Urgences

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J'écris ce chapitre après ma première nuit aux urgences. Il est actuellement 10h28 du matin et je suis dans le box numéro 6.

Aux alentours de 18h30, je prépare un sac. Je suis calme et consciencieux. Je mets une tenue de rechange, un pyjama et des affaires de toilette. Je ne sais même pas s'ils vont bien vouloir me garder pour la nuit mais au fond de moi je l'espère. J'appelle les éducateurs pour qu'on m'emmène aux urgences. Je ne précise rien, je dis seulement que je suis très angoissée et que j'ai besoin d'aide. On arrive aux urgences. Et même si j'ai passé beaucoup de temps dans les hôpitaux, je ne suis jamais allé aux urgences. On s'assied dans la salle d'attente en attendant que quelqu'un se présente au guichet. Derrière la vitre j'aperçois une femme un peu ronde. L'éducatrice lui explique. On me demande ma carte d'identité et ma carte vitale. Je donne tout. Je demande s'il faut autre chose. Ça sera tout pour l'instant. On retourne attendre. Il s'est bien écoulé une heure avant que j'entre dans une pièce, accueilli par une jeune femme en blanc qui porte une veste du Samu. Elle me demande ce qui ne va pas. Je sais pas comment l'expliquer. Je fais ce geste avec ma main qui veut dire « aide moi à en parler ». Je tourne mon regard désespéré vers l'éducatrice. Elle me sert de porte parole. La dame prends ma tension et me donne un bracelet à mon nom avec des numéros et un code barre. J'ai l'impression d'être une marchandise. Elle me dit qu'il n'y a pas de psychiatre la nuit, donc ils vont me garder en observation et je verrais le psychiatre demain matin. Elle est douce et gentille, ça me calme un peu. Elle me propose d'aller m'asseoir au cœur des urgences. Sur une ligne de chaises alignées contre un mur. Il y a déjà une dame qui attend. Il y a beaucoup de brancards où des gens sont allongés. Il y a beaucoup de petits vieux. Il y en a un qui s'énerve un peu. Il est assis avec une perfusion sur la main. Ça fait 5 heures qu'il attend. Il engueule un peu les aides soignantes / infirmiers / médecins qui courent un peu partout. Ils lui répondent qu'ils n'y peuvent rien. On voit bien qu'ils sont pas assez nombreux. J'ai l'impression de me retrouver dans un reportage d'envoyé spécial. Les patients agonissent, les soignants courent partout. Ils accordent pas plus de cinq minutes aux patients qui attendent depuis des heures, on leur promets une chambre douillette et on les fait encore attendre. Je patiente tranquillement. Je discute beaucoup avec l'éducatrice. Je ne demande pas à quelle heure je vais voir quelqu'un, je me doute qu'eux même ne savent pas. Je ne vais pas m'énerver, ils n'y sont pour rien. Ce sont des êtres humains. Je me dis que c'est un travail qui doit être fatiguant. La journée ils ont aussi leur courses à faire, les enfants à s'occuper et la nuit ils bossent aux urgences. Ils se font engueuler par les patients, ils vont de box en box, ils nettoient les salles. Je me dis qu'eux aussi doivent être fatigués. Donc je les respecte beaucoup, ça ne sert à rien de s'énerver. J'ai prévenu mon copain et trois amis proches. Comme je ne sais pas encore si je reste dormir, je décide de ne rien dire à ma mère pour l'instant. Je ne veux pas la réveiller aussi tard et l'inquiéter pour rien. A minuit 30, un box se libère. Je m'assois sur la seule chaise qu'il y ait. Mon éducatrice reste debout. Elle devait finir à minuit. J'arrête pas de lui dire « rentres chez toi, il est tard ». Mais elle tient à rester pour être sûre qu'on me garde et qu'on s'occupe de moi. J'en suis touché. Elle attend avec moi l'arrivée de l'urgentiste. Habillé de bleu. Pas très sympathique. Il me reproche d'avoir trop attendu pour venir, j'essaie de lui expliquer que les urgences sont le seul recours possible. Psychologue indisponible et psychiatre au mois de janvier. Je ne tiendrais pas sans me faire du mal. Je ne tiendrais pas avec la peur au ventre. Je le sais. C'est difficile de défendre mon cas. Le fait est que je ne suis pas en danger de vie ou de mort immédiate. Pour lui c'est pas une urgence, ça sert à rien. Il me dit que c'est pas un centre d'hébergement. Je le sais bien. Ici les gens viennent pour avoir des soins. Moi aussi j'en ai besoin. Je lui explique toutes mes démarches mais il dit que j'ai mal agis. Les urgences psy c'est la journée, il n'y a personne le soir. Je suis en colère. Je me sens rabaissé alors que je demande de l'aide. J'en pleure une fois qu'il est parti. L'éducatrice me dit que c'est pas de ma faute, elle pense que j'ai fait ce qu'il fallait. J'attends encore. Ensuite quelqu'un dit à mon éducatrice qu'elle peut me laisser là, qu'ils vont me prendre en charge. Elle en a pas vraiment envie mais je vois bien qu'elle est fatiguée. J'insiste pour qu'elle rentre. Elle a les yeux qui brillent de fatigue. Jusqu'à presque 3h du matin, j'écoute de la musique pour faire passer le temps. A cette heure là, tout le monde dort. Je m'ennuie. On m'emmène dans un box avec une vraie porte. Il n'y a pas de lit mais un brancard. Je suis déçu mais je m'en contenterais pour cette nuit. On reprend ma tension et on me pique le bout du doigt pour vérifier mon taux de sucre. Elle me dit qu'il est insuffisant et me propose une compote. J'attends un peu et quelqu'un revient avec un plateau. Il y a des carottes râpées, une grosse tranche de jambon, un yaourt nature avec du sucre et une compote. Je mange que les carottes et le jambon, sans toucher au reste. J'en suis déjà rassasié. Je peine un peu à m'endormir, j'ai cru que même la je n'y arriverais pas. Pourtant même avec la lumière allumée je m'endors sans m'en rendre compte, accompagné par Étoile Bleue, mon doudou.

Ce matin, une infirmière reprends ma tension et me repique. Elle repart aussi tôt. Elle est agréable mais pressée et moi j'ai hâte de me rendormir. Ce que je fais quand elle quitte le box. Vers 9h, une infirmière en psychiatrie et son élève me demande pourquoi je suis ici. J'explique mieux qu'hier. J'ai peur. J'ai peur de me faire du mal. J'ai une vie qui m'angoisse. J'explique pourquoi. C'est pas aussi puissant que ce que j'aurais voulu. J'en parle avec détachement, c'est un peu bizarre parce que si je suis ici c'est parce que c'est trop présent dans mon esprit. Elle me demande si je serais prêt à accepter une hospitalisation. Je réponds que oui, j'ai besoin d'aide de toute façon. Elle va en parler au médecin psychiatre. J'attends encore pour l'instant.

On me propose de déjeuner, je fais la grimace. Je dis que j'ai pas faim. Mais je sais pertinemment qu'il faut que je mange. Ce matin, j'ai bu mon bol de café au lait et le bas du petit pain avec du beurre. Pas le dessus. Je laisse de côté le reste du pain, les 3/4 du beurre et le yaourt nature.

On me propose une douche, je demande une femme. Il y en a que deux sur le service aujourd'hui et ce sont des infirmières. J'attends patiemment mon tour une fois de plus.,.

Affaire à suivre ...

MédusaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant