Jours sans faim

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Je suis maigre. Trop maigre. Je flotte dans mes vêtements devenus trop larges pour moi. J'évite de sortir dehors, j'ai peur qu'un courant d'air me soulève aussi facilement qu'une feuille morte. Dans la glace, ce corps que je trouve de plus en plus hideux me fait face. Cette maigreur me dégoûte. Tout autant que ce que je dois faire pour qu'elle disparaisse : manger. Il faut manger. Se remplumer. Se gaver comme une oie. Faire disparaître les os sous un peu de graisse. Juste de quoi avoir l'air normal et un peu moins fatigué.

Mastiquer, c'est pas si dur que ça. Le problème c'est d'avaler et de sentir la nourriture peser sur l'estomac. On se sent plein et c'est cette sensation-là que je déteste. Je me sens plein de celui qui m'a foutu en l'air. Plein de tout ce que je déteste. C'est pour ça, la maigreur et les pleurs. C'est pour ça que mon ventre crie famine.

Aussi peut-être pour montrer qu'il est plus fort que lui, plus fort que la faim qu'il exprime. Il y a toujours cette sensation de légèreté dans l'ivresse du jeûne. Ce vide qu'on a pas besoin de combler pour une fois... 

MédusaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant