Anorexie

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( Je vous écris une fois de plus depuis l'hôpital où j'ai été admis pour troubles alimentaires / anorexie)

Tout d'abord je ne vais pas commencer comme d'habitude, je vais commencer par une citation tirée du livre de Delphine de Vigan, Jours sans faim :

« Elle ouvre les yeux et voudrait hurler à en perdre le souffle sa terreur d'en être arrivée là. »

Voilà ce qui m'a conduit à l'hôpital. La peur de voir des os apparaître. Les côtes qui se dévoilent. Le dos qui montre la ligne que forme la colonne vertébrale. Les cuisses qui ne se touchent plus depuis longtemps. Et les clavicules recouvertes par une fine couche de peau. Pas de graisse. Seulement des muscles qui restent en place et finissent par fondre. C'est comme si on s'effaçait nous-même. Il ne reste plus que la peau sur les os. Et puis on emmerde l'estomac, qu'il aille se faire voir avec ces bruits de gargouillements qui nous surprennent et nous rappelle son existence.

On emmerde les magasins et tous leurs rayons remplis à ras-bords de graisse mais on jalouse quand même un peu ceux qui peuvent continuer à manger.

C'est ça ma définition de l'anorexie.

Tu commences par sauter un repas, puis 2, puis 3. Puis tu réalises que t'as plus envie de rien. Que tout ce que t'aimais avant tu n'en veux plus. Tu serais même prêt à vider tes placards et à tout foutre à la poubelle. Mais t'as peur qu'on s'en aperçoive, alors tu gardes sous tes yeux la nourriture que tu ne mangeras jamais.

Tout le monde te dis que tu maigris de plus en plus, mais tu t'en fiches. Jusqu'au jour où tu montes sur la balance avec ta sœur à tour de rôle et que les poids sont presque pareils. Et la réalité vient nous agresser. On est maigre. Trop maigre. On est malade. Et cette maladie s'appelle Anorexie.

A l'hôpital on est là pour aller mieux, alors on tente de faire illusion. On mange un bout de fromage, une demie-tranche de jambon, juste pour voir ce que ça fait de manger. On se sent plein et on déteste ça. On fini en boule dans notre lit, à la limite de hurler qu'on veut pas de ça en nous. Qu'on veut plus jamais manger. Qu'on déteste ces plateaux, qu'on en veut pas.

A quoi ça sert de manger ? D'ailleurs on sait même plus comment on fait. On sait plus comment manger, quoi manger et ce que ça fait de manger un repas complet. Alors on laisse tomber. On abandonne.

Des fois on tombe sur des gens biens, des gens qui nous prennent dans leurs bras quand ils voient qu'on s'écroule. Des gens qui apaisent avec des mots, qui calment comme ils peuvent.

Des fois on tombe sur des gens moins biens, qui jugent, qui font la sourde oreille et nous disent que faire semblant c'est pas utile.

Et c'est pas avec ce genre de personne qu'on peut espérer guérir, mais avec tous les autres.

MédusaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant