée sur une plaie de premier abord petite. Mais mon instinct me dit que ce ne doit pas être une plaie si anodine qu'il y parait, à voir la nervosité apparente de l'animal. C'est donc le cœur serré que je décide d'aller à lui. Aucun écriteau sur la porte n'indique de nom. Je vais donc devoir faire sans. Doucement, je tire le verrou de la porte tout en lui parlant.

- Ne bouge pas, mon beau, je vais te l'enlever, lui dis-je, en m'avançant prudemment.

D'un geste de la main, je chasse la petite bête. Soulagé, l'étalon relève ses oreilles. Toujours en restant sur mes gardes, j'avance ma main à hauteur de son nez pour le laisser me sentir. En quelques secondes seulement, il me laisse lui caresser la tête et je me permets d'avancer vers lui, mais quand je descends ma main vers son encolure à nouveau, il recule brusquement. Dans ses yeux, je remarque la tristesse et la douleur alors que les miens tombent sur son encolure, mon cœur et mon estomac se serrent. Une larme coule sur ma joue alors que s'offre à mes yeux la plaie la plus horrible que j'aie pu voir de ma vie. Le pauvre équidé doit souffrir. Compatissante, je porte une main à mon propre cou. Comment est-il possible de laisser un animal dans un état pareil ? Des mouches évoluent autour de lui, se posant sur la plaie pour se nourrir de sang séché, obligeant la peau de l'étalon à frissonner pour tenter de les faire partir. Là où elles se posent, la peau est à vif, sans poil, une corde encore profondément enfoncée dans sa chair boursoufflée et infectée à tel point que du pus suinte. À cette vue et à l'odeur nauséabonde qui s'en échappe, je suis prise de sueurs froides, mon estomac se contracte, prêt à rendre le peu d'eau que j'ai avalé ce matin. Mais je prends une profonde inspiration. Je ne dois pas faiblir. Il a besoin de moi, je le sens. Ses yeux humides implorent mon aide. Et je vais lui donner !

Sans réfléchir une seconde de plus, je sors de l'écurie en courant et cherche Letty. Je l'aperçois sur la piste de sable, où un cheval blanc et brun tourne en longeant les barrières. Elle a l'air d'être en grande discussion avec un petit homme bedonnant. Je reprends une marche plus calme pour ne pas me faire remarquer mais avance tout de même vers eux. J'observe attentivement le comportement de l'homme en face de Letty, il me semble calme mais quelque chose cloche dans son comportement, il se tient en retrait comme si sa tête trop lourde pour lui basculait vers l'arrière, son visage est fermé et ses poings sont serrés comme si il était sur la défensive. Maintenant arrivée à une bonne distance d'eux, je capte la fin de la conversation.

- Je m'en occuperai, maintenant je vous demanderai de partir et de ne pas revenir. Au revoir.

L'homme baisse la tête avant de la relever comme si il allait répliquer, mais me voyant approcher, il referme la bouche et part en direction de son véhicule garé sur le bord de la route.

- Bonjour ma grande, me dit Letty, en se tournant vers moi.

- Bonjour, je peux te poser une question?

- Bien sûr.

- D'où sort l'étalon blessé dans le box?

- Ah, tu l'as vu... Ce n'était pas prévu. C'est un cheval qu'on m'a confié, il était maltraité dans le ranch d'où il provient. Il est arrivé ce matin, je n'ai pas encore eu le temps de m'en occuper, le vétérinaire va arriver normalement. Ne t'en approche pas tant que je ne te le dis pas. Je ne le connais pas du tout et je n'ai pas envie qu'il te fasse du mal.

- Il est très gentil, il a accepté que je le caresse tout à l'heure, mais il a mal.

- Je vois que tu sais comment te faire des amis avec les animaux, me répond-elle, en souriant. Je sais qu'il a mal, je vais m'en occuper.

- Est-ce que je pourrai t'aider?

- Bien sur, viens on va aller mettre Amber en prairie et préparer ce qu'il nous faut en attendant le vétérinaire.


(Amber en média)

Nouvelle vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant