Effondrement

26 2 0
                                    

Je m'effondre. Les larmes se font cent fois plus brûlantes que d'ordinaire. Elles brûlent mes joues autant que tes mains ont brûlées mon âme.

Papa vient de me dire. Il m'a dit que t'étais incarcéré. Incarcéré. Le mot redouté. Le mot que j'espérais. Le mot que je voulais. Que je voulais pas entendre. Te voilà désormais prisonnier. Nous voilà désormais effondrés, nous, tes victimes.

On voulait pas ça tu sais. On voulait que tu sois puni. Enfin moi je le voulais. Mais je voulais pas, je voulais pas que ça gâche ta vie. Je voulais pas. Je voulais pas.

Papa dit que t'en à pour 4 mois ou 1 an, en attendant le grand procès. Celui qui décidera de la peine finale. Papa penche pour 7 ans. Mais on est 6 alors je crois que ça serait bien plus que ca. Sauf si t'arrive à obtenir une liberté conditionnelle ou à sortir plus tôt parce que tu seras guéri. J'aimerais que tu guérisse. Que tu redevienne mon frère. Que tu sois plus mon agresseur.

J'aimerais que tu redevienne le protecteur que t'étais même si je sais pas exactement quand est-ce que t'as commencé tout ça. Peut être qu'on se berçait tous d'illusions ? Peut être que j'avais une fausse image de toi?

Tu vas me trouver bête mais j'ai même pas pensé à poser la seule question à laquelle j'aurais aimé avoir de réponse. Pourquoi ? Pourquoi moi? Pourquoi nous ? Pourquoi les enfants ? Pourquoi ?

J'ai une autre question qui me vient en tête maintenant : comment ? Comment vais je vivre ma vie en sachant que tu es privé de la tienne? Comment vais je surmonter cette sensation de culpabilité ? De dégoût ? Comment ne vais je pas penser à toi pendant les prochaines années ? Que ce soit 4 mois, 1 an, ou plus.

Je sais. Je devrais être soulagé que tu sois dans un endroit où tu pourras plus faire de mal à personne. Mais la souffrance m'assassine. Elle me tue. C'est terrible.

Je réalise que je suis seule. Enfin pas tout à fait, on est 6. 6 personnes à vivre cette horreur. Sans compter les dommages collatéraux. Sans compter ta sœur de 11 ans qui t'as regardé partir avec les menottes. Sans compter papa qui va boire un verre pour s'endormir. Sans compter maman, qui ne veut plus de toi. Sans me compter moi qui ne dors toujours pas.

J'ai les joues encore irritées par les larmes et le mal de tête commence à me vriller le crâne. Pourtant, je peux pas dormir. Je regarde mon écran fixement. Je dois faire peur.

Il y a le présent de vérité générale et le présent d'horreur généralisé.

MédusaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant